le Mardi 6 juin 2023

En 2021, l’Alberta a conclu une entente avec le gouvernement fédéral pour offrir des places en garderie à 10 $ par jour. Si les services de garde francophones bénéficient de ce programme, ce dernier ne résout pas le problème de pénurie de places dans le secteur.

Francopresse

Pour Brigitte Kropielnicki, directrice générale du Conseil scolaire du Nord-Ouest de l’Alberta, cette entente reste très avantageuse pour les parents. «Au lieu de payer 950 $ [par mois], ils payent autour de 500 $. C’est la moitié des frais. C’est très bien pour les parents, ça leur donne une chance de placer leur argent ailleurs, surtout une famille qui a plus d’un enfant.»

Brigitte Kropielnicki est directrice générale du Conseil scolaire du Nord-Ouest, en Alberta. Photo : CourtoisieBrigitte Kropielnicki est directrice générale du Conseil scolaire du Nord-Ouest, en Alberta. Photo : Courtoisie

Le Conseil scolaire gère trois écoles francophones dans le Nord-Ouest de la province, dont une garderie à l’école Nouvelle Frontière à Grande Prairie, depuis 2019. «Avant qu’on ouvre nos portes à Grande Prairie, il n’y avait aucun service de garde en français», rappelle la directrice.

Depuis la mise en place de l’accord fédéral-provincial, le service de garde est plein. «Des familles avaient retiré leurs enfants, surtout pendant la pandémie, car elles n’avaient plus les moyens de payer. Un parent demeurait à la maison.»

La directrice générale explique que «depuis que l’entente est entrée [en vigueur,] il y a des familles qui sont revenues aux services de garde et les parents sont retournés au travail. Cela aide la communauté de Grande Prairie qui en général a besoin d’employés dans tous les secteurs. Ça fait boule de neige positivement.»

Le Centre scolaire du Nord-Ouest explore actuellement la possibilité d’ouvrir une garderie à l’École des Quatre-Vents à Peace River. 

Mais les listes d’attente des garderies ne raccourcissent pas. Selon une étude de la Fédération des parents francophones de l’Alberta (FPFA) et du Conseil de développement économique de l’Alberta (CDEA) présentée le 13 février 2023, il manque de places dans les services de garde francophones de plusieurs zones, y compris à Calgary et à Edmonton.

Déserts de services francophones

«Plusieurs quartiers de [Calgary et Edmonton] ne comptent aucune place en garderie à temps plein alors qu’un nombre important de francophones y demeurent. Selon nous, il est possible d’agir en y créant un site de garderie aussitôt que possible», peut-on lire dans le rapport.

«On a dévoilé que pour six enfants francophones en Alberta, il y a moins d’une place en service de garde. On est extrêmement mal desservis», alerte Mireille Péloquin, directrice générale de la FPFA.

Mireille Péloquin est directrice générale de la Fédération des parents francophones de l’Alberta (FPFA). Photo : FPFA

«Il y a des quartiers en Alberta qui sont bien servis, puis il y en a même où on dit qu’il existe des services, mais ce n’est quand même pas adéquat. Il n’y a pas suffisamment de places.» Cela pousse certaines familles à se tourner vers des services anglophones, déplore-t-elle.

Avec ce genre d’étude, la FPFA espère constituer une base de données qui pourrait être utile au gouvernement dans ses futures prises de décisions : «C’est le message qu’on est en train de passer au gouvernement provincial, de leur dire : si vous allez financer, si vous recevez des demandes pour des francophones, voici où sont nos besoins», déclare Mireille Péloquin.

De bons rapports avec le ministère

Selon elle, il faudrait apporter des modifications à l’entente fédérale-provinciale. Pour cette raison, la FPFA essaie de travailler avec le gouvernement albertain. «On croit que si on n’exprime pas c’est quoi nos besoins, c’est difficile pour eux de deviner. On a quand même de bons contacts avec les administrateurs du côté du ministère.»

Car malgré le coup de pouce financier des services de garde à 10 $ par jour, les francophones se trouvent toujours lésés en Alberta : «Il y a beaucoup de déplacements pour un parent qui veut avoir accès à un service de garde en français, remarque Mireille Péloquin. Ça demande des ressources supplémentaires. Tandis que pour un anglophone, c’est plus accessible.»

Même si les frais des services de garde sont les mêmes pour les parents des deux communautés linguistiques, «la subvention va beaucoup plus loin pour la majorité, parce que c’est à côté de chez eux. Pour le francophone qui a la même subvention, mais qui doit traverser la ville, à la fin de la journée, la subvention est moins importante», conclut la directrice générale de la FPFA.

L’Accord entre le Canada et l’Alberta sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants prévoit un investissement de 3,8 milliards de dollars entre 2021 et 2026, «ce qui permettra de créer jusqu’à 68 700 nouvelles places en garderie agréée», rapporte le ministère des Services à l’enfance de la province.

