Malgré ses nouvelles fonctions, Steve Jodoin n’est pas nouveau dans les arts de la scène à Edmonton. «À la base, je suis comédien, animateur de télévision, et je fais beaucoup de pièces de théâtre à La Cité [francophone] depuis 2004», rappelle-t-il.
Il est très fier de cette 30e saison qu’il a imaginée. «Je voulais en fait créer une saison très inclusive […] et très variée à tous les niveaux.»
Mais pour débuter la saison, Steve a voulu présenter une pièce «pour les gens de tous âges». Regarde mon village écrit par Kenneth Brown et traduit par Pierrette Requier, «c’est une pièce qui représente les petites communautés francophones albertaines», décrit l’artiste.
Steve Jodoin a bouleversé les concepts en présentant sur scène une ville miniature sur deux grandes tables autour desquelles les acteurs évoluent tout en utilisant les accessoires à disposition pour valoriser le récit.
Le spectateur a pu profiter de ce travail d’orfèvre où il règne une certaine sérénité : les maisons colorées côtoient la patinoire municipale et de petites boutiques… Pourtant, le calme et l’équilibre risquent d’être bouleversés par l’installation d’un nouveau supermarché, le Mallmart. Une grande surface qui s’annonce comme une menace imminente pour les commerçants locaux, mais aussi pour les villageois. Isabelle, une jeune fille de onze ans, est effrayée par cette nouveauté dans son petit village. Mais elle n’est pas la seule, une majorité de la population l’est aussi. Il en va de l’authenticité du petit bourg. S’en vient une lutte contre cette commercialisation organisée par la jeune fille et ses amies pour préserver l’aspect pittoresque de leur petit village.
«C’est un beau commentaire sur la crainte», explique Steve Jodoin. D’ailleurs, il espère, avec cette pièce et bien d’autres, offrir un moment de réflexion à son public. «Le théâtre est là pour faire réfléchir et pour amener des discussions.»
La pièce d’ouverture pour la saison
Dans le cadre de sa collaboration historique avec L’UniThéâtre, Kenneth Brown est très heureux de voir sa pièce Look at the Town traduite et mise en scène en français pour l’ouverture de la saison.
La trame de cette œuvre écrite en 2019 dans la langue de Shakespeare vient «d’une sorte de rêve que j’ai eu pendant trois ans lorsque j’ai envisagé une pièce en miniature».
Et même si Kenneth Brown est issu d’une famille anglophone installée à Garneau, un des plus anciens quartiers d’Edmonton, il travaille souvent dans les deux langues. Il a d’ailleurs appris le français à l’École nationale de théâtre du Canada, à Montréal.
Immergé avec L’UniThéâtre depuis les débuts de celui-ci, Kenneth rappelle que c’est Daniel Cournoyer qui lui «a demandé de faire la mise en scène de la première pièce de théâtre jouée là». «C’est une connexion bien importante pour moi parce que je suis francophile, mais je suis aussi un ami de la culture franco-canadienne», dit-il, en toute sincérité.
Une langue différente : le sens reste-t-il?
Toutefois, le metteur en scène n’a pas entrepris la traduction de Look at the Town tout seul. Pierrette Requier s’est jointe à l’aventure, alors qu’ils avaient déjà travaillé ensemble pour traduire la pièce Mad Fantastic Maid of God: Joan of Arc.
Un nouveau défi pour cette poète albertaine. «J’ai beaucoup aimé la traduire parce que j’aime “boguer” entre les deux langues», décrit la résidente de Donnelly. Un lieu qui explique que, malgré ses racines francophones, «j’ai toujours vécu avec les deux langues».
Ayant vu la version anglaise plusieurs fois durant le festival de théâtre Fringe en 2019, à Edmonton, Pierrette explique qu’elle «a été témoin de Kenneth qui a rêvé de ce truc». «C’est une histoire réaliste, mais elle est aussi enchantée», raconte-t-elle.
La pièce anglaise contient elle-même beaucoup d’ironie et de poésie. «L’ironie marche différemment entre le français et l’anglais», décrit Kenneth Brown. Il ajoute que «l’anglais est plus court, plus direct».
Pierrette a toujours été optimiste face à cette traduction. «Il y a des choses qui ne se traduisent pas, alors j’ai ajouté des mots» et ces mots rendent l’œuvre encore plus régionale qu’elle ne l’était.
En ajoutant un peu de dialecte, Pierrette a mis un point d’honneur à valoriser les expressions françaises du nord de l’Alberta. «C’est d’où j’ai été élève, je l’ai écrit dans cette langue-là… avec quelques expressions québécoises», rigole-t-elle.
La raison? «Je suis une pie et je prends des morceaux de partout qui me conviennent», plaisante Pierrette.
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Selon Kenneth Brown, la pièce se situe bien dans la culture franco-albertaine, malgré les défis de traduction du sens et du ton. «Il y a une célébration de la neige et de la culture de l’hiver», raconte-t-il. Comme l’a également souligné Steve Jodoin, c’est une pièce qui attire aussi «les enfants de tout âge».
Kenneth Brown conclut que cette mise en scène miniature de la pièce nostalgique «est une manière de contacter toute la communauté qui supporte L’UniThéâtre».
Après la dernière représentation de Regarde mon Village le samedi 29 octobre, L’UniThéâtre ramène Le Rire, un ensemble des saynètes, de parodies et de chansons. Celui-ci aura lieu les 9 et 10 décembre et mettra en scène Steve Jodoin, Marie-Joanne Fogue Makou, Josée Thibeault et Vincent Forcier.La première pièce de théâtre à être dévoilée sur scène en 2023 sera Passeport de Robert Suraki Watum. Elle sera présentée du 22 au 26 février.
Du 25 au 28 mai, L’UniThéâtre accueillera Aalaapi, une pièce mettant en scène le quotidien de deux femmes vivant au Nunavik.Finalement, Simon Soucis sera en tournée pour le jeune public. La pièce sera présentée uniquement le 14 avril 2023.
Pour en savoir plus sur les autres activités et spectacles présentés par L’UniThéâtre : t.ly/9zTB