Peu importe où il réside en Alberta, lorsqu’un francophone vit en français, il espère vivre aussi sa santé en français. Cependant, s’il a besoin de services de santé dans la province, il n’a pas nécessairement la possibilité de rencontrer un professionnel qui s’exprime dans sa langue maternelle. Il faut alors faire preuve d’ingéniosité.
Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco
Dans sa pratique médicale, le Dr Quentin Durand-Moreau, spécialiste en médecine du travail et professeur adjoint au département de médecine préventive de l’Université de l’Alberta, explique que les patients ayant besoin d’interprètes viennent souvent avec les membres de leur famille.
Gisèle Lacroix se remémore que sa fille l’a accompagnée à ses rendez-vous médicaux lorsqu’elle avait le cancer, il y a quelques années. Dans la clinique de cancérologie où elle recevait ses traitements, elle a côtoyé des oncologues anglophones. Lorsqu’ils en discutaient avec elle, ces derniers employaient des termes médicaux qu’elle ne comprenait pas.
Pendant cette période, Gisèle Lacroix s’estimait chanceuse de continuer à consulter le médecin qui lui avait diagnostiqué sa maladie. Il lui servait aussi d’interprète puisqu’il était francophone. Elle pouvait entre autres se référer à lui pour savoir si elle avait bien compris les explications de l’oncologue. De plus, les deux praticiens communiquaient ensemble pour, entre autres, s’échanger les résultats.
Néanmoins, dans ces moments de stress et d’émotivité, elle a fait appel à sa fille pour lui servir d’interprète. Bien qu’elle ait eu son soutien lors de ses consultations, Gisèle Lacroix a trouvé la situation stressante. «Un parent ne veut pas toujours partager des informations avec son enfant. À certains moments, je lui ai demandé d’attendre à l’extérieur.»
Discuter au téléphone
Recourir à des membres de la famille comme interprète médical «n’est pas la bonne pratique puisque l’interprétation médicale est un vrai métier», précise le Dr Quentin Durand-Moreau. L’Alberta offre d’ailleurs un service d’interprétation médicale par le biais de la ligne 811.
«On met le téléphone sur haut-parleur, on appelle au 811 et on précise la langue de l’interprétation.» Dr Durand-Moreau
Kaya Ganeshamoorthy, directrice du service d’interprétation et de traduction de Services de santé Alberta (AHS), confirme que ce sont des professionnels interprètes médicaux qui y travaillent.
Leur formation est «extrêmement rigoureuse et avancée dans le domaine médical. Ils ont notamment des mises en pratique dans différents contextes médicaux». Cependant, il a été impossible pour la rédaction de connaitre le nom de ce programme puisque Mme Ganeshamoorthy n’a pas voulu s’avancer sur le sujet.
Lorsque les médecins l’utilisent dans leur cabinet de consultation, «on met le téléphone sur haut-parleur, on appelle au 811 et on précise la langue de l’interprétation», détaille le Dr Durand-Moreau.
Parfois, pendant cette consultation avec l’interprète, il y a des problèmes technologiques. «Ça coupe, on n’entend pas très bien et il faut répéter.» Parce que le patient ne peut pas voir avec qui il parle de sujets sensibles au téléphone, «cela peut générer des problèmes de confiance de la part du patient».
Plus sécuritaire malgré les interférences
Par contre, Kaya Ganeshamoorthy insiste sur le fait que l’usage du service d’interprétation de la province est plus sécuritaire. Faire appel à un membre de la famille ou à un ami «est une pratique qui est extrêmement commune, mais qui est extrêmement dangereuse».
Étant donné que le proche du patient n’est pas nécessairement un spécialiste du domaine médical, il peut omettre d’oublier d’interpréter des renseignements importants du professionnel de la santé. «Le patient prend le risque d’avoir des erreurs dans l’interprétation.»
«Ça coupe, on n’entend pas très bien et il faut répéter.» Dr Durand-Moreau
Elle mentionne également que le proche peut décider de son plein gré de ne pas interpréter les informations données par le professionnel de la santé afin de ne pas affecter le patient.
Et il peut y avoir des problèmes de confidentialité. Rien ne garantit que le proche va garder les informations pour lui. Kaya Ganeshamoorthy affirme que les interprètes de la ligne 811 ne divulguent aucune information. Les conversations restent confidentielles et rien n’est enregistré.
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Par ailleurs, si le patient francophone ne fait pas appel à un interprète lorsqu’il rencontre un médecin anglophone, les conséquences peuvent être désastreuses. Le Dr Quentin Durand Moreau explique que le médecin peut «manquer d’information et faire un mauvais diagnostic». Inversement, le patient peut ne pas bien comprendre le diagnostic, le niveau de la gravité, le traitement et ses directives.
La ligne infosanté de Services de santé Alberta (811)
Accessible gratuitement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, la ligne info-santé 811 offre un service téléphonique de soins de santé et des services d’interprétation.
Elle permet de «répondre à tous les Albertains souhaitant discuter de leurs problèmes de santé dans leur langue natale», souligne Kaya Ganeshamoorthy,la directrice du service d’interprétation et de traduction de Services de santé Alberta (AHS).