Guy Badeaux a toujours posé un regard unique sur l’actualité. Depuis 40 ans, il le fait dans les pages du journal Le Droit et plus récemment pour Francopresse.
Janvier – Julie Payette démissionne de son poste de gouverneure générale le 21 janvier 2021.
Février – L’Université Laurentienne (Ontario), comme le Campus Saint-Jean, est victime de compressions budgétaires. L’éducation francophone est mise à mal.
Mars – L’Université de Sudbury (Ontario) devient 100 % francophone.
Avril – Le policier Derek Chauvin est reconnu coupable du meurtre de l’Afro-Américain George Floyd. #BlackLiveMatters
Mai – Tokyo 2020 en 2021? Les athlètes et les spectateurs retiennent leur souffle.
Juin – Justin Trudeau part en croisade contre les géants du web… ou peut-être en campagne électorale.
Juillet – Le Parti vert du Canada décide de tenir un vote de confiance sur le leadership de sa cheffe, Annamie Paul, après de nombreux mois de discorde.
Septembre – Les écoles du Conseil scolaire catholique Providence (Ontario) détruisent près de 5000 livres jeunesse
Octobre – L’Acadienne Ginette Petitpas Taylor est nommée ministre des Langues officielles dans le cabinet Trudeau. Elle veut présenter un projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles dans les 100 premiers jours du nouveau gouvernement.
Novembre – Un PDG anglophone unilingue, de nombreuses plaintes au Commissariat aux langues officielles du Canada, de quoi se questionner sur les services linguistiques d’Air Canada.
Décembre – La cible fédérale de 4,4 % d’immigration francophone hors Québec fixée en 2003 n’a jamais été atteinte alors que le Canada ne dispose que d’un seul bureau des visas dans un pays francophone en Afrique subsaharienne, celui de Dakar.
Ils sont des marathoniens de leur francophonie. Que ce soit dans leur collectivité ou dans leur discipline, les 10 lauréats du Palmarès des personnalités influentes de la francophonie canadienne de 2021 ont laissé leur marque à leur façon.
Le verbe croire définit la motivation de chacun des lauréats de cette 7e édition du Palmarès. Au cours des dernières années, chacun des lauréats a cru à l’engagement, au changement, à l’enracinement ou au développement de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font. En 2021, leurs convictions profondes les ont amenés à se démarquer et à devenir des figures d’inspiration pour l’avenir.
Cette année encore, Francopresse s’est associé à l’Alliance des radios communautaires du Canada et à ONFR+ pour choisir les 10 personnalités influentes de la francophonie canadienne de 2021.
Ronald Ajavon. Crédit : Conseil des écoles fransaskoises
Ronald Ajavon a créé de nombreux projets pour la Fransaskoisie en 2021. Les efforts du directeur général du Conseil scolaire fransaskois (CEF) ont permis de ratifier une entente de principe pour la construction de trois écoles de langue française, dont la construction de la première commencera en 2022.
Au cours de l’année, il a aussi créé le regroupement des Centres éducatifs à la petite enfance (CEPE), qui vise à favoriser la synergie dans les CEPE francophones et faciliter le recrutement des éducatrices. Il a aussi le Fonds d’investissement francophone du Canada (FIFC) destiné à promouvoir l’entrepreneuriat jeunesse et l’accompagnement des élèves et étudiants qui ont la fibre entrepreneuriale.
Ronald Ajavon collabore aussi afin de concrétiser l’initiative de continuum en éducation en Saskatchewan qui s’articule autour du changement de statut de la Cité universitaire francophone et d’une diversification de l’offre de programmes d’études postsecondaires en Saskatchewan.
Diane Bernier-Ouellette. Crédit : Francopresse
Même si Diane Bernier-Ouellette est retraitée depuis 2015, elle demeure très active dans le milieu de l’accompagnement des enseignants et de la promotion de la littératie à l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.). En 2021, la Fédération des enseignants de l’Î.-P.-É. lui a remis un prix de reconnaissance spécial de pour sa contribution significative au milieu de l’enseignement.
Celle qui a été enseignante, orthopédagogue, conseillère en adaptation scolaire et spécialiste en littératie est maintenant consultante en littératie scolaire et familiale et chargée de cours à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard.
Selon elle, l’atteinte de compétences élevées en littératie est non seulement l’outil le plus important pour assurer l’équité et la justice sociale dans nos collectivités, mais aussi essentielle à la survie de la langue française.
Dicky Dikamba. Crédit : Francopresse
Dicky Dikamba, est le directeur général et fondateur de l’Association des Volontaires unis dans l’action au Canada (CANAVUA) à Edmonton, en Alberta. L’organisme francophone, créé en 2009, fait la promotion et la valorisation du bénévolat dans la communauté et compte plus de 700 bénévoles à Edmonton et Calgary.
En octobre 2020, afin de lutter contre l’insécurité alimentaire provoquée par la pandémie de COVID-19, il crée une «cantine mobile» qui sert plus de 600 repas par semaine aux personnes dans le besoin. Un service qu’il a continué d’offrir tout au long de l’année 2021.
CANAVUA offre une série de services d’appui aux ainés ainsi qu’aux nouveaux immigrants et néocanadiens. L’organisme offre aussi programme de banque alimentaire et de panier de produits frais qui rejoint plus de 1000 personnes par semaine.
Il est, depuis juin 2020, membre du Conseil consultatif de l’Alberta en matière de francophonie.
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Vanessa Gilles. Crédit : Sean Sisk
Vanessa Gilles a marqué l’histoire du soccer féminin au Canada en remportant la première médaille d’or dans cette discipline aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021 avec l’équipe canadienne de soccer. La défenseuse franco-ontarienne a désamorcé des situations difficiles pendant le match qui opposait le Canada à la Suède qui s’est terminé en tir de barrage.
L’athlète de 26 ans, originaire d’Ottawa, a commencé sa carrière avec le club Ottawa Capital United SC pour aller joindre ensuite les Bearcats de Cincinnati. Elle évolue avec les Girondins de Bordeaux, en France, depuis 2020.
En 2019, Vanessa Gilles a été choisie par les Girondins pour prendre la parole devant la Commission de la condition de la femme de l’ONU-Femmes afin de parler de l’impact du sport chez les jeunes filles et les inégalités dans le soccer féminin.
Nicole Guertin. Crédit : Francopresse
Nicole Guertin a laissé sa marque dans l’industrie du tourisme en français en Ontario.
C’est au milieu des années 1990 que Nicole Guertin se lance en affaires dans le secteur du tourisme, dans le Nord de l’Ontario. Originaire de Kapuskasing, elle a fait naitre de nombreux projets, dont Direction Ontario, Village Noël Temiskaming, les Suites du Président, le Festival multiculturel de Whistler (C.-B.). En 2021, Nicole Guertin a créé le projet 1001 Expériences, un incubateur de microentreprises touristiques qui visent l’intégration des Premières Nations, des immigrants et la mise en valeur de la francophonie dans les communautés du Nord-Est ontarien.
La femme d’affaires s’est éteinte en octobre dernier à l’âge de 58 ans alors qu’elle avait encore plusieurs projets en chantier.
Yann Herry. Crédit : Hélène Saint-Onge
Yann Herry a passé les 40 dernières années à promouvoir et construire l’héritage francophone du Yukon.
Originaire de Casablanca au Maroc, Yann Herry a choisi de s’établir au Yukon en 1981. Il a depuis contribué à la création du journal L’Aurore boréale, de l’Association franco-yukonnaise (AFY), de la Garderie du petit cheval blanc et de l’école Émilie-Tremblay. Yann Herry a aussi occupé les postes d’enseignant et de coordonnateur des programmes en français au ministère de l’Éducation du Yukon.
En 2021, Yann Herry ajoute, à sa longue liste d’accomplissements pour la francophonie yukonaise, la création de la Société d’histoire francophone du Yukon.
L’une de ses passions est de faire connaitre la participation des francophones à l’histoire du Yukon. Il est d’ailleurs l’auteur du livre La Francophonie, une richesse nordique qui accompagne l’exposition permanente de portraits de francophones qui ont marqué l’histoire du Yukon.
Suzanne Houde. Crédit : Marie-Soleil Désautels
Suzanne Houde a passé les dernières décennies à se battre afin d’obtenir des services de santé en français adéquats aux Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.).
