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le Vendredi 26 mars 2021 0:10 Portrait PR

VALÉCIA PÉPIN, UNE FURIEUSE ENVIE DE VIVRE

Valécia dans son premier rôle principal lors du tournage du court-métrage #Shadesofworth produit par 1844 Studio. Crédit : courtoisie V.Pépin - Nauzanin A.Knight
Valécia dans son premier rôle principal lors du tournage du court-métrage #Shadesofworth produit par 1844 Studio. Crédit : courtoisie V.Pépin - Nauzanin A.Knight
VALÉCIA PÉPIN, UNE FURIEUSE ENVIE DE VIVRE
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Incontournable en 2020, cette jeune actrice, animatrice radio, journaliste et auteure, a vécu la consécration en novembre dernier. De son texte autobiographique poignant, Illusion, destiné au théâtre, elle a créé un court-métrage, une adaptation émotionnelle. Primé au festival du court-métrage d’Edmonton, dans la catégorie Best Justice4Reel, Illusion : La peur, n’est finalement qu’une étape dans un processus de reconstruction.

Valécia au micro de Radio Cité. Crédit :courtoisie Valécia Pépin

Valécia Pépin l’affirme, « cette année [2020] a été très positive, néanmoins j’ai aussi perdu beaucoup de contrats ; du temps pour aller de l’avant ! » Le ton est donné.

Très heureuse d’être dans les locaux de Radio-Cité, elle s’explique énergiquement. « Je suis présentement censée être au Banff Center for Arts and Creativity pour vivre ma vie, et développer des habiletés grâce au mentorat ! »

Elle développe. « Mon histoire est une opportunité pour créer un outil de prévention et d’accompagnement sur-mesure pour les jeunes en milieu scolaire, en centres jeunesse, mais aussi pour les femmes qui se retrouvent en situation difficile ». Un projet en partenariat avec l’Association des théâtres francophones du Canada, aujourd’hui remis à 2022.

Déçue, elle se hâte. « La vie est tout de même bien faite, rien n’arrive pour rien ! » Dans une cadence effrénée, elle énonce les belles rencontres qu’elle a pu faire en 2020. « J’avais besoin d’être épaulée dans ce projet par des personnes qui ont étudié le milieu de la prostitution. Grâce à elles, j’ai appris. Je suis allé de l’avant. »

Déjà treize ans, et pourtant

« Être une femme noire, prise dans des histoires de même, je n’avais rien pour moi. J’ai dû quitter le Québec en 2014 pour me reconstruire », dit-elle sans détour. Passionnée de « télé et de radio » depuis l’adolescence, elle n’a pas été épargnée. « Peu importe mes souhaits professionnels, mon passé m’est toujours revenu en pleine face ! »

Un choc post-traumatique, ou plutôt un choc « post-prostitution ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Valécia Pépin n’a plus honte de le dire.

Valécia dans le studio d’enregistrement de Radio Cité, où elle est animatrice. Crédit: courtoisie Valécia Pépin

Adoptée par une famille aimante à l’âge de neuf mois, cette jeune femme d’origine haïtienne ne porte plus le poids de la culpabilité. À la recherche de son identité pendant toutes ces années, elle se rappelle ce premier « big bang », cette torpeur, cette tristesse.

« C’est la rentrée des classes, je suis au primaire. Comme les autres, je reçois ce fichu questionnaire. Sauf que moi, je ne les avais pas les réponses sur mon heure et mon lieu de naissance, sur l’origine de la couleur de mes yeux… Ça m’a traumatisé cette affaire-là. »

Bien sûr, les doutes, les turbulences, les erreurs, les mauvaises rencontres, les excès et les errances sont venus bien plus tard. Il y a treize ans déjà.