«Ce travail comprendra des initiatives ciblées visant à créer des places pour les familles issues de populations diverses et mal desservies, y compris, mais sans s’y limiter, les familles francophones.»

Quand des personnes noires victimes de racisme franchissent enfin le pas et décident de faire état de ce qu’elles endurent, il y a aussitôt un autre obstacle qui se dresse devant elles : la rigidité du système juridique. Deux experts, chacun dans leur domaine, le professeur Carl James, de la York University (Ontario), et Me Elsy Gagné, membre de l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta (AJEFA), en parlent. 

Mehdi Mehenni
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

En Alberta, dans les milieux scolaires comme dans le monde du travail, les personnes racisées sont généralement réticentes à l’idée de signaler les actes d’intimidation qu’elles subissent. La raison mise en avant est le plus souvent la peur des représailles, à en juger par les récents témoignages recueillis par Le Franco.

*Lire Racisme envers la population noire : la parole se libère dans les écoles à Edmonton paru dans l’édition du 3 février 2022.

Carl James, professeur à la York University (Ontario), auteur de plusieurs livres et spécialiste de l’intersectionnalité entre la race, l’ethnicité, le sexe, la classe et la citoyenneté, explique ce phénomène par l’interférence de plusieurs éléments pas toujours faciles à décortiquer.

Parlant du racisme envers les personnes noires à l’école, Carl James note, tout d’abord, que «les enseignants jouent un rôle très privilégié dans la vie des élèves et de leurs parents», et que, partant de ce principe, ces derniers «essaieront toujours d’éviter d’entrer en conflit avec les instituteurs».

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De ce fait, même lorsque les élèves peuvent avoir raison de se plaindre d’actes de racisme, souligne le professeur James, les parents «préfèrent s’en tenir à ce que dit l’enseignant de peur de compromettre l’éducation et la réussite de leurs enfants dans la société».

Cette réticence se manifeste de manière encore plus prononcée dans le cas où les parents sont des immigrants, relève notre interlocuteur. Considérant qu’ils n’ont pas «une bonne compréhension du système» dans lequel ils évoluent, les parents sont plus susceptibles de «s’en remettre au jugement des enseignants».

Et tout cela contribue forcément, de l’avis du professeur, «aux faibles résultats scolaires des élèves noirs et aux difficultés de santé mentale qui en résultent».

Mais ce n’est pas seulement avec les enseignants que les élèves peuvent avoir des problèmes, prévient Carl James. Ils peuvent en avoir aussi avec les membres de groupes de pairs. «Ce sont, là encore, des choses que les étudiantes et les étudiants racialisés vont chercher constamment à éviter. Et cela a également des répercussions sur leur scolarité et leur éducation.»

«Quand les mêmes comportements ne génèrent pas les mêmes attitudes»

Donc, en plus de l’intimidation, il y a aussi les représailles. Le professeur James affirme que «les personnes noires, que ce soit à l’école ou au travail, sont très conscientes du fait qu’appeler le racisme par son nom affectera leur avancement».

Selon lui, des études canadiennes ont montré que «les étudiants noirs n’obtiennent pas leur diplôme au même rythme que leurs pairs, qu’ils sont plus susceptibles d’être suspendus ou expulsés de l’école et qu’ils n’entrent pas à l’université au même rythme que les camarades».

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Parmi les raisons expliquant cette réalité, Carl James cite la possibilité que «les élèves ne reçoivent pas le type de soutien pédagogique qui leur permet de réussir leur scolarité. Ils peuvent aussi être notés beaucoup plus sévèrement que leurs camarades ou être traités de façon plus dure».

Alors oui, martèle-t-il, «les représailles sont telles que ces élèves, pour les mêmes comportements à l’école, ne sont pas traités de la même manière que leurs pairs». Surtout, ajoute-t-il, «s’ils suggèrent ou même veulent suggérer que c’est le racisme qui en était à l’origine».

Les institutions et le racisme systémique 

Les élèves et les étudiants noirs ne sont pas seulement aux prises avec les conséquences du racisme à l’école, mais aussi lors d’activités sportives ou récréatives, rappelle le professeur James. «Une fois adultes, ils peuvent ne pas être embauchés ou être ignorés pour une promotion au travail.»

Il explique cette autre réalité par le fait que «le racisme et le colonialisme, qui sont très inhérents à notre société, se reflètent dans les institutions telles qu’elles existent dans la société».

«À moins que les institutions reconnaissent le racisme au sein de notre société et acceptent que les politiques et les pratiques racistes et discriminatoires soient signalées pour les combattre, l’environnement du travail ne sera ni sûr ni équitable pour les personnes racialisées», assure le professeur.