En 2019 et 2020, Suzanne Houde a déposé plus d’une dizaine de plaintes au Bureau de la commissaire aux langues des T.N.-O. pour améliorer l’accès aux services de santé en français.
Suzanne Houde était un témoin clé dans la cause qui opposait la Fédération franco-ténoise (FFT) au gouvernement des T.N.-O. au début des années 2000. Malgré la victoire de la FFT devant les tribunaux, Suzanne Houde a continué de noter de nombreuses lacunes dans l’offre de services de santé en français. Elle a poursuivi sa bataille en déposant, une dizaine plaintes au Commissariat aux langues officielles du territoire en 2019-2020.
Mishka Lavigne. Crédit : Francopresse
En 2021, Mishka Lavigne a remporté un second Prix littéraire du Gouverneur général pour le texte Copeaux une création poétique de théâtre de mouvement. Elle a reçu aussi pour ce texte le Prix littéraire Jacques-Poirier février 2021 en plus d’être finaliste au Prix Marcel-Dubé. En 2019, elle recevait un premier prix du Gouverneur général pour son texte Havre.
Son premier texte en anglais, Albumen, a reçu le Prix Rideau Award pour meilleure nouvelle création en 2019 ainsi que le QWF Playwriting Award en 2020.
Mishka Lavigne est aussi traductrice et signe une vingtaine de traductions de théâtre, de prose et de poésie.
L’autrice dramatique et traductrice littéraire a vu ses textes produits sur scène au Canada, en Suisse, en France, en Allemagne, en Australie à Haïti et aux États-Unis.
Roda Muse. Crédit : Courtoisie
En mai 2021, Roda Muse a été nommée secrétaire générale de la Commission canadienne pour l’UNESCO qui vise à instaurer la paix par la coopération internationale en matière d’éducation, de science et de culture.
Originaire de Djibouti, en Afrique de l’Est, Roda Muse s’installe en Ontario en 1994 et obtient un diplôme de l’École nationale d’administration publique. Elle s’est toujours impliquée auprès de nombreux organismes francophones dont : le Centre Jules-Léger, l’Hôpital Montfort, la Table féministe francophone de concertation provinciale de l’Est de l’Ontario, le collège La Cité. Elle aussi été conseillère scolaire et vice-présidente du Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO).
Roda Muse a co-fondé la Fondation Acacia, un organisme de charité visant à encourager l’excellence chez les jeunes francophones des minorités visibles, à travers l’éducation et le mentorat.
Pierre Riopel. Crédit : Francopresse
Un grand combat s’est dressé devant Pierre Riopel au printemps 2021 quand l’Université Laurentienne de Sudbury a mis fin à la Fédération Laurentienne dont faisait partie l’Université de Sudbury.
En tant que président du conseil des régents de l’établissement, devenu depuis septembre 2021 le conseil de gouvernance, c’est une lutte pour obtenir un établissement universitaire par et pour les francophones qui s’est amorcée. Un combat qui se poursuivra en 2022.
Pierre Riopel a consacré toute sa carrière au milieu de l’enseignement en œuvrant à tous les niveaux du continuum. Au cours de sa carrière, il a été enseignant, chef de secteur, directeur d’école secondaire, surintendant et directeur de l’éducation, ainsi que président du Collège Boréal et professeur adjoint à l’École des sciences de l’éducation de l’Université Laurentienne.
La sociolinguiste acadienne Annette Boudreau récidive avec le thème de l’insécurité linguistique dans son nouvel ouvrage, Dire le silence : Insécurité linguistique en Acadie 1867-1970. À partir de textes de l’époque des journaux Le Moniteur Acadien et L’Évangéline, et d’entretiens menés auprès de quelque 500 francophones des provinces maritimes, l’autrice analyse l’évolution des discours sur le français et retourne aux sources de la «peur de se dire».
Marc Poirier – Francopresse
Dans qui ne devait être au départ qu’un chapitre de son recueil précédent, À l’ombre de la langue légitime : l’Acadie dans la francophonie, la professeure émérite de l’Université de Moncton et chercheuse à l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques (ICRML) décortique comment, au fil des décennies, les interlocuteurs ont défendu l’importance du français et critiqué ceux qui, à leurs yeux et à leurs oreilles, en faisaient mauvais usage.
L’experte en pratiques et insécurité linguistiques en Acadie a répondu aux questions de Francopresse à propos de son nouveau livre.
Annette Boudreau : Ce que j’ai voulu faire avec ce livre-ci, c’est de retracer les origines de la honte, du silence, de voir un peu les discours qui ont été véhiculés sur le français acadien depuis la fin du 19e siècle jusqu’aux années 1970 ; puis de montrer qu’il y a toujours eu des rapports ambivalents, que les anglicismes ont toujours été pointés du doigt comme un facteur d’assimilation. Je voulais voir ce qui s’était passé avant pour voir d’où on vient.
Tout à fait. C’était un peu ça mon objectif. C’est-à-dire, quand je parle d’individus ou de moi-même, j’essaie aussi de faire un portrait global de la société à travers quelques éléments des représentations que j’entretiens en regard de leur langue.
Oui ça existe depuis très longtemps, même si le terme «insécurité linguistique» lui-même est apparu dans les années 1970.
Page couverture de Dire le silence (œuvre d’Alisa Arsenault, Donneuse de baies V), disponible en librairie le 25 janvier. Crédit : Courtoisie Éditions Prise de parole
Ce que j’ai trouvé d’intéressant dans les textes de Pascal Poirier [premier sénateur acadien et auteur du Glossaire acadien (Éditions d’Acadie, 1993), NDLR], c’est qu’il est vraiment le premier à avoir voulu réhabiliter le français acadien pour agir sur la honte.
Sa stratégie a été de montrer les liens des variantes régionales avec le français qui était parlé en France au moment de la colonisation. La France, c’était un peu cet idéal dans l’esprit des gens. Alors, sa stratégie a été de montrer les ressemblances entre le français acadien et le français parlé surtout dans la région du Poitou.
Oui, parce que bien des francophones travaillaient pour des anglophones, surtout ceux qui étaient en ville. Avant, les gens qui vivaient à la campagne pouvaient conserver leur français.
Ce n’était pas non plus propre à l’Acadie ; c’était la même chose au Québec et même en France, parce qu’il y avait moins de contacts. La ville a toujours été considérée comme un lieu de mélange de langues, donc le brassage de gens qui parlent différentes langues. C’était le lieu par excellence de l’anglicisation.
Donc, il y avait beaucoup d’anglicismes à ce moment-là et, en même temps, on voulait moderniser le français parce qu’on voyait l’émergence d’institutions francophones. Il y avait ces deux mouvements-là de 1910 à 1950 – et ç’a continué après.
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La barre était aussi haute qu’au Québec. Il y avait un alignement avec le Québec.
Il y avait comme une ambivalence à l’endroit des variantes régionales. On disait : «Oui, oui, c’est important de les garder», mais en même temps on veut moderniser la langue, donc il faudrait les utiliser seulement dans certaines situations. Cette ambivalence-là, elle est restée et elle est encore un peu là aujourd’hui.
Il y avait une volonté de donner aux Acadiens un français qui leur permette de sortir de leur famille, de leur région. Mais la question a toujours été : qu’est-ce qu’on fait avec la langue parlée par ces personnes? Qu’est-ce qu’on garde, qu’est-ce qu’on enlève?
Il y a une chose qu’on voulait enlever, c’étaient les anglicismes. Ça, tout le monde était d’accord. Il y avait moins d’accords sur ce qu’on devait faire avec les variantes régionales. Donc, je dirais que jusqu’en 1950, c’était vraiment ça : rejet complet des anglicismes.
À partir des années 1960, on a commencé à vouloir dire qu’il y avait quand même beaucoup de valeurs aux variantes. Une autre chose qui était vraiment importante et que j’ai moi-même découverte en lisant les journaux à partir de 1950, c’est à quel point la question du bilinguisme était pour l’Acadie à peu près la seule porte de sortie, la seule manière d’exister ou de se faire reconnaitre.