L’écriture, un exutoire

Aujourd’hui, elle le clame haut et fort, « mes rêves je les réalise tous, et s’il n’y en a plus, j’en invente d’autres ! » Une autre bonne raison de raconter son histoire, « pour celles et ceux qui ont toujours cru qu’ils ne valaient rien à cause du passé. Ce n’est pas vrai que le passé t’empêche de faire ce que tu veux dans la vie ! »

Valécia arbore son trophée lors de la remise des prix du Festival de courts-métrages d’Edmonton. Crédit: courtoisie Valécia Pépin

Lorsque l’auteure évoque sa démarche d’écriture lors de son partenariat avec l’Unithéatre en 2018, elle avoue avoir eu envie de vomir plus d’une fois face aux évènements qu’elle relate. Plutôt que d’abandonner, elle insiste sur son implication, « j’avais un “dead-line” ».

Elle marque une pause, la première. « Il fallait que je me guérisse aussi ».

Valécia avoue avoir pensé à la mort très souvent après avoir quitté ce milieu qui l’a détruite, sans que cela soit « une obsession ». Les yeux au ciel, elle réfléchit sans vraiment savoir expliquer son ressenti, mais elle n’a aucun doute de la manière dont elle l’aurait fait, «toujours la même ». On ne la connaîtra pas.

Le suicide, elle en parle plus aisément lorsqu’elle évoque cette période douloureuse. Une époque où elle passait à l’acte tous les jours. Drogue, alcool, « mon but : plus de son, plus d’image ! »

Lorsqu’elle dépeint la dépendance, quelle qu’elle soit, elle prévient. « Les comportements restent les mêmes pendant trop longtemps, et ce malgré l’abstinence. C’est une lutte au quotidien. En 2020, j’ai enfin gagné mon combat ! »

Le temps de l’hypocrisie n’est pas terminé

Révoltée, elle s’exclame, « tu y crois toi, je croise un ancien proxénète dix ans plus tard, ici à Edmonton ! » Une façon de réveiller les consciences sur le présent des travailleuses du sexe, leurs difficultés, les risques qu’elles prennent trop souvent.

Valécia à la cérémonie de remise des prix du Festival de courts-métrages d’Edmonton. Crédit: courtoisie Valécia Pépin

« C’est légal de se prostituer, mais ce n’est pas légal d’en acheter ! » Une hypocrisie. Elle dénonce la dangerosité d’un métier qui comme elle le dit, « a, et existera toujours, mais chaque jour, tu te réveilles avec la peur ».

Elle espère, à voix haute, un encadrement du métier. « Le problème, ce n’est pas la prostitution, c’est le proxénétisme. » Prudente et réfléchie, elle ne veut pas se mettre « d’un bord ou de l’autre », mais revendique la nécessité pour les personnes qui la pratique d’être protégées et informées.

Elle évoque aussi, à voix basse, un métier peut-être nécessaire pour d’autres. « Dans notre société, certaines personnes ne peuvent, pour des raisons tragiques, vivre leur sexualité », dit-elle avec une grande humanité.

L’avenir, un besoin de vivre avec dignité en aidant les autres

« C’est fini les beaux voyages, le grand condo, la Mercedes, le bateau, Prada et les autres… », raconte-t-elle avec exubérance. « C’est des gros sacrifices. Là je suis dans mon petit appart, mon petit salaire. Magasinage, non ! Mais j’ai ma dignité, je peux être moi-même. Je peux enfin me sentir bien dans mon corps ».

Valécia promeut les qualités des femmes entrepreneures de couleur lors du tournage du court-métrage #Shadesofworth produit par 1844 Studio. Crédit: courtoisie V.Pépin – Nauzanin A.Knight

« 2021, c’est le moment de vivre la vie que je veux », annonce-t-elle les bras ouverts. Elle sait qu’elle développe des liens essentiels avec des professionnels qui vont l’accompagner pour « soutenir celles et ceux qui en auront besoin ».

Enthousiaste, elle n’a pas assez de ses dix doigts pour énoncer tous ses projets. « Juste à y penser, je suis débordée », s’amuse-t-elle. Posée, elle sourit : « Je vais peut-être aussi trouver l’amour, je suis enfin prête. J’apprécie la femme que je suis aujourd’hui. » Une métamorphose !

Pour en savoir plus sur son œuvre :

La page Facebook de Valécia : https://www.facebook.com/wwwvalpeps/

Un témoignage de Valécia à propos d’Illusion : https://cutt.ly/qjTqUFl

Son court-métrage : https://cutt.ly/FjTqF9t