le Mercredi 11 décembre 2024
le Lundi 6 février 2023 9:00 Fédéral

Les services d’établissement aux immigrants à bout de souffle

Près de 1,5 million d’immigrants d’ici à 2025 : tel est l’objectif affiché par le ministère de l’Immigration canadien. Mais les services d’établissement offerts aux nouveaux arrivants accusent le coup, car leurs ressources humaines ne suivent pas.
Les services d’établissement aux immigrants à bout de souffle
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C’est le constat que dresse Mirela Dranca, gestionnaire du programme d’établissement au Conseil économique et social d’Ottawa-Carleton (CÉSOC). «Je ne veux pas rentrer dans les détails du budget qu’on reçoit, mais tous [les services d’établissement] demandent un peu plus, car on est rendus à un point de fatigue professionnelle. Ce n’est pas seulement le CÉSOC, mais tous les programmes d’établissement à travers le pays qui se plaignent de la même chose.»

Mirela Dranca plaide pour plus de main-d’œuvre dans les services d’établissement. Elle observe un épuisement professionnel au CÉSOC, où elle dirige les programmes d’établissement. Crédit : Courtoisie

Mirela Dranca plaide pour plus de main-d’œuvre dans les services d’établissement. Elle observe un épuisement professionnel au CÉSOC, où elle dirige les programmes d’établissement. Crédit : Courtoisie

La gestionnaire affirme que cette fatigue s’est surtout fait ressentir en 2022, lorsque le Canada a accueilli 431 645 immigrants, pulvérisant au passage son record.

«On nous demande de faire plus, de rencontrer toujours plus de nouveaux arrivants, dont le nombre a beaucoup augmenté, pas seulement pour les organismes anglophones, mais aussi pour les francophones. Cette augmentation de la clientèle a un impact sur la charge de travail de nos agents qui entrent en contact direct avec la population. Les agents se trouvent tous débordés, mais les ressources sont toujours les mêmes. On offre beaucoup plus de services à l’heure actuelle qu’en 2021.»

Service d’établissement du Réseau francophone en immigration de l’Alberta. Crédit : Courtoisie

Service d’établissement du Réseau francophone en immigration de l’Alberta. Crédit : Courtoisie

Mirela Dranca déplore le «roulement au niveau de tous les fournisseurs de services [d’établissement]». «On va perdre notre personnel», prévient-elle.

Pire, le CÉSOC est en compétition avec le plus grand employeur de la région d’Ottawa : le gouvernement fédéral. «Le milieu est en train de se vider. Les gens vont chercher un emploi plus stable, mieux rémunéré et peut-être que la charge de travail est réduite», souligne-t-elle.

Besoin de ressources humaines formées

Pour s’assurer que tous les organismes fournissent la même qualité de service, ceux-ci «devront recevoir plus de financement, notamment au niveau de la formation professionnelle des agents», avance Mirela Dranca.

La gestionnaire plaide donc pour qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) se concentre davantage sur un financement de ressources humaines formées.

Francophones ou anglophones, tout le monde est logé à la même enseigne sur les salaires et l’épuisement professionnel. Selon Mirela Dranca, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants (OCASI), qui chapeaute tous les organismes d’établissement de l’Ontario, plaide auprès du gouvernement fédéral pour l’augmentation salariale de tous les fournisseurs de services.

«On a toujours besoin de plus»

Mais les ressources humaines ne sont pas le seul point de blocage. D’après Mirela Dranca, l’exécution du programme d’établissement nécessite aussi plus de financement.

«Quand on fait une demande de proposition, on a tous les mêmes lignes budgétaires. Cela étant, tout dépend de nos cibles. En réalité, on a toujours besoin de plus», ajoute-t-elle.

Pour la gestionnaire, peu importe la langue officielle des services : «On doit tous répondre aux mêmes questions pour le budget. Mais je ne sais pas si au niveau anglophone, ils ont plus d’argent dans l’exécution du programme [d’établissement].»

Tableau 1 Répartition des fonds par province. Crédit : IRCC

Tableau 1 Répartition des fonds par province. Crédit : IRCC

Tableau 2 Répartition des fonds par service. Crédit : IRCC

Tableau 2 Répartition des fonds par service. Crédit : IRCC

Un agent d’IRCC les visite régulièrement pour écouter leurs besoins. «IRCC est en train de comprendre ce qui se passe avec les fournisseurs de services. Je pense qu’ils ont vraiment la volonté de mieux faire. On sait grâce à ces agents qu’on aura peut-être un peu plus de ressources, car ils ont bien compris que le besoin est là.»

Dans les ententes passées tous les cinq ans avec IRCC, les services d’établissement peuvent toujours faire des amendements en fonction de leurs besoins. L’augmentation du budget peut se faire seulement en fonction de l’augmentation de la clientèle. «Le ministère ne pourra pas nous faire des changements ou augmentations du financement si nous ne prouvons pas que nos chiffres et services ont augmenté et qu’il y a beaucoup plus d’immigrants francophones qu’auparavant», explique Mirela Dranca.

Cela dit, le CÉSOC s’apprête à négocier le prochain budget et Mirela Dranca est confiante : «Je crois vraiment qu’IRCC comprend la nécessité de donner plus de financement ou de ressources en fonction de nos demandes. Le ministère est à l’écoute, car il a vu que les résultats sont là.»

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a dépensé 848 millions en 2021-2022 pour répondre aux besoins des nouveaux arrivants en matière d’établissement (à l’extérieur du Québec). Ces fonds proviennent du Programme d’établissement.

Une partie de cette somme (environ 61 millions, incluant 8,2 millions issus du Plan d’action pour les langues officielles) appuie l’intégration de nouveaux arrivants dans les communautés francophones en situation minoritaire. Sur quatre services d’établissement contactés, aucun n’a commenté ce montant.

Sans surprise, c’est l’Ontario qui a reçu le plus de fonds pour ces services, suivi de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.

Comme le démontre le deuxième tableau, la formation linguistique, l’information et l’orientation et les services indirects sont les trois services les plus financés.