La sociolinguiste acadienne Annette Boudreau poursuit sa quête sur les fondements et la réalité de l’insécurité linguistique, cette fois en ayant parcouru des journaux acadiens entre 1867 et 1970. Crédit : Courtoisie
Il fallait accepter le bilinguisme parce qu’on n’existait déjà pas. Puis si on n’acceptait pas le bilinguisme, on était encore davantage inexistant. Le fait de dire qu’il y avait peut-être une province bilingue, ça donnait une existence au français.
L’Acadien qui semble toujours se faire petit au milieu des autres peuples, qui a honte de lever la tête et de les regarder en face sont des images fortes qui se révèlent dans les postures du corps. S’il est impossible de montrer la véracité de ce qui est dit, il reste que ces dires contribuent à lever le voile sur cette archéologie du silence, à revenir sur les traces de ce dernier, un silence qui se manifeste dans les gestes du corps, dans la tête penchée, dans le désir de se faire petit, et ce, après la mise en place d’institutions, durant la période où les Acadiennes et les Acadiens cherchaient à sortir de l’ombre, à renaître et à se dire. Il n’est pas si facile de se défaire de 100 ans de minorisation et de misère.
Moncton a souvent été vue comme le repoussoir des puristes ou des gens qui voulaient franciser des espaces, et c’est de Moncton aussi que sont issus les artistes acadiens qui revendiquent autre chose.
Je me demande souvent si ces revendications très fortes ne viennent pas de ces discours qui ont circulé, qui ont voulu les cantonner dans une espèce de honte de mal parler.
Finalement, c’est une réaction. Et la réaction, on peut la trouver saine jusqu’à un certain point parce qu’à partir du moment où tu peux réfléchir à ce qui se passe chez toi, tu peux agir dessus. Il y a des gens qui sentent un mépris sur eux, mais qui ne savent pas l’analyser, et qui ne peuvent donc pas agir dessus.
Je ne pense pas que ça va disparaitre, mais il y a quand même des changements. Je trouve que dans les écoles, il y a des attitudes beaucoup plus ouvertes qu’il y a une quarantaine d’années. Il faut le regarder sur une plus longue période de temps, puis ça ne veut pas dire non plus que tout se vaut.
C’est important de dire aux gens qu’on ne peut pas parler comme on veut dans toutes les situations de communication. Il va y avoir un prix social à payer. Il y a des gens qui travaillent dans des centres d’appels qui sont obligés d’apprendre le vouvoiement parce qu’ils vont devoir parler à des francophones de partout dans le monde.
Le désir de se réapproprier sa langue faisait partie des stratégies envisageables pour entrer de plain-pied dans la modernité. De plus, puisque notre bilinguisme (individuel) était perçu comme responsable de la situation, il paraissait normal de nous départir de nos influences américaines et anglaises sur le plan culturel et linguistique, et une façon d’y arriver, c’était de pratiquer un français sans emprunts, du moins d’emprunts audibles. Il s’agissait d’acquérir un capital linguistique qui serait reconnu par l’extérieur. Je me souviens très bien m’être alors départie de mes disques et de mes romans anglais, de les avoir mis à distance, convaincue qu’ils contribuaient à mon assimilation linguistique et culturelle. Trente ans plus tard, j’ai regretté mon geste et j’ai racheté certains d’entre eux.
Extrait de Dire le silence
Il faut d’abord savoir ce qu’on entend par «chiac». C’est la grande question parce qu’il y a beaucoup de gens qui se réclament du chiac, mais ce terme a plusieurs définitions aujourd’hui. Ça peut être un français très anglicisé et ça peut être un français qui comprend des variantes régionales.
Ce qui était intéressant, c’est d’avoir donné un nom à un parler stigmatisé comme le chiac. On ne va pas parler du franglais, on va parler du chiac. Donc, ça identifie une population en particulier.
Ça peut avoir l’avantage d’être un facteur identitaire pour certains, mais aussi le désavantage d’ainsi cibler une population puis dire que c’est là où les gens parlent le chiac et c’est où il y a des exemples d’assimilation galopante. Ça donne une cible. Quand on parle de franglais, c’est beaucoup trop vaste. On ne peut pas cibler les personnes. Mais le chiac, c’est autre chose.
Le chiac, comme je disais, c’est vraiment très, très large comme définition. C’est tellement devenu un mot passepartout que j’ai même déjà vu des gens qui disaient qu’ils parlaient l’acadien de la baie Sainte-Marie, «l’acadjonne», qui vont dire : je parle chiac.
Pourquoi? Parce que chiac est plus reconnaissable par les gens de l’extérieur. Pour le meilleur et pour le pire. Il y a des gens qui le parlent comme signe de distinction. D’autres le parlent et en ont honte. Donc, c’est vraiment complexe.
Est-ce que le chiac est la première voix de l’assimilation? Il y a des gens qui parlaient chiac qui ont fait usage du français normatif par la suite. C’est une langue de jeunes en ce moment. Pour faire partie du groupe, dans certaines écoles, il faut que tu parles chiac. Ça fait partie de cette identité adolescente.
Les personnes qui sont sûres d’elles sur le plan linguistique ne se questionnent pas sur leur légitimité en tant que francophones — elles sont —, alors que les autres, qui parfois acceptent, de façon consciente ou non, le verdict posé sur elles voulant qu’elles soient des bâtards linguistiques, doivent, pour survivre, trouver les moyens d’y faire face.
Extrait de l’épilogue de Dire le silence
L’injection de 16 millions $ supplémentaires dans la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles modernisée est bien accueillie. La somme, annoncée dans la mise à jour économique du 14 décembre dernier, est un signe «positif», qui assure, entre les lignes, un dépôt rapide du prochain projet de loi que déposera la ministre Petitpas Taylor. L’interprétation de la distribution de la somme est toutefois difficile, vu le manque de précisions.
Inès Lombardo – Francopresse
Les 16 millions $ annoncés dans la mise à jour de mardi sont prévus pour l’année 2022-2023 et s’ajoutent aux 6,4 millions $ que prévoyait le Budget 2021 du gouvernement fédéral.
Un geste «positif», selon Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, qu’elle interprète comme un signe que le gouvernement a l’intention de redéposer son projet de loi sur la modernisation loi sur les langues officielles rapidement.
Liane Roy est présidente de la FCFA et voit les 16 millions $ comme un signe que le gouvernement s’apprête à déposer rapidement le projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles. Crédit : Courtoisie FCFA
C’est là le «respect d’une promesse électorale», indique Linda Cardinal, professeure à l’Université de l’Ontario français.
Cette nouvelle somme sera divisée entre le Commissariat aux langues officielles, le Secrétariat du Conseil du Trésor, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et Patrimoine canadien. Mais le ministère des Finances n’offre aucun détail sur la ventilation de ce montant entre les quatre entités.
C’est sur ce dernier point que s’interroge la présidente de la FCFA, qui estime que pour l’instant, il est compliqué d’aller plus loin dans l’analyse, notamment pour tout ce qui touche la partie VII, soit les mesures positives pour les francophones.
Malgré cette absence de détails, Liane Roy préfère voir le bon côté des choses : «Le commissaire aux langues officielles est [dans le budget] alors on peut imaginer que ça touche ses pouvoirs, pour lui en donner davantage», se réjouit-elle.
C’est l’un des amendements au projet de modernisation de la loi voulu par la FCFA. À ce titre, l’organisme voit aussi d’un bon œil la présence du Conseil du Trésor et d’IRCC, inclus dans ses revendications.
Linda Cardinal est professeure de sciences politiques à l’Université de l’Ontario français. Crédit : Courtoisie
Toutefois, Liane Roy partage une déception : la francophonie n’est pas mentionnée dans les efforts pour la reprise économique.
«Il est fait mention de la pénurie de main-d’œuvre et de l’immigration. Mais pendant la campagne électorale, nous avions demandé d’avoir une lentille francophone sur les sujets économiques, postpandémie, rappelle-t-elle. Je ne vois rien à ce propos.»
Pour Geneviève Tellier, professeure de sciences politiques à l’Université d’Ottawa, la division des 16 millions $ entre les quatre ministères vient «confirmer que ce sont les nouveaux pouvoirs qu’on va donner dans la loi. 16 millions $, ce n’est pas beaucoup. Juste pour l’immigration francophone, je pense qu’il faut plus que ça. On verra la suite des choses [dans le budget de mars 2022].»