Il invite, à ce propos, à «faire la différence entre l’attitude d’une personne envers la personne racialisée» et «la façon dont le système traite la personne racialisée».

«C’est ce que nous appelons le racisme systémique et c’est là que les politiques des institutions sont discriminatoires en fonction de la race.» Carl James

«C’est ce que nous appelons le racisme systémique et c’est là que les politiques des institutions sont discriminatoires en fonction de la race», nuance-t-il.

«Le racisme existe, mais comment le prouver?»

S’il est établi que le système de fonctionnement des institutions est en soi un engrenage qui ne permet pas aux personnes racisées de s’épanouir professionnellement, il y a un domaine qui n’en est pas moins compliqué : le droit. Un système dans le système. Lorsque des personnes estiment qu’elles sont victimes de racisme, la première question qui vient à l’esprit d’Elsy Gagné, avocate et membre de l’AJEFA, est : «Y a-t-il une preuve?»

«Le racisme et l’intimidation existent, mais comment les prouver? De toutes les plaintes que je reçois du milieu du travail, c’est toujours la même question qui revient : est-ce qu’il y a une preuve écrite, dite ou des témoins? Est-ce que c’est en raison de la race ou d’un manque de performance? C’est toute la difficulté», souligne-t-elle d’emblée.

Elsy Gagné, juriste et membre de l'AJEFA

Elsy Gagné, avocate et membre de l’Association des juristes d’expression française de l’Alberta. Crédit : Courtoisie

Ensuite, pour établir qu’il y a un acte d’intimidation, il y a lieu d’établir plusieurs paramètres et c’est tout un processus. D’abord, «s’il s’agit d’un groupe ou d’un individu à l’origine de l’intimidation. D’un employeur ou d’un employé? Est-ce qu’il y a des faits réels? Est-ce que cela entre dans le cadre juridique?», énumère Elsy Gagné.

Elle relève, dans ce sens, que «les règles qui s’appliquent sont très complexes», que «du point de vue du droit, c’est très difficile de prouver qu’il y a un acte de racisme, même si vous prenez le meilleur des avocats».

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Ce n’est pas pour rien que, sur les cinq personnes qui l’ont contactée entre 2021 et 2022 évoquant des actes d’intimidation, Elsy Gagné n’a pu établir, à son niveau, que seulement un cas relevait des tribunaux. C’est celui d’une dame âgée dans la cinquantaine, détentrice de deux maîtrises, qui a perdu son emploi.

«Elle ne m’a pas révélé au début qu’il s’agissait d’un acte de racisme. Je ne savais pas, moi non plus, qu’elle était une personne noire. Je lui avais seulement parlé au téléphone. C’était une femme très qualifiée. Elle était directrice d’un département et on a nommé un autre directeur au même poste. Une manière de la pousser vers la porte», raconte-t-elle.

«Dans le système juridique, les règles sont si rigides qu’il vaut mieux régler les conflits de cet ordre à l’amiable.» Elsy Gagné

Lorsque Elsy Gagné a appris que la dame avait également signé une décharge à son insu, il n’y avait plus aucun doute. «C’est rare que je dise cela immédiatement aux personnes qui me contactent pour des cas similaires, mais nous étions bel et bien là face à un acte d’intimidation lié à la race», lance-t-elle.

Certes, la dame a été compensée en fonction de ce qu’elle devait recevoir, mais toujours est-il, insiste Elsy Gagné, que «dans le système juridique, les règles sont si rigides qu’il vaut mieux régler les conflits de cet ordre à l’amiable».

Quand des personnes noires victimes de racisme franchissent enfin le pas et d�cident de faire �tat de ce quelles endurent, il y a aussit�t un autre obstacle qui se dresse devant elles�: la rigidit� du syst�me juridique. Deux experts, chacun dans leur domaine, le professeur Carl James, de la York University (Ontario), et Me Elsy Gagn�, membre de lAssociation des juristes dexpression fran�aise de lAlberta (AJEFA), en parlent.�

Mehdi Mehenni
IJL R�seau.Presse Le Franco

En Alberta, dans les milieux scolaires comme dans le monde du travail, les personnes racis�es sont g�n�ralement r�ticentes � lid�e de signaler les actes d’intimidation quelles subissent. La raison mise en avant est le plus souvent la peur des repr�sailles, � en juger par les r�cents t�moignages recueillis par Le Franco.

*Lire Racisme envers la population noire�: la parole se lib�re dans les �coles � Edmonton paru dans l�dition du 3 f�vrier 2022.

Carl James, professeur � la York University (Ontario), auteur de plusieurs livres et sp�cialiste de lintersectionnalit� entre la race, lethnicit�, le sexe, la classe et la citoyennet�, explique ce ph�nom�ne par linterf�rence de plusieurs �l�ments pas toujours faciles � d�cortiquer.

