«Admettre ses fautes et l’origine de ses fautes est vraiment important et c’est la première étape pour changer les choses», exprime Sissy Thiessen Kootenayoo, une éducateurice autochtone, animateurice et propriétaire de l’entreprise Wase Saba Experiences.
Bispirituel.le vivant à Amiskwaciwâskahikan (Edmonton), iel évoque les implications de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. «Les problèmes ne peuvent être résolus sans les avoir d’abord admis.» Et les problèmes auxquels iel fait référence, «ce sont les disparités, la pauvreté, les disparitions et les meurtres de femmes et de filles autochtones, la brutalité policière, les sans-abri, les dépendances, la surreprésentation dans le système judiciaire…»
Dans Ce que nous avons retenu, rapport de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada, on peut lire que les séquelles des écoles résidentielles ne se sont pas arrêtées après leur fermeture. Les peuples autochtones sont encore aujourd’hui confrontés à un racisme systématique et systémique. Un système ancré dans la société canadienne à travers les écoles résidentielles.
Pour des survivants intergénérationnels comme Sissy, «avoir un jour comme le 30 septembre, c’est vouloir admettre ses fautes en tant que gouvernement et en tant que société».
Mais pourquoi ce jour-là?
Cette journée a été nationalement reconnue après la découverte des restes de 215 enfants sur le site de l’ancienne école résidentielle de Kamloops. Cheyenne Mihko Kihêw, autochtone bispirituel.le, travaille pour Edmonton 2 Spirit Society et indique que «c’est déjà suffisamment pénible que le gouvernement ait coopté un mouvement autochtone».
Mais le 30 septembre est aussi connu comme étant la Journée du chandail orange. Ce mouvement a débuté en mai 2013 durant la réunion des survivants de l’école résidentielle de la Mission Saint-Joseph, à Williams Lake, en Colombie-Britannique, peut-on lire sur le site web Orange Shirt Day. Phyllis (Jack) Webstad évoque alors qu’on lui a confisqué son chandail orange acheté par sa grand-mère le premier jour de la rentrée scolaire au pensionnat en 1973, car elle devait porter l’uniforme.
C’est pour commémorer cet évènement que la date du 30 septembre a été choisie, mais aussi parce que c’était à cette période que les jeunes enfants des Premières Nations étaient enlevés pour rejoindre les pensionnats. Cette journée a été instaurée grâce à «une survivante des écoles résidentielles», souligne Cheyenne, tout en ajoutant «je veux qu’on se souvienne d’où les efforts ont commencé».
Responsabilité d’apprendre, obligation de s’engager
«Je suis vraiment une grande partisane du mot “réconcili-ACTION”», explique Sissy. «C’est un engagement à réellement faire quelque chose». Iel explique que participer à la réconcili-ACTION, c’est «beaucoup plus simple que cela paraît». Cela commence par «être prêt à être éduqué […] et être prêt à avoir tort».
De manière plus tangible, Sissy décrit que les personnes autochtones «ont besoin de dons, de temps, d’efforts, d’énergie, de bénévoles». Cheyenne ajoute à ces points qu’il est important «de trouver du temps pour faire du bénévolat en dehors du 30 septembre».
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Iel veut aussi «s’assurer que tous les efforts pour soutenir les communautés autochtones ne soient pas centrés sur […] le 30 septembre». Une notion vitale pour un véritable changement, explique Cheyenne.
Les changements à réaliser
Finalement, Cheyenne explique que «même si ces mouvements de résurgence existent depuis la fin des années 1980 […] ce n’est qu’au cours des deux dernières années que nous avons commencé à voir des financements pour les organisations bispirituelles».
Cheyenne indique que «dans les conversations de réconciliation, ce n’est pas une approche équitable pour tout le monde». Iel ajoute «qu’on ne sait pas vraiment à quoi ressemblent les prochaines étapes alors que nous travaillons toujours sur les bases».
C’est pourquoi le travail de la réconciliation ne peut pas être traité pendant une journée, cela «doit être durable tout au long de l’année», conclut Cheyenne.
Nathalie Kermoal est doyenne par intérim de la Faculty of Native Studies, professeure titulaire et directrice du Rupertsland Center for Métis Research de l’Université de l’Alberta. À la demande de l’ACFA, elle a offert, pour une deuxième année consécutive, un atelier dans le cadre de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. L’an passé, l’atelier «a été un gros succès, il y avait autour de cent personnes qui sont venues», décrit avec surprise Nathalie.
Elle est persuadée qu’il y a «toujours un besoin d’éduquer les gens autour des questions liées aux autochtones». L’atelier est fondé sur le principe de Patrick Wolfe et relate le fait que «la colonisation est une structure, non un événement». Nathalie est aussi revenue sur les bases du colonialisme et des écoles résidentielles. Elle souligne la curiosité de son public, il y avait «tellement de questions […] et une volonté d’apprendre» l’an passé.
Les anciens élèves des pensionnats peuvent composer le 1 866 925-4419 pour obtenir des services de référence en cas de détresse émotionnelle et de l’information sur d’autres services de soutien en santé offerts par le gouvernement du Canada. Pour plus d’information : t.ly/P5g9