Geneviève Tellier, professeure de sciences politiques à l’Université d’Ottawa. Crédit : Courtoisie
Linda Cardinal, professeure de sciences politiques à l’Ontario français, explique : «[Dans cette division en quatre] on n’a pas identifié les activités que ça allait financer. Ce sont des activités liées à la modernisation de la loi, mais pas nécessairement aux activités qui vont découler de cette modernisation. Ça, probablement, ça va aller dans le plan d’action», analyse la professeure.
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Cette dernière observe que dans la modernisation nécessite la mise en place d’une coordination pancanadienne pour la nouvelle loi, la préparation d’un règlement sur les mesures positives et sur les entreprises privées de compétence fédérale, etc.
«J’ai l’impression que le 16 millions $, c’est pour préparer tout ça. Ça prend des équipes, de la structuration. Je n’ai pas l’impression que ça veut dire qu’il y aura de nouveaux programmes de financement pour 16 millions $. C’est un milliard, les langues officielles, juste dans le plan d’action», rappelle-t-elle.
Si l’enseignement supérieur n’est pas mentionné, c’est qu’il y a une enveloppe à part, précise la professeure.
Même son de cloche du côté de Geneviève Tellier : s’il y a davantage d’argent pour les langues officielles et les sujets qui touchent les communautés francophones en situation minoritaire, il faudra voir ce qu’offre le prochain budget. «Après, est-ce que ça va être fait, ça? Je ne suis pas convaincue», observe-t-elle.
Les lettres de mandat, publiées le 16 décembre par le bureau du premier ministre, condensent les travaux que Justin Trudeau demande aux ministres fédéraux.
Celle de Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles, l’oriente déjà vers un travail sur le postsecondaire, en ces termes : «Augmenter le financement des établissements d’enseignement postsecondaire dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire et soutenir le maintien et la vitalité de ces communautés en aidant à construire, rénover et développer les espaces éducatifs et communautaires qui les desservent.»
«On a beaucoup parlé de cette modernisation, ça fait six ans. Là, on est rendus au point où on veut voir ce projet de loi mis en œuvre. Dans 30 ans, on le perfectionnera encore. Quand on la révisera, on verra s’il y a des choses qui n’ont pas marché pour la nouvelle loi, et pour lesquelles il faut des correctifs, mais je pense qu’il est temps de la tester», conclut Linda Cardinal.
En décembre 2020, la pression était forte sur le gouvernement pour qu’il dépose un projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles avant la fin de l’année. Un an, une élection et une nouvelle ministre plus tard, 2021 se termine avec la même question : à quand le dépôt et l’adoption du projet de loi tant attendu?
Guillaume Deschênes-Thériault – Francopresse
En principe, la réponse est «d’ici le 3 février» pour respecter l’engagement d’un projet de loi dans les 100 premiers jours suivant l’assermentation du nouveau Cabinet, comme l’a réaffirmé la ministre Petitpas Taylor en octobre dernier.
L’échéancier n’est pas irréalisable, mais la ministre devra travailler d’arrachepied pour en faire une priorité législative au retour du congé des fêtes dans un contexte où le programme gouvernemental est bien rempli. Le gouvernement Trudeau n’en serait pas à ses premiers retards dans ce dossier.
La ministre Ginette Petitpas Taylor arrive en poste à un moment charnière pour les communautés francophones en situation minoritaire. En plus de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, elle doit notamment veiller à l’élaboration du nouveau plan d’action quinquennal pour les langues officielles et à la mise en œuvre d’un programme d’appui aux institutions postsecondaires.
La ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, et le ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités, Dominic LeBlanc. Crédit : Twitter Ginette Petitpas Taylor
Son potentiel d’impact est grand et les attentes sont élevées. Mme Petitpas Taylor a une réelle occasion de laisser sa marque dans l’histoire des langues officielles au pays. Qui plus est, elle jouit d’un contexte politique qui lui est favorable alors que plusieurs élus des communautés francophones en milieu minoritaire siègent au Cabinet et que les partis d’opposition se sont tous prononcés en faveur d’une modernisation de la Loi.
Celle qui est la première Acadienne à occuper les fonctions de ministre des Langues officielles dispose aussi d’un capital de sympathie élevé au sein des communautés francophones. Un passage sur son compte Twitter permet de constater qu’elle multiplie en ce moment les rencontres avec des intervenants d’un bout à l’autre du pays.
Toutefois, un projet de modernisation moins ambitieux que la version présentée en juin dernier pourrait ternir son image. Il y a déjà trois ans et demi que le premier ministre Trudeau s’est engagé à ce que son gouvernement modernise la Loi sur les langues officielles et un nouveau report, ou un projet de moins grande envergure, serait très mal reçu.
La capacité de la nouvelle ministre à livrer un projet de loi à la hauteur des attentes ne sera pas seulement jugée par les représentants des communautés francophones, mais aussi par ses propres électeurs, dont le tiers a le français comme première langue officielle parlée. Plusieurs institutions et organismes acadiens ont aussi pignon sur rue dans sa circonscription de Moncton-Riverview-Dieppe.
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Rarement dans l’Histoire la francophonie canadienne a eu une représentation aussi importante à Ottawa. Cinq francophones issus des communautés francophones de l’extérieur du Québec siègent au Cabinet, dont la présidente du Conseil du trésor, Mona Fortier, et le ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités, Dominic LeBlanc.
Il s’agit d’alliés importants, en plus de la ministre Mélanie Joly, qui pourront appuyer la ministre Petitpas Taylor dans son travail de persuasion à l’interne auprès de ses collègues du cabinet et du caucus gouvernemental pour veiller à ce que la nouvelle mouture du projet de loi ne soit pas diluée et qu’elle soit déposée plus tôt que tard.
Un an, une élection et une nouvelle ministre plus tard, 2021 se termine avec la même question : à quand le dépôt et l’adoption du projet de loi tant attendu? Crédit : Naveen Kumar – Unsplash
Les partis d’opposition se sont aussi tous dits en faveur d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles lors de la dernière campagne. Ils demanderont peut-être à la ministre d’aller plus loin sur certains aspects, mais ne devraient pas mettre de bâtons dans les roues au gouvernement dans ce dossier. Cela entacherait leur crédibilité.
Le Bloc pourrait toutefois venir jouer les trouble-fêtes et demander que les entreprises de compétence fédérale situées au Québec soient assujetties à la loi 101 plutôt qu’à la Loi sur les langues officielles. L’appui des néodémocrates et des conservateurs à une telle demande pourrait mettre le gouvernement dans l’embarras.
Du côté du Sénat, ce ne seront pas les alliés qui manquent pour faire avancer ce dossier. Les membres du Comité permanent sur les langues officielles sont plus que prêts pour entreprendre l’examen du projet de loi, ayant déjà publié une étude sur le sujet en 2019.
Le président sortant de ce comité, le sénateur René Cormier, a d’ailleurs manifesté son impatience à plus d’une reprise concernant les retards dans ce dossier.
À noter également, la nomination de quatre secrétaires parlementaires issus des communautés francophones, dont le Franco-Ontario Marc Serré qui épaulera la ministre Petitpas Taylor aux Langues officielles. Ce sera donc un duo francophone qui pilotera le dossier de la modernisation aux Communes.
Cette nomination est aussi intéressante en ce qui concerne l’appui à l’éducation postsecondaire, puisqu’il s’agit aussi d’enjeux locaux pour ces deux députés. Des universités et des collèges francophones sont situés dans la région qu’ils représentent.
En plus de M. Serré, l’Acadien Darrell Samson a été reconduit dans ses fonction de secrétaire parlementaire du ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale. Pour sa part, Marie-France Lalonde passe des Langues officielles au poste de secrétaire parlementaire du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Enfin, le Franco-Ontarien Francis Drouin obtient une promotion et devient secrétaire parlementaire de la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire.
Guillaume Deschênes-Thériault est doctorant en science politique à l’Université d’Ottawa. Il détient un baccalauréat de l’Université de Moncton et une maitrise de l’Université d’Ottawa. Dans le cadre de ses recherches, il s’intéresse aux communautés francophones en situation minoritaire, avec un intérêt particulier pour l’enjeu de l’immigration. Depuis mai 2021, il est conseiller à la municipalité de Kedgwick au Nouveau-Brunswick.
