Le débat des chefs en français présenté le mercredi 8 septembre a fait peu de place aux enjeux d’intérêt pour la francophonie canadienne. La modernisation de la Loi sur les langues officielles, l’immigration francophone hors Québec et le financement de l’éducation se sont fait damer le pion par des questions de gestion de la pandémie, de relance économique et de transferts fédéraux vers les provinces.
Mélanie Tremblay – Francopresse
La seule question portant sur les enjeux franco-canadiens est arrivée à 1 minute 44 secondes de la fin du débat de deux heures. L’animateur, Patrice Roy, a demandé aux chefs s’ils allaient aider les établissements francophones postsecondaires hors Québec «qui sont vulnérables devant les coupes des provinces».
Le chef libéral, Justin Trudeau, a profité des quelques secondes qui lui étaient allouées pour souligner que ce sont «des politiciens conservateurs qui coupent dans les langues minoritaires, [qui] coupent pour les communautés».
Appelé à préciser sa pensée en point de presse après le débat, le leadeur conservateur, Erin O’Toole, a réitéré le plan de son parti.
«J’ai dit qu’on a un fonds pour les investissements dans les écoles postsecondaires parce que les communautés francophones hors Québec sont très importantes et je suis fier de nos deux langues nationales. J’ai appris mon français dans les Forces armées canadiennes comme un anglophone et on doit appuyer nos programmes à travers le pays, c’est pourquoi on va créer un fonds spécifique pour ça.»
Dans la foulée des réactions, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a indiqué que son parti «est souvent la seule voix pour les francophones hors Québec et les Acadiens, au Parlement» alors que Jagmeet Singh du NPD a critiqué les libéraux sur leur gestion de la crise à l’Université Laurentienne.
Ce à quoi Justin Trudeau a répliqué que «monsieur Singh n’a pas compris l’enjeu à Sudbury» en faisant référence à la réticence du chef néodémocrate, lors d’une récente visite dans le Nord de l’Ontario, quant au transfert des programmes en français de l’Université Laurentienne vers l’Université de Sudbury.
Pénurie de main-d’œuvre et immigration
Afin de contrer la pénurie de main-d’œuvre, tous les chefs s’entendent pour augmenter le nombre d’immigrants au pays sans toutefois établir de cible claire.
Pendant le débat, le chef conservateur a précisé qu’il donnerait plus de pouvoir en immigration au Québec sans préciser sa stratégie pour les autres provinces.
Plus tard, en conférence de presse, le chef néodémocrate a appuyé l’immigration francophone à l’extérieur du Québec sans toutefois indiquer de cible précise : «Pour moi, le but, c’est d’avoir un pays qui respecte la réalité d’un pays bilingue. Ça veut dire encourager l’immigration francophone, accueillir les gens à travers le pays qui peuvent contribuer à notre société et aussi aider dans les cas où on a des tragédies des droits de la personne comme ce qu’on a vu en Afghanistan.»
Langues et culture autochtones
La question de la reconnaissance officielle des langues des Premières Nations, des Inuits et des Métis a amené Justin Trudeau à préciser les raisons derrière sa décision, qu’il a qualifiée de «difficile», de nommer une gouverneure générale qui ne parle pas français.
«Parce qu’elle parle une de nos langues officielles et l’inuktitut, une langue qu’elle a apprise au nord du Québec quand elle était jeune, pour moi, ça démontre à quel point nous devons valoriser cette culture, ces langues pour avancer tous ensemble.»
Alors que Jagmeet Singh est en accord avec la reconnaissance des langues autochtones comme des langues officielles, les chefs du Parti conservateur et du Bloc québécois ont plutôt parlé d’une «reconnaissance» de ces langues plutôt que d’en faire des langues officielles.
La cheffe des verts a plutôt saisi l’occasion pour parler de l’importance d’avoir davantage de diversité au Parlement.
«J’espère un jour qu’un de nos partis va avoir un chef provenant d’une de nos Premières Nations, précisément parce que c’est le moment d’avoir ce leadeurship», a précisé Annamie Paul.
En cas de gouvernement minoritaire
Dès les premières minutes du débat, les chefs ont dû se prononcer sur la tenue d’élections à date fixe, même si un gouvernement minoritaire était élu.
Justin Trudeau a répété son message de vouloir donner un choix aux Canadiens sur la gestion postpandémique et seul Erin O’Toole a ouvert la porte à la possibilité de permettre à un gouvernement minoritaire de siéger pendant quatre ans.
Questionné en point de presse sur sa préférence à travailler avec un gouvernement libéral ou conservateur, le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, a réitéré ses intentions de collaborer avec le parti au pouvoir.
«Est-ce que je veux de la tarte aux pommes ou de la tarte au sucre? Pour l’instant, j’aime mieux ne pas manger de dessert. Le fait est que, quel que soit le choix des Canadiens […] le Bloc, si ça sert le Québec, sera un bon collaborateur.»
Les chefs, qui croiseront le fer à nouveau en anglais le jeudi 9 septembre, cèderont leur place à des représentants de leurs partis le 15 septembre pour discuter de questions propres à la francophonie canadienne lors d’un débat organisé par Radio-Canada à Ottawa.