
En 2015, Stéphanie a été diagnostiquée avec la maladie de Wegener. Aujourd’hui, elle doit subir plusieurs traitements, dont des injections intraveineuses chaque quatre mois. Photo : Courtoisie
En 2015, la vie de Stéphanie Bienvenue a pris un tournant imprévu. Cette jeune femme dynamique travaillait alors en bureautique au Québec et menait une vie ordinaire jusqu’à ce que des symptômes alarmants fassent leur apparition. «Au début, j’avais les gencives mauves, alors je suis allée consulter un dentiste. Ensuite, j’ai développé une sinusite et des otites», raconte-t-elle.
Ces symptômes, bien que préoccupants, sont trop vagues pour alerter les professionnels de santé. Parallèlement, l’état de Stéphanie se détériore. Lorsqu’elle est forcée de se rendre à l’urgence avec une amie, quelques mois plus tard, elle apprend qu’elle est au bord du gouffre. «Il me restait six heures à vivre quand j’ai été admise», confie-t-elle, émue.
Le diagnostic tombe : maladie de Wegener. Une affection rare et grave qui provoque une inflammation des vaisseaux sanguins et qui affecte les reins, les poumons et les voies respiratoires supérieures. «À ce moment-là, pour contrôler la maladie, j’ai dû commencer des traitements intraveineux trois fois par semaine», explique-t-elle.
Le choc est immense, mais Stéphanie refuse de se laisser submerger par la détresse. Déterminée à retrouver une vie «normale», elle s’accroche à l’espoir d’un nouveau départ. Cette épreuve, loin de la paralyser, devient un catalyseur de changement. Animée par un désir d’aventure et de liberté, elle décide de se réorienter professionnellement et entreprend une formation en camionnage, un domaine qui lui permettrait de voyager et de découvrir de nouveaux horizons.
Elle déménage ensuite en Alberta pour rejoindre son conjoint et réaliser son rêve de parcourir les routes. À ce moment-là, la maladie semble en sommeil. «J’étais en rémission […]. Je vivais presque normalement», se remémore-t-elle.

Stéphanie a abandonné son rêve d’être camionneuse après deux accidents de travail et le retour fulgurant des symptômes de sa maladie. Photo : Courtoisie
Étirer l’élastique
Après avoir frôlé la mort, Stéphanie se sent aussi quelque peu «invincible». Elle travaille sans relâche et néglige son repos jusqu’à ce qu’elle se heurte à un nouveau mur, quelques années plus tard. «Je poussais mes limites et je ne m’écoutais pas», admet-elle.
En l’espace de quelques mois, deux accidents de travail viennent briser son élan. L’un lui inflige une commotion cérébrale, tandis que l’autre déchire le muscle et le tendon de son épaule. Cette dernière blessure l’immobilise pendant un an et demi. «Ça n’allait pas bien, mais je refusais d’accepter mes limites», se remémore-t-elle.
Après une longue réhabilitation, elle doit se rendre à l’évidence : son épaule, endommagée, ne lui permet plus de conduire sur les longues distances auxquelles elle est habituée. Pourtant, malgré la douleur constante, Stéphanie refuse de renoncer à son métier. Elle choisit de se réinventer dans une branche similaire et complète une formation pour, cette fois-ci, enseigner le camionnage, espérant ainsi trouver un meilleur équilibre de vie.
Mais la situation se détériore. Surmenée, la jeune femme commence à ressentir à nouveau les symptômes de sa maladie auto-immune. «Je ne voulais pas consulter. J’étais dans le déni total. Je ne voulais pas passer à travers tout ça à nouveau.» Peu à peu, elle est contrainte de recommencer ses traitements et de faire face aux nombreux effets secondaires de la cortisone. «Ça a été très difficile», résume-t-elle.
Ce retour brutal à la réalité lui impose cependant un changement de perspective. Après des années à tenter de préserver son «ancien» mode de vie, Stéphanie comprend qu’il lui faut renoncer à certaines ambitions pour aller de l’avant. «J’ai réalisé qu’on ne revient jamais complètement comme avant. On ne peut pas ignorer la maladie», souligne-t-elle. Cette prise de conscience marque la fin définitive de sa carrière dans le transport.
Pour celles et ceux qui voudraient en savoir plus sur le groupe de soutien de Stéphanie sur Facebook : Les Bee-lievers : Oser vivre différemment avec la maladie.
Un virage nécessaire
Dans cette nouvelle perspective, Stéphanie décide de s’installer à la campagne avec son conjoint, à la recherche de tranquillité, et lance son entreprise en administration en 2022. «Je savais que je ne voulais pas travailler cinquante heures par semaine juste pour payer les factures», explique-t-elle.
Cette nouvelle flexibilité lui permet d’adapter ses journées à son énergie fluctuante et de gérer ses traitements sans avoir à répondre aux exigences rigides d’un employeur. Elle fixe ses propres règles. «Lorsque c’est moi qui gère ma journée, je sais que je peux m’adapter et me rendre à des rendez-vous médicaux de dernière minute», ajoute-t-elle.
Or, le processus de deuil qui vient avec l’acceptation de sa maladie est immense. Avec le recul, la jeune femme reconnaît la nécessité de faire la paix avec cette réalité qu’elle n’a pas choisie, mais qui est bien réelle. «La maladie fait partie de moi, mais elle ne me définit pas. J’ai appris à avancer différemment», laisse-t-elle tomber.

Le conjoint de Stéphanie a été d’une grande aide depuis son diagnostic. Photo : Courtoisie
Se sentir (in)compris
Malgré ses efforts pour normaliser sa maladie, Stéphanie Bienvenue confie parfois se sentir incomprise par son entourage, qui ne partage pas sa réalité quotidienne. «Les gens me disent souvent que je n’ai pas l’air malade. Ma maladie est invisible. Ils ne comprennent pas que même une sortie anodine, comme aller au restaurant, peut être un véritable défi pour moi. Être entourée de beaucoup de bruit, avec des gens qui bougent sans cesse… ça puise énormément dans mon énergie», explique-t-elle.
Pour transformer cette expérience en force, Stéphanie a lancé en novembre 2024 son émission de radio en ligne, L’heure des Bee-lievers. L’objectif : inspirer les personnes atteintes de maladies chroniques à trouver du positif dans leur quotidien. Ce projet s’inscrit dans la continuité de son engagement. Elle avait déjà fondé un groupe de soutien sur Facebook pour rassembler et soutenir celles et ceux qui vivent des épreuves similaires.
«Quand tu vis avec la maladie, tu as deux choix : tu vis avec et tu profites de la vie au maximum ou tu te laisses aller et tu tombes en dépression. Moi, je veux encourager les gens à oser vivre différemment avec la maladie. Ça veut dire créer son propre style de vie, faire les deuils nécessaires et continuer à avancer», conclut-elle.
Glossaire – Anodin : Sans gravité, banal