Le gouvernement du Québec entreprend ses premières actions concrètes découlant du Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes tenu en juin dernier. La province augmentera de façon significative son financement à la FCFA, soutiendra la tenue d’un sommet annuel pour les francophones du pays et collaborera à l’organisation de projets dans cinq secteurs.
Francopresse
Le Québec triplera son financement à la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) du Canada d’ici à 2025. L’entente, qui mènera à une contribution annuelle de 227 000 $ a été signée virtuellement le jeudi 25 novembre par la ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel, le premier ministre du Québec, François Legault et la présidente de la FCFA, Liane Roy.
Liane Roy est présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne. Crédit : Courtoisie FCFA
Dans un message vidéo préenregistré, le premier ministre québécois François Legault a rappelé qu’en tant que seule nation en Amérique ayant le français comme langue unique et commune, le Québec «a le devoir de faire la promotion du français en collaborant avec les minorités francophones ailleurs au Canada. […] Vous pouvez compter sur le Québec pour continuer la belle histoire du français en Amérique», a-t-il ajouté.
«Cette entente transforme vraiment le rôle de la FCFA au Québec», a indiqué Liane Roy en entrevue.
L’augmentation de la contribution financière à la FCFA permettra entre autres à l’organisme d’être partenaire dans l’organisation d’une nouvelle rencontre annuelle, dès 2022, entre les sociétés francophones du Canada, tel que plusieurs intervenants l’avaient souhaité lors du Sommet de juin.
Le Centre de la francophonie des Amériques a reçu le mandat du gouvernement québécois d’instituer ces sommets annuels en collaboration avec la FCFA.
Selon la ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel, les sommets annuels aideront à renforcer les liens entre francophones. Crédit : Capture d’écran – Francopresse
C’est un nouveau rendez-vous des francophonies canadiennes dont la ministre LeBel s’est dite très fière. «C’est en partageant nos meilleurs coups, en se parlant, en se voyant, qu’on pourra ensemble faire en sorte qu’on ait une francophonie forte, unie et dynamique.»
Le potentiel de ces rencontres est énorme, estime Alain Dupuis, directeur général de la FCFA. «Nous voyons cette rencontre comme un moment où nous pourrons ensemble avancer sur des projets de collaboration dans différents secteurs, qu’il s’agisse des arts, de la santé, de la petite enfance, de la jeunesse, de la diversité, de l’économie, et j’en passe.»
Pour le directeur général de la FCFA, Alain Dupuis, le potentiel des rencontres annuelles «est énorme». Crédit : Courtoisie
Les nouveaux fonds permettront aussi à la FCFA de renforcer sa présence dans la capitale québécoise, où elle a déjà un bureau avec un employé. «Ça va nous permettre d’embaucher peut-être une personne et nous permettre de faire encore plus de travail», précise la présidente de la FCFA en entrevue avec Francopresse.
Le Québec apportera aussi une aide financière à cinq projets touchant la francophonie canadienne.
Ainsi, la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF) mettra sur pied un carrefour de collaboration pour les arts et la culture francophone appelé l’Accélérateur TADA! Un projet lancé par l’organisme au printemps dernier, mais qui prendra de l’ampleur avec ce nouveau financement. L’objectif sera de réunir des artistes et professionnels de la culture francophone afin de réfléchir à l’avenir des arts et de la culture dans la société.
Dans le secteur audiovisuel, deux bourses annuelles seront créées pour des vidéastes de la relève issus de la francophonie canadienne dans le cadre du programme Créateurs en série de TV5 et Unis TV.
(De g. à d.) La ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel, la chef de poste du Bureau du Québec à Toronto, Catherine Tadros qui animait la rencontre, Alain Dupuis, directeur général de la FCFA et Michel Robitaille, président du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques. Crédit : Capture d’écran – Francopresse
«On va prendre sous notre aile davantage de jeunes talents des francophonies et on va en prendre soin en les accompagnant dans leur processus créatif», a souligné Marie-Philippe Bouchard, PDG de TV5 Québec Canada et d’Unis TV. «Les projets que nous accompagnerons pourront plus facilement voir le jour et trouver leur public et ainsi contribuer à enrichir la capacité de production audiovisuelle issue des communautés.»
La recherche en français reçoit aussi sa part du gâteau avec la mise en place d’un nouveau service d’aide par l’Acfas, alors que l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) sera en mesure de développer de nouvelles ressources pédagogiques pour les secteurs d’enseignement au primaire et au secondaire, en français.
Enfin, le nouveau financement du gouvernement québécois permettra à la Fédération des chambres de commerce du Québec d’ajouter un volet d’activité en français lors de grands évènements économiques canadiens. Les entrepreneurs francophones seront visés par cette démarche.
Lors de l’annonce, aucune précision n’a été donnée quant aux sommes qui seront accordées à ces projets sectoriels. Aucune période de questions n’était d’ailleurs prévue pour les journalistes présents.
Au lendemain du discours du Trône, le sénateur conservateur Claude Carignan a déposé un projet de loi visant à ce que la personne qui occupe le poste de gouverneur général parle obligatoirement les deux langues officielles du Canada, soit le français et l’anglais. Quelques jours plus tôt, le commissaire aux langues officielles concluait que les 1300 plaintes reçues dans la foulée de la nomination de Mary May Simon sont non fondées.
Inès Lombardo – Francopresse
Claude Carignan n’est «pas surpris» que les 1 300 plaintes reçues par le Commissariat aux langues officielles (CLO) suivant la nomination de la gouverneure générale Mary May Simon soient jugées non fondées dans le rapport d’enquête préliminaire du commissaire aux langues officielles.
«Le premier ministre n’est pas techniquement assujetti directement à la Loi sur les langues officielles, il n’est pas une institution dans la Loi», justifie-t-il.
Le sénateur conservateur Claude Carignan. Crédit : Courtoisie
«Ça démontre toute l’importance de mon projet de loi pour qu’on puisse assujettir les personnes qualifiées au bilinguisme, avant que le dossier se rende au bureau du premier ministre et que ça aille au Conseil privé!» poursuit le sénateur.
Le projet de loi S-220 vient ajouter, dans la liste des fonctions ciblées dans la Loi sur les compétences linguistiques, le poste de gouverneur général. La personne qui l’occupera devra donc démontrer des compétences claires dans les deux langues officielles du pays.
«Avec la diminution du nombre de francophones et de personnes qui parlent français à la maison [et considérant] l’importance d’avoir une augmentation de l’immigration francophone, ce poste représente la Reine, mais aussi l’identité canadienne. Si [la gouverneure générale] est unilingue anglophone, ça lance le message à l’étranger que le Canada est un pays unilingue anglophone», déplore encore Claude Carignan.
Le sénateur acadien indépendant René Cormier, qui était président du Comité permanent sur les langues officielles avant les élections fédérales de 2021, soutient que «la conversation ne remet pas en question les compétences de Mme Simon. Il est tout à fait compréhensible pour le gouvernement, dans un contexte de réconciliation, de vouloir offrir cette place à [une personne] d’un des peuples autochtones. Elle parle l’inuktitut, ce qui est tout à son honneur et qui contribue au principe de la réconciliation au Canada».
Le sénateur indépendant acadien René Cormier. Crédit : Archives Francopresse
Il rejoint toutefois le sénateur Carignan sur le fait que la gouverneure générale, qui représente le Canada, doive parler les deux langues officielles.
En 2013, la députée québécoise du NPD Alexandrine Latendresse avait déposé le projet de loi C-419 pour obliger certains hauts fonctionnaires du Parlement, comme le vérificateur général, à être absolument bilingues. Ce projet de loi avait été introduit en réaction à la nomination de Michael Ferguson au poste de vérificateur général. Il était unilingue anglophone au moment de sa nomination à ce poste.
«À ce moment, on était loin d’imaginer qu’un premier ministre du Canada oserait nommer une gouverneure générale qui ne peut pas s’adresser en anglais et en français aux Canadiens. C’est pour ça qu’on ne l’a pas inclus dans ce processus», assure Claude Carignan.
Il poursuit : «Je salue l’effort [du français employé par la gouverneure générale lors du discours du Trône du 23 novembre dernier], mais comme francophone, quand la gouverneure générale s’adresse à moi comme Canadien, je ne m’attends pas à ce qu’elle fasse des efforts pour me parler. Je m’attends à ce qu’elle me parle dans ma langue.»
