Influencés par nos régions natales, l’historique ancestral et l’héritage de nos ancêtres, nos accents sont plus qu’une langue. Ils communiquent des informations sur toi, et en raison de l’unicité de chacun, il y a autant d’accents que de francophones. Par contre, que survient-il si nos intonations distinctives deviennent un enjeu à notre vie quotidienne?
«Emporter avec soi son accent familier, c’est emporter un peu sa terre à ses souliers», disait l’auteur Miguel Zamacoïs.
Cette citation s’avère de plus en plus représentative dans notre réalité albertaine. L’augmentation de francophones dans notre province est en hausse. Et du coup, il y a une diversité au niveau des accents.
Pourtant, au lieu d’accepter cette diversité d’accents, plusieurs individus classent certains accents français plus haut que d’autres. De ce fait, les locuteurs qui n’utilisent pas le français considéré «international» peuvent être jugés ou même pénalisés de leur intonation. Néanmoins, tout le monde n’est pas d’accord avec cette déclaration.
Une parmi les personnes que j’ai interrogées, «qui ne voulaient pas divulguer son identité», est fortement contre cette déclaration. «… Ton accent n’est pas une barrière en Alberta… La discrimination linguistique est rare et c’est l’individu concerné qui décide d’être “insécure” de sa langue… Je parle mon français bien accentué sans répercussions négatives», dit-il.
Malgré cela, cette affirmation agace Fatou. Originaire du Tchad, elle vit et étudie au lycée en Alberta. Elle n’était pas du tout d’accord et voici pourquoi.
Un jour, un enseignant lui a dit qu’elle parle mal français «à cause de son accent.» Ça l’a beaucoup dérangée, car son identité francophone était niée. «Le français est ma première langue, car je la parle depuis que j’ai 3 ans», dit-elle avec une voix enragée. Ces commentaires rabaissants ont affecté sa confiance langagière jusqu’au point qu’elle «avait de l’insécurité à s’exprimer.»
Elle a ajouté : «Mon français était une barrière de communication… Je ne parle pas l’anglais. Je ne me sentais pas acceptée.»
L’expérience de Fatou n’était pas une première. Marcus, qui a immigré en Alberta du Maroc en 2019, a passé par la même chose dans sa communauté francophone. «J’ai un accent arabe et les gens disaient que ce n’était pas professionnel.» Ces cas ne sont sûrement pas des coïncidences.
Toutefois, la personne anonyme continue à être en désaccord avec Fatou et Marcus. «Vous avez eu de la malchance. Comment est-ce qu’un pays aussi diversifié que le Canada peut juger des accents étrangers», questionne-t-il.
Parfois, les préjugés des accents ne sont pas intentionnels. Rencontrer une élocution étrangère peut vous faire réagir d’une manière inattendue.
Pourtant, il y a des individus qui portent des préjugés inhérents à certaines nationalités et ces accents étrangers les amènent à s’exprimer de leurs opinions biaisées.
Un accent communique des informations sociales sur une personne. Par exemple, l’accent dit beaucoup sur ta provenance géographique. Certains préjugés s’y sont rattachés et on y attribue certaines caractéristiques. Isabelle Violette, sociolinguiste et professeure à l’Université de Moncton, explique ce phénomène ainsi :
«Il s’agit d’une échelle de valeurs sociale. Par exemple, en France, on remarquera que c’est l’accent de Paris qui est considéré meilleur par rapport aux accents du Nord (Lille) et celle des banlieues défavorisées des grandes métropoles. Il s’avère que Paris est la capitale politique et culturelle et que, dans l’histoire de la France, c’est la région qui a été la plus développée et prospère.»
Cela fait que l’accent parisien est hautement estimé et ça donne une bonne impression.
«Au Canada, on constate également une hiérarchie entre l’accent québécois, jugé supérieur, aux accents des régions francophones hors Québec. Plus on “sonne” québécois, plus on tend à être considéré comme parlant un meilleur français», ajouta-t-elle. Des individus qui ne se trouvent pas dans cette catégorie peuvent être traités différemment ou méprisés en raison des biais du destinataire. En ce cas, ça serait considéré comme de la discrimination linguistique.
«C’est un traitement différentiel et injuste d’une personne en raison de la langue qu’elle parle ou ne parle pas, de son accent ou encore de l’usage de certains traits linguistiques», explique Isabelle Violette.
«Il y a des exemples évidents comme refuser d’être embauché pour un emploi. Mais il y a aussi des micro-agressions comme quand un Canadien anglophone ne fait aucun effort pour prononcer correctement un prénom français ou autre», ajoute François Paré, professeur à l’Université de Waterloo. En conséquence, les effets des préjugés négatifs ou la discrimination linguistique sont néfastes.
Selon Isabelle Violette, cela mène à «susciter une honte de soi et de son groupe. La langue étant intimement liée à l’identité, des attitudes négatives envers notre accent peuvent entraîner différents comportements : vouloir changer ou dissimuler son accent ou passer à une autre langue dans laquelle la personne ne se sentira pas juger». C’est ce que les experts appellent l’insécurité linguistique.
En réalité, Fatou et Marcus sont parmi les nombreux à développer cette insécurité en raison de leur expérience acérée. Ils ont intériorisé le jugement négatif, ce qui leur a causé de souffrir de cette insécurité. Cela a énormément impacté leur identité.
Enfin et surtout, comment se débarrasser de ce problème de préjugés qui à un profond impact sur plusieurs francophones? La réponse de François Paré est claire. «Par l’éducation. Les accents sont une caractéristique biologique. Presque comme la race. Même si elle essaie fort, une personne ne peut pas généralement changer son accent. Il faut faire la promotion du fait qu’il y a une grande variété de francophones et que tous et toutes sont égaux.» Je me demande si l’individu anonyme penserait maintenant le contraire.
En étant conscients de nos préjugés et en remettant en question des stéréotypes implicites, nous pouvons nous assurer de créer un environnement plus inclusif. Je vous invite à célébrer ce mois de la Francophonie en reconnaissant la diversité des accents, en gardant à l’esprit des gens comme Fatou et Marcus. Vive la Francophonie!