Intentées en justice par l’ACFA le 17 août 2020, la province et l’Université de l’Alberta avaient déposé une motion pour faire radier de la poursuite les allégations de violation de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Pour les parties défenderesses, ces accusations étaient «vouées à l’échec et ne devaient pas faire l’objet d’un procès».
Cependant, la juge de la Cour du Banc du Roi, April Grosse, ne l’a pas reconnu ainsi. Dans son jugement rendu le 14 septembre dernier, elle énonce la possibilité qu’il y ait un lien entre le financement précaire du Campus Saint-Jean et la pénurie de personnel dans les écoles élémentaires et secondaires francophones de la province.
Cela démontre que les parties défenderesses devront prendre au sérieux les accusations et aller se défendre contre les allégations de violation de l’article 23 de la Charte. L’ACFA, quant à elle, devra prouver leur véracité au cours de la procédure judiciaire.
Les espoirs de la francophonie
«Nous sommes très contents de la décision de la Cour du Banc du Roi. Ça fait plus de deux ans qu’on patauge dans des motions préliminaires», déclare le vice-président de l’ACFA, Pierre Asselin. L’ACFA espère toutefois que la province ne déposera pas de nouvelles motions, ce qui pourrait encore retarder la procédure judiciaire.
Avec ce jugement, l’ACFA souhaite trouver rapidement une solution politique à ce litige. Plus précisément, elle voudrait que la décision de la juge Grosse mène à des négociations avec la province et l’Université de l’Alberta afin de trouver une solution permanente au financement du Campus Saint-Jean.
M. Asselin souligne que l’argent des parties défenderesses serait mieux investi dans le fonctionnement du Campus Saint-Jean que dans la poursuite. Cela dit, si une entente n’est pas trouvée, Pierre Asselin et Me Mark Power, l’avocat de l’ACFA et associé de Juristes Power Law, unissent leur voix et affirment qu’ils seront prêts pour la suite des procédures judiciaires.
Des alliés de taille
Comme ils sont de fervents défenseurs de l’article 23 de la Charte, les conseils scolaires Centre-Nord, Centre-Est, Nord-Ouest et FrancoSud sont devenus, à l’automne 2021, codemandeurs dans la poursuite judiciaire, au même titre que l’ACFA.
Ils accusent, eux aussi, le gouvernement provincial et l’Université de l’Alberta d’avoir créé une situation financière précaire au Campus Saint-Jean en violant l’article 23 de la Charte et le principe constitutionnel de la protection des droits des minorités.
D’ailleurs, avant de rendre son jugement, la juge Grosse avait pris connaissance de l’ajout des quatre conseils scolaires dans la poursuite, mais «elle a pu trancher en faveur de l’ACFA sans tenir compte de leur présence», explique Me Power.
Leur rôle sera toutefois important lors de l’étape préliminaire du procès. En effet, l’avocat de l’ACFA souligne que la preuve concernant l’article 23 sera directement apportée par les conseils scolaires francophones.
«Ils aideront à documenter fidèlement les problèmes d’aujourd’hui, mais aussi historiques des établissements scolaires et les besoins non comblés en matière de ressources humaines. La juge pourra ensuite mesurer l’écart entre les besoins objectifs et véritables de la main-d’œuvre formée par le Campus Saint-Jean», mentionne Me Power.
Dans les prochaines semaines
Dans la poursuite, l’ACFA accuse également la province et l’Université de l’Alberta d’avoir violé l’entente qu’ils ont signée en 1976 avec les Oblats, les fondateurs du Campus Saint-Jean. Cette entente engage les parties à assurer le développement de l’éducation francophone en Alberta.
Au moment d’écrire ces lignes, le gouvernement provincial et l’Université de l’Alberta n’ont pas encore dévoilé la suite de leurs actions. En raison de la procédure judiciaire en cours, les deux parties ont décliné les demandes d’entrevue faites par la rédaction.
Toutefois, le ministre de l’Éducation postsecondaire, Demetrios Nicolaides, a indiqué à la rédaction, par courriel, avoir hâte de poursuivre les discussions avec l’ACFA et avec l’Université de l’Alberta afin d’essayer de trouver une solution concernant le sous-financement chronique du Campus Saint-Jean. Celles-ci se poursuivront au cours du mois d’octobre.
«L’ACFA tient très fort à défendre les droits linguistiques dans notre communauté et on ne lâchera pas», termine Pierre Asselin.