«La pierre, je ne la lance pas à la gouverneure générale qui a fait des efforts ; je la lance au premier ministre Trudeau, qui a recommandé sa nomination à la Reine», tient-il à rappeler.
Selon le sénateur, la promesse d’apprendre le français lorsqu’une personne accède à de hautes fonctions ne suffit pas.
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Le gouvernement a quatre projets de loi prioritaires à faire adopter avant la fermeture du Parlement pour les fêtes de fin d’année, le 17 décembre. La modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO) n’en fait pas partie.
Pour Claude Carignan, «ça démontre que ce gouvernement dit une chose et fait autre chose».
«Pendant six ans, ils nous ont dit qu’ils étaient pour déposer un projet de loi pour la modernisation des langues officielles. Il y a eu de la consultation, on a fait des commentaires et ils sont arrivés avec un projet de loi déposé à la veille des élections. On savait que ce projet allait mourir au feuilleton. Après les élections, j’ose croire que le projet de loi n’est pas tombé dans la déchiqueteuse!» vitupère le sénateur conservateur.
La gouverneure générale, Mary May Simon, à son arrivée au Sénat pour le discours du Trône, qu’elle a livré à environ 18 % en français. Crédit : Inès Lombardo – Francopresse
Le sénateur René Cormier se montre plus conciliant, insistant sur le fait que «l’important est que le projet de loi soit déposé le plus rapidement possible et que ça puisse cheminer tant à la Chambre des Communes qu’au Sénat».
Pour lui, «il y a une notion de rattrapage et d’égalité réelle ici, et tant que cette nouvelle loi n’est pas mise en œuvre les défis démographiques s’accentuent. C’est très urgent que cette loi soit débattue et adoptée rapidement».
La nomination de Mary Simon soulève aussi, pour René Cormier, le fait que «le gouvernement a des obligations en matière linguistique pour les citoyens canadiens et canadiennes qui travaillent [au sein de l’appareil gouvernemental]».
Si la LLO est révisée adéquatement et «a plus de mordant, elle va peut-être aider à assurer qu’à l’intérieur de l’appareil fédéral gouvernemental, les fonctionnaires puissent travailler dans la langue de leur choix, mais aussi avoir accès à la formation linguistique qui leur permette d’accéder à la haute fonction de l’État comme celle de Mme Simon. Ces lacunes sont identifiées depuis longtemps».
René Cormier fait notamment référence au rapport réalisé en 2019 par le Comité sénatorial sur les langues officielles, dont il était alors le président. Le Comiété avait recommandé le renforcement des pouvoirs aux langues officielles et suggéré la création d’une agence centrale dotée de mécanismes nécessaires à une réelle force de mise en œuvre.
«Les recommandations et les amendements proposés par la FCFA sont alignés avec ce rapport», assure encore le sénateur Cormier, qui rappelle que la ministre des Langues officielles de l’époque, Mélanie Joly, en a pris certains en compte.
«Il reste encore du travail. Maintenant, y a-t-il de la place pour apporter des amendements au projet de loi? Ce sera l’enjeu des discussions avec la nouvelle ministre et le Comité sénatorial des langues officielles. Ce comité devra regarder ce nouveau projet de loi et voir comment la ministre tient compte de ces amendements.»
René Cormier, qui souhaite «ardemment» que le Comité sénatorial sur les langues officielles soit mis en place avant Noël, a préféré ne pas indiquer s’il se présentera à nouveau à la présidence de ce comité.
Avec la nomination à la mi-novembre du Cabinet fantôme du Parti conservateur, les principaux partis ont désormais leurs porte-paroles du gouvernement. Alors que les travaux ont repris le 22 novembre à la Chambre des communes, les critiques aux langues officielles du Parti conservateur, du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois ont dévoilé leurs attentes à l’égard du gouvernement de Justin Trudeau.
Inès Lombardo –Francopresse
Au Parti conservateur, c’est Alain Rayes qui a été nommé porte-parole des langues officielles et lieutenant du Québec, postes qu’il a déjà occupés séparément.
Désormais responsable de ces deux rôles simultanément, une première, il analyse : «Ça va me permettre de faire un lien entre le gouvernement du Québec et l’opposition fédérale en défendant les francophones partout au pays, mais aussi ceux du Québec. [La province] peut jouer un rôle dans toute la fédération pour les francophones, en faisant preuve de leadeurship.»
Pour Alain Rayes, porte-parole conservateur en matière de langues officielles, le prochain plan d’action sur les langues officielles n’aura aucune valeur tant et aussi longtemps qu’une loi modernisée ne sera pas adoptée. Credit: Christian Diotte, House of Commons Photo Services
Il ajoute que «les langues officielles sont un sujet très sensible partout, au Québec aussi. Sans avoir le bilinguisme obligatoire, on doit faire la promotion des deux langues dans la province, mais on a aussi des projets de loi que le gouvernement du Québec veut mettre en avant pour protéger la langue et en faire la promotion, comme obliger les organisations fédérales à respecter la loi 101 du Québec.»
Il assure que le Parti conservateur s’est engagé à respecter le gouvernement du Québec à ce sujet.
Ministères du Cabinet fantôme conservateur d’intérêt pour les francophones. (Crédit : Montage Francopresse)
Sa préoccupation principale est de «s’assurer que le gouvernement dépose son projet [de modernisation de la Loi sur les langues officielles]. Il avait promis de le faire dans les 100 premiers jours, il ne reste pas beaucoup de temps», prévient-il.
Il espère notamment «que le gouvernement va tenir compte des commentaires qui ont déjà été faits par les différents organismes, notamment après ce qu’on a vécu avec l’affaire du PDG d’Air Canada».
Une idée que partagent ses homologues au Nouveau Parti démocratique (NPD) et au Bloc québécois, Niki Ashton et Mario Beaulieu.
La nouvelle porte-parole en matière de langues officielles du NPD, Niki Ashton, estime que le premier ministre «fait semblant de se préoccuper des francophones. Les libéraux disent de belles choses sur la protection du français, mais quand il s’agit de passer à l’action, ils rejettent les projets de loi du NPD». Crédit : Courtoisie
Ce dernier assure : «On a besoin de renforcer le français en tant que langue commune pour arriver à intégrer les nouveaux arrivants et à assurer l’avenir du français, ce qui n’est pas du tout le cas en ce moment. On l’a vu à Montréal, avec la situation de M. Rousseau.»
Mario Beaulieu, porte-parole du Bloc québécois en matière de langues officielles, espère que le prochain projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles n’interfèrera pas avec l’application de la Charte de la langue française au Québec. Crédit : Courtoisie
Les trois porte-paroles s’accordent notamment sur le fait que le prochain projet de modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO) que déposera la ministre Petitpas Taylor devra donner plus de pouvoir au Commissariat aux langues officielles (CLO), une demande formulée par la FCFA fin octobre.
Mario Beaulieu insiste : «Tant que le CLO n’interfère pas avec l’application de la Charte de la langue française ou avec le français comme langue commune, on appuie ce qui touche l’extérieur du Québec.»
Ministères du Cabinet fantôme du Bloc québécois d’intérêt pour les francophones. Crédit : Montage Francopresse
De son côté, la porte-parole des langues officielles au NPD, Niki Ashton, estime que le premier ministre «fait semblant de se préoccuper des francophones. Les libéraux disent de belles choses sur la protection du français, mais quand il s’agit de passer à l’action, ils rejettent les projets de loi du NPD».
La députée francophile du Manitoba fait ici référence aux projets de loi de Yvon Godin et de François Choquette, qui visaient notamment le bilinguisme des juges de la Cour suprême.
Ministres libéraux issus de la francophonie canadienne. Crédit : Montage Francopresse
C’est d’ailleurs l’un des dossiers chauds sur lesquels les libéraux sont attendus. Si le NPD et le Bloc québécois sont en faveur de légiférer sur le bilinguisme à la Cour suprême et d’en faire un critère de recrutement, le Parti conservateur est plus frileux.
«On veut que la compétence soit priorisée. À la base, on recherche des gens bilingues. Mais si c’est impossible à cause de différentes raisons en lien avec la compétence, la géographie, il devrait y avoir un engagement clair» de la part du juge d’apprendre le français, souligne Alain Rayes.
