La visite débute au premier étage de l’édifice par la une des journaux au lendemain de la catastrophe. Les nouvelles vont vite : la montagne Turtle s’est effondrée brusquement, détruisant le village minier de Frank sur son passage.
Tout a commencé le 10 septembre 1901 lorsque Henry Frank et Sam Gebo, fondateurs de la Canadian American Coal and Coke Company, souhaitent installer une mine de charbon dans l’antre du mont Turtle. Persuadés de l’importance du gisement, ils font fi des informations des peuples Pieds-Noirs et Kootenays qui refusaient de camper à proximité et la surnommaient «la montagne qui bouge».
Les deux hommes d’affaires américains fondent la municipalité afin d’accueillir les mineurs et leurs familles. Le village était promis à un bel avenir par la quantité et la qualité du charbon que le mont Turtle renfermait, et devait devenir le rival de Pittsburgh, en Pennsylvanie, aux États-Unis.
Mais deux ans après le début de son exploitation, à 4 h 10 au petit matin du 29 avril 1903, tout bascule.
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Une tragédie à ne surtout pas oublier
Alors que les 600 habitants de Frank dorment à poings fermés, 110 millions de tonnes de calcaire se détachent du sommet de la montagne. Cette masse rocheuse, haute de 450 mètres, glisse et se brise en fragments, saccageant toutes les bâtisses sur son chemin.
Deux kilomètres de rails du chemin de fer du Canadian Pacific, allant de Vancouver à Montréal, ont également été recouverts. Au total, 110 personnes sont tuées lors de cette tragédie.
À l’époque, à cause de l’extraction de charbon au pied de la montagne, la compagnie minière est tenue responsable. Cependant, après des années de recherche, les scientifiques réfutent cette hypothèse comme cause principale de la catastrophe.
Effectivement, l’exploitation du charbon a contribué à cet effondrement, mais c’est la structure géologique du mont Turtle qui était tout d’abord instable. À cause de fissures au sommet de la montagne, de l’eau a pu pénétrer et ronger le calcaire présent, créant cette fragilité meurtrière.
Joey Ambrosi, superviseur du Centre d’interprétation, souhaite se remémorer cette catastrophe. «En tant qu’historien, il est très important de raconter l’histoire des gens ordinaires afin de garder leur histoire vivante».
Pour lui, c’est aussi là que se distingue le Centre d’interprétation. «Il y a encore beaucoup de musées où vous pouvez apprendre sur les rois, reines et les batailles, alors ici, c’est un type d’histoire différent.»
Afin de mieux vous imprégner de cette catastrophe, n’hésitez pas à vous faufiler dans ce dédale de salles où images d’archive, artéfacts de l’époque et reconstitution de lieux vous interpellent. Il est aussi possible de décrocher un des téléphones mis à disposition pour écouter les déclarations des témoins. Prenez aussi le temps de vous recueillir dans la salle dédiée à la mémoire des victimes.
Instruire les plus jeunes grâce à des jeux ludiques
C’est lors de la rénovation du musée en 2009 que l’aspect ludique et pédagogique pour les plus jeunes a pris forme. «Avant, il y avait beaucoup d’expositions avec juste du texte et peut-être une petite photo», rapporte Joey Ambrosi.
Étant donné que beaucoup de jeunes écoliers visitent ce lieu, des moyens créatifs et originaux sont mis en place afin de capter leur attention. Cela peut être de simples éléments interactifs tels que des casse-têtes, des dessins ou des boutons à appuyer pour lire le texte, mais aussi des programmes plus pointus.
Les élèves, comme les adultes, ont aussi de quoi s’occuper à l’extérieur du bâtiment. Un chemin de découverte d’un kilomètre dans les éboulis leur enseigne la géologie grâce à des panneaux explicatifs. À l’intérieur du bâtiment, c’est une chasse au trésor qui les attend.
Le superviseur du Centre d’interprétation précise, «il s’agit de libérer de l’énergie, d’aller chercher des informations et de prendre un peu de temps pour regarder nos expositions». Cet historien révèle que «nous avons réalisé que nous devions également nous occuper des enfants, car s’ils sont heureux, les parents le sont aussi».
Et c’est mission réussie selon les élèves de GS Lakie Middle School située à Lethbridge. Leur enseignant, Joël Anderson, est également ravi de cette visite. «C’est une belle expérience pour les enfants de sortir de la ville, y voir la nature et apprendre», se réjouit-il.
Chaque enfant explore le musée avec une feuille de papier et un crayon à la main à la recherche de renseignements. Une initiative que l’enseignant aurait aimé connaître à leur âge, «quand j’avais 12 ou 13 ans, je ne m’arrêtais pas pour lire les signes et regarder». Il poursuit, «mais quand les enfants cherchent quelque chose de précis, cela les motive à s’arrêter pour lire et réfléchir».
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Vous pourrez aussi vous installer confortablement dans la salle de cinéma et vivre au plus près la catastrophe grâce à un documentaire-fiction très réaliste. Mêlant images d’archive et de reconstitution, il permet au spectateur de s’immerger complètement.
Un autre court-métrage est proposé afin d’en savoir plus sur l’industrie minière de l’époque et surtout sur les grandes catastrophes qui ont secoué la région. Attention «au coup de grisou», ce gaz hautement explosif composé de 90% de méthane. Invisible et inodore, il se dégage des couches de charbon et devient la bête noire des mineurs lorsqu’il compose 10 à 15 % de l’air ambiant.
Lors de la visite du site à l’extérieur, nous pouvons également apercevoir Bellevue et Hillcrest, deux villes ayant vécu les pires désastres miniers de l’histoire de l’Alberta. La première s’est déroulée en 1910 et a coûté la vie à 31 des 42 hommes présents, alors que la seconde a tué la moitié du personnel, soit 189 travailleurs, quatre ans plus tard.
C’est pourquoi pour Joey Ambrosi, il est nécessaire de ne pas oublier. «Ce sont des vies humaines, des gens ordinaires qui meurent en faisant leur travail. Alors, il est très important que nous gardions l’histoire de ces tragédies vivantes», aspire-t-il.
• 110 personnes ont perdu la vie.
• Parmi elles, 90 se trouvaient sur la trajectoire du glissement de terrain.
• 17 des 20 hommes travaillant de nuit ont été piégés dans la mine, mais ont tout de même réussi à s’échapper en creusant leur chemin vers la surface en 13 heures.
• Les 3 autres hommes travaillant à l’extérieur ont été tués.
• La voie ferrée a été reconstruite en 17 jours.