Il tourne ensuite le projecteur sur les libéraux : «On trouve ça très spécial de voir le gouvernement fédéral en faire leur cheval de bataille numéro un dans leurs attaques des autres partis, quand eux-mêmes ont nommé une gouverneure générale [qui n’est] pas capable de s’exprimer en français, qui ne l’a jamais appris, même si elle demeurait au Québec.»
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L’autre pièce attendue est le prochain plan quinquennal d’action pour les langues officielles. L’actuel plan court jusqu’à 2023.
Pour Alain Rayes, «ce plan n’aura aucune valeur tant qu’il n’y a pas de projet de loi [de modernisation de la LLO]. Il y a l’urgence de donner plus de pouvoir au commissaire aux langues officielles, de centraliser toutes les décisions dans un seul ministère et de mettre en place des budgets, car ça prend de l’argent pour aider les communautés à faire la promotion du français et à le protéger.»
Le conservateur note au passage que ce financement devra passer par les institutions postsecondaires. «C’est par celles-ci que passent les formations des enseignants, des éducateurs et éducatrices qui vont rester dans les communautés francophones, les faire vivre et s’assurer que le français continue à être promu à tous les niveaux», précise-t-il.
La porte-parole néodémocrate, Niki Ashton, est moins loquace. Elle souhaite entendre un peu plus la ministre Petitpas Taylor pour en discuter plus précisément.
Ministères du Cabinet fantôme néodémocrate d’intérêt pour les francophones. (Crédit : Montage Francopresse)
Une hésitation qui confirme un certain vide au NPD en matière de langues officielles, depuis le départ des députés Yvon Godin en 2015 et François Choquette en 2019.
Quant à Mario Beaulieu, il rappelle que le Bloc appuie toutes les demandes faites par les «communautés francophones et acadienne pour les francophones hors Québec».
Ministres libéraux. Crédit : Montage Francopresse
«Si Mme Petitpas Taylor veut travailler dans le sens de promouvoir le français en tant que seule langue officielle des communes au Québec et respecter le fait que le gouvernement du Québec est le maitre d’œuvre de son aménagement linguistique, on est tout à fait disposés à travailler avec elle», soutient-il.
Il prévient toutefois : «Mais si le [fédéral] veut imposer le bilinguisme institutionnel et les services en anglais sans réserve au Québec et affaiblir l’application de la loi 101, à ce moment-là, le gouvernement libéral va nous trouver sur son chemin.»
Dans une étude parue en novembre, le Commissariat aux langues officielles constate l’échec d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, passé à côté de sa cible de 4,4 % d’immigration francophone hors Québec chaque année depuis 2008. Malgré cette conclusion, certains continuent de souligner les «efforts» d’IRCC, tandis que la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada en «exige» davantage du ministre Sean Fraser, sans pour autant identifier d’objectifs précis.
Inès Lombardo –Francopresse
Dans son étude publiée le 30 novembre, le Commissariat aux langues officielles (CLO) rappelle que la population francophone hors Québec représentait 4,4 % de la population canadienne en 2001.
Pour assurer le maintien du poids démographique de cette frange de la population, ce pourcentage est devenu une cible pour l’immigration francophone hors Québec, à atteindre dès 2008.
La cible a ensuite été repoussée à 2023. Et, fin 2021, «à l’approche de sa nouvelle échéance», le CLO constate qu’«il est incertain que la cible sera atteinte».
Dans son rapport, le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, va plus loin : «Si l’on considère les manques à gagner accumulés non pas depuis 2001, mais depuis 2008, année d’échéance initialement prévue au moment de fixer la cible en 2003, cela représente environ 75 839 résidents permanents d’expression française de plus qu’il aurait fallu admettre à l’extérieur du Québec au-delà des admissions réelles de 49 853.»
En d’autres mots : au lieu des 49 853 résidents permanents d’expression française à l’extérieur du Québec qui ont bel et bien été admis depuis 2008, il aurait fallu en accepter un total de 125 692 depuis 2008.
Un manque à gagner de 75 839 qui «correspond à la taille d’une ville canadienne moyenne comme North Bay, en Ontario, ou Medicine Hat, en Alberta», pointe encore le commissaire dans son communiqué.
Deuxième constat frappant de l’étude : même si la cible de 4,4 % avait été atteinte chaque année depuis 2008, «cela n’aurait pas été suffisant pour maintenir le poids démographique de la population d’expression française à l’extérieur du Québec, et encore moins pour contribuer à sa croissance».
Pour Aurélie Lacassagne, politologue et professeure invitée à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales (ÉSAPI) de l’Université d’Ottawa, cette étude du CLO ne nous apprend rien de nouveau. Pour la Franco-Ontarienne, non seulement le gouvernement n’a aucune stratégie, mais il a aussi «des problèmes de tuyauterie».
Poids démographique de la population d’expression française à l’extérieur du Québec, selon les différents recensements depuis 2001. Crédit : Courtoisie CLO
Surtout «quand on sait qu’il n’y a qu’un seul bureau d’immigration canadien, à Dakar, pour toute l’Afrique subsaharienne et que celui des Algériens est en France!» s’insurge-t-elle.
Une situation dont le «ridicule» est selon elle amplifié par des outils techniques défaillants, comme le logiciel utilisé pour sélectionner les immigrants. Elle cite l’exemple des étudiants francophones de certains pays africains, dont le taux de refus est plus élevé que des étudiants d’autres pays. Ces personnes pourraient potentiellement s’installer dans la francophonie canadienne.
L’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC) avance dans une étude que Francopresse a pu consulter que près de 91 % des étudiants internationaux francophones hors Québec «ont l’intention de chercher un emploi au Canada après avoir terminé leur programme d’études» et que «(92 %) habitent toujours au pays après avoir terminé leur programme d’études».
Selon Aurélie Lacassagne, ce sont des problèmes chroniques au niveau d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) qui empêchent le gouvernement d’atteindre sa cible.
Selon Alain Dobi, directeur du Réseau en immigration francophone de la région Centre-Sud-Ouest de l’Ontario (RIFCSO), la pierre n’est pas à lancer au ministère : «Il y a des espaces de rencontre entre IRCC et les communautés francophones en situation minoritaire. Oui, on sait que la cible est manquée, mais le ministère a fait des efforts.»
Liane Roy est présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne. Crédit : Courtoisie FCFA
Il met de l’avant les divers programmes qui ont été créés pour favoriser l’atteinte de la cible de 4,4 %, notamment Entrée express en 2015. Il mentionne également la bonification de candidatures francophones ou bilingues, la promotion d’IRCC et des communautés francophones en situation minoritaire (CSFM) pour attirer des candidats, la reprise du Programme de mobilité internationale – Mobilité francophone. «Il faut continuer dans ce sens», commente simplement Alain Dobi.
Aurélie Lacassagne fait remarquer que «les fournisseurs de service n’ont jamais reçu autant d’argent pour les programmes [d’immigration]. Ils font une super job avec cet argent, mais l’investissement n’est pas à mettre au niveau du recrutement puisqu’on voit que les gens veulent venir au Canada, notamment les étudiants francophones africains».
Selon elle, il faut plutôt revoir la manière dont on sélectionne les immigrants et «commencer par mettre plusieurs bureaux de visas», ironise-t-elle.
Par ailleurs, Aurélie Lacassagne signale que depuis que Justin Trudeau est au pouvoir, seuls des ministres anglophones ont été affectés à l’immigration. Un obstacle de taille pour la compréhension totale du dossier d’immigration francophone, plaide-t-elle : «Ça envoie le signal d’un manque d’intérêt.»
Aurélie Lacassagne, politologue et professeure invitée à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. Crédit : Courtoisie
Alain Dobi s’interroge : «C’est vrai qu’on se dit que si le gouvernement est capable de faire rentrer 30 000 réfugiés [en 2019, NDLR] […] il est capable d’adopter des mesures plus corsées pour l’immigration francophone.»
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De son côté, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada a réagi au rapport du CLO avec quatre exigences envers le ministre d’IRCC, Sean Fraser.
L’organisme demande «une augmentation substantielle des niveaux d’immigration francophone ailleurs qu’au Québec dès 2022», l’adoption d’une «cible de réparation qui s’appliquera dès 2023», la création d’une politique en matière d’immigration francophone pour faire croitre le poids démographique des CFSM et davantage d’autonomie pour ces dernières pour recruter et sélectionner des immigrantes et immigrants francophones.
En entrevue avec Francopresse, la présidente de la FCFA, Liane Roy, indique que les 75 839 résidents permanents «perdus» depuis 2008 seront inclus dans la nouvelle cible que la FCFA demande au ministre d’établir, dès 2023.
Liane Roy est présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne. Crédit : Courtoisie FCFA
Elle révèle toutefois ne pas savoir quelle aurait été la cible idéale à instaurer dès 2008 pour maintenir le poids démographique des francophones hors Québec. La FCFA n’a pas non plus précisé de chiffre pour l’«augmentation substantielle» qu’elle demande dès 2022.
Hormis ses quatre demandes à IRCC, la présidente de la FCFA a simplement rappelé qu’il faut continuer la promotion et le recrutement des francophones dans «tous les pays de la francophonie».
Est-ce une priorité sur la révision des taux d’acceptation d’immigrants potentiellement permanents, tels que les étudiants africains? «Non, il faut faire les deux», précise Liane Roy.
L’une des solutions serait de faire une sélection des immigrants «qui ont une sensibilité envers les francophones. Mais ça prend une volonté politique de changer les choses», conclut-elle.
Le coût de l’essence a augmenté de 32,8 % entre septembre 2020 et 2021, selon une publication de Statistique Canada. La situation affecte le secteur de la production agricole partout au pays, déjà durement touché par la pandémie. Des agriculteurs de l’Ouest tentent tant bien que mal de joindre les deux bouts.
Clémence Grevey – Francopresse
«On a besoin d’énergie pour la production d’à peu près tous les biens» explique Sébastien Pouliot, économiste supérieur chez Financement agricole Canada (FAC).
L’essence et les énergies fossiles sont entre autres utilisées dans le fonctionnement des machineries, mais aussi dans le système de chauffage de certains bâtiments.
«On voit à présent que ça commence à se répercuter dans les couts de production au Canada en ce qui concerne l’agriculture, ajoute Sébastien Pouliot. Il va y avoir un effet si on calcule les marges de profit en agriculture. Donc, c’est une des catégories de cout direct […], mais c’est aussi indirectement, car ça affecte d’autres produits.»
Sébastien Pouliot, économiste supérieur chez Financement agricole Canada. Crédit : Courtoisie Financement agricole Canada
Selon Statistique Canada, à Regina, en Saskatchewan, le cout de l’essence est passé de 109,8 cents par litre en janvier 2020 à 131,8 cents par litre en août 2021. Pour Edmonton, en Alberta, le cout est passé de 98,8 cents par litre en janvier 2020 à 132,3 cents par litre en aout 2021.
Cette hausse non négligeable affecte les budgets d’exploitations des agriculteurs de la région.
Pour Paul Hounjet, producteur céréalier à Saint-Denis, en Saskatchewan, «c’est peut-être 10 % de mon budget, l’essence. L’augmentation de l’essence va faire mal. Ça va affecter tout le monde […] ça va affecter la nourriture, ça va affecter le chauffage, ça va affecter ta voiture. C’est un prix qui est pas très réaliste».
Pour l’année en cours, les agriculteurs de l’Ouest ont pu échapper aux dernières hausses majeures juste avant les récoltes, selon Sébastien Pouliot. «Étant donné que les cultures sont terminées, les plus récentes hausses de prix ont des effets moins importants. Mais dans d’autres secteurs, d’autres provinces — comme en Ontario, au Québec — on a toujours la récolte pour le soya [qui s’est terminée en octobre, NDLR]. Les effets sont plus faciles à constater», explique-t-il.
Près de Lethbridge, en Alberta, Kevin Serfas est producteur bovin et céréalier. Il remarque déjà l’incidence de la hausse du prix de l’essence sur son budget : «Nous travaillons avec de petites marges [financières] au départ. Et maintenant, elles sont beaucoup plus petites.»
Près de Lethbridge, en Alberta, Kevin Serfas est producteur bovin et céréalier. Il remarque déjà l’incidence de la hausse du prix de l’essence sur son budget. Crédit : Twitter Kevin Serfas
«Il s’agit d’un marché mondial ; nous ne vendons pas à l’utilisateur final, nous vendons aux usines de concassage. Nous devons supporter le prix de ce cout et réduire la marge pour l’éliminer», précise-t-il.
Paul Hounjet craint pour sa part que la hausse du prix de l’essence ne vienne s’ajouter aux difficultés imposées par la sècheresse au cours des derniers mois dans l’Ouest. «Nos récoltes ont été jusque 400 % moins que normal […] C’est dû à la sècheresse. Les récoltes de lin et de canola ont été très pauvres. Je n’ai jamais vu ça de ma vie».
Il espère que le gouvernement viendra en aide aux agriculteurs afin de combler le manque à gagner : «Il y a les assurances du gouvernement qui, on espère, vont nous aider. On paie depuis des années ces assurances récolte qu’on n’a pas utilisées. On espère qu’ils vont nous aider cette année, parce qu’on n’est pas à profit.»
Kevin Serfas précise que l’utilisation de l’essence s’applique à de nombreuses sphères de la production agricole : «Nous avons besoin de l’essence pour planter et nourrir les bœufs, alors nous avons des machines que nous utilisons tous les jours. Le pourcentage de l’utilisation de l’essence par rapport à mon budget global est significatif.»
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Ultimement, explique Sébastien Pouliot, c’est le consommateur qui paiera la facture de l’impact de l’augmentation du prix de l’essence sur la production agricole.
«Ce qu’on mange à l’épicerie, ce ne sont pas des produits agricoles bruts. Il y a beaucoup de transformation qui se fait, donc beaucoup de valeur à ajouter par la suite. La hausse des prix que l’on voit à la ferme se répercute et est diluée encore par la transformation et à d’autres étapes de la chaine. Ces étapes de la chaine ont aussi des couts en énergie, donc c’est certain que quand les prix de l’énergie augmentent, ça affecte les prix de la nourriture aussi», élucide l’économiste.
Paul Hounjet est producteur céréalier à Saint-Denis, en Saskatchewan. Crédit : Site Web Assemblée communautaire fransaskoise
Il est plutôt pessimiste quant à un retour à la normale des prix à court terme : «On peut s’attendre à ce que les prix de l’énergie, selon l’information du marché que l’on a présentement, diminuent. Mais ça ne sera pas de grosses diminutions dans les futures années. […] À cause de la COVID-19, ça va prendre du temps avant qu’on retrouve les capacités de production», évalue-t-il.
L’utilisation de l’essence dépasse le fonctionnement de la machinerie, ajoute Sébastien Pouliot. «Il y a toujours besoin d’un peu de chauffage dans certains bâtiments, surtout dans les journées plus froides. Je crois que dans le secteur du bétail et même du lait, le besoin de chauffage n’est pas énorme, car les animaux génèrent suffisamment de chaleur pour réchauffer les bâtiments. Pour les animaux plus petits, quand on parle du poulet par exemple, il faut réchauffer le bâtiment, donc ça va affecter les couts de production à l’hiver. […]. En agriculture en général, il faut penser aussi aux serres, donc à la production de végétaux en serres.»
L’économiste note que certains producteurs utilisent des sources d’énergie alternatives comme la vapeur, la récupération du méthane ou la récupération de la chaleur produite par d’autres industries environnantes pour chauffer les bâtiments. Pour le secteur du transport et de la machinerie dans l’industrie agricole, les technologies vertes ne sont toutefois pas chose courante.
Kevin Serfas rappelle que, contrairement à la vie urbaine, l’intégration des énergies vertes n’est pas très répandue dans le milieu agricole. «Dans le Canada urbain, comme Montréal, Toronto, Calgary ou Vancouver, il y a des options pour les personnes qui ne veulent pas conduire leurs voitures. Il y a le transport en commun, le covoiturage, il y a différentes options. Dans le Canada rural, cela ne fonctionne pas. Nous devons conduire 50 km pour acheter de la nourriture. Nous comptons sur cela et nous avons le sentiment d’être injustement perçus pour notre utilisation».