Parlant du racisme envers les personnes noires � l�cole, Carl James note, tout dabord, que �les enseignants jouent un r�le tr�s privil�gi� dans la vie des �l�ves et de leurs parents�, et que, partant de ce principe, ces derniers �essaieront toujours d�viter dentrer en conflit avec les instituteurs�.

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De ce fait, m�me lorsque les �l�ves peuvent avoir raison de se plaindre dactes de racisme, souligne le professeur James, les parents �pr�f�rent sen tenir � ce que dit lenseignant de peur de compromettre l’�ducation et la r�ussite de leurs enfants dans la soci�t�.

Cette r�ticence se manifeste de mani�re encore plus prononc�e dans le cas o� les parents sont des immigrants, rel�ve notre interlocuteur. Consid�rant quils nont pas �une bonne compr�hension du syst�me� dans lequel ils �voluent, les parents sont plus susceptibles de �sen remettre au jugement des enseignants�.

Et tout cela contribue forc�ment, de lavis du professeur, �aux faibles r�sultats scolaires des �l�ves noirs et aux difficult�s de sant� mentale qui en r�sultent�.

Mais ce n’est pas seulement avec les enseignants que les �l�ves peuvent avoir des probl�mes, pr�vient Carl James. Ils peuvent en avoir aussi avec les membres de groupes de pairs. �Ce sont, l� encore, des choses que les �tudiantes et les �tudiants racialis�s vont chercher constamment � �viter. Et cela a �galement des r�percussions sur leur scolarit� et leur �ducation.�

�Quand les m�mes comportements ne g�n�rent pas les m�mes attitudes�

Donc, en plus de lintimidation, il y a aussi les repr�sailles. Le professeur James affirme que �les personnes noires, que ce soit � l’�cole ou au travail, sont tr�s conscientes du fait quappeler le racisme par son nom affectera leur avancement�.

Selon lui, des �tudes canadiennes ont montr� que �les �tudiants noirs n’obtiennent pas leur dipl�me au m�me rythme que leurs pairs, quils sont plus susceptibles d’�tre suspendus ou expuls�s de l’�cole et quils n’entrent pas � l’universit� au m�me rythme que les camarades�.

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Parmi les raisons expliquant cette r�alit�, Carl James cite la possibilit� que �les �l�ves ne re�oivent pas le type de soutien p�dagogique qui leur permet de r�ussir leur scolarit�. Ils peuvent aussi �tre not�s beaucoup plus s�v�rement que leurs camarades ou �tre trait�s de fa�on plus dure�.

Alors oui, mart�le-t-il, �les repr�sailles sont telles que ces �l�ves, pour les m�mes comportements � l’�cole, ne sont pas trait�s de la m�me mani�re que leurs pairs�. Surtout, ajoute-t-il, �s’ils sugg�rent ou m�me veulent sugg�rer que cest le racisme qui en �tait � lorigine�.

Les institutions et le racisme syst�mique�

Les �l�ves et les �tudiants�noirs ne sont pas seulement aux prises avec les cons�quences du racisme � l’�cole, mais aussi lors dactivit�s sportives ou r�cr�atives, rappelle le professeur James. �Une fois adultes, ils peuvent ne pas �tre embauch�s ou �tre ignor�s pour une promotion au travail.�

Il explique cette autre r�alit� par le fait que �le racisme et le colonialisme, qui sont tr�s inh�rents � notre soci�t�, se refl�tent dans les institutions telles qu’elles existent dans la soci�t�.

�� moins que les institutions reconnaissent le racisme au sein de notre soci�t� et acceptent que les politiques et les pratiques racistes et discriminatoires soient signal�es pour les combattre, lenvironnement du travail ne sera ni s�r ni �quitable pour les personnes racialis�es�, assure le professeur.

Il invite, � ce propos, � �faire la diff�rence entre l’attitude d’une personne envers la personne racialis�e� et �la fa�on dont le syst�me traite la personne racialis�e�.

�C’est ce que nous appelons le racisme syst�mique et c’est l� que les politiques des institutions sont discriminatoires en fonction de la race.� Carl James

�C’est ce que nous appelons le racisme syst�mique et c’est l� que les politiques des institutions sont discriminatoires en fonction de la race�, nuance-t-il.

�Le racisme existe, mais comment le prouver?�

Sil est �tabli que le syst�me de fonctionnement des institutions est en soi un engrenage qui ne permet pas aux personnes racis�es de s�panouir professionnellement, il y a un domaine qui nen est pas moins compliqu�: le droit. Un syst�me dans le syst�me. Lorsque des personnes estiment quelles sont victimes de racisme, la premi�re question qui vient � lesprit dElsy Gagn�, avocate et membre de lAJEFA, est : �Y a-t-il une preuve?�

�Le racisme et lintimidation existent, mais comment les prouver? De toutes les plaintes que je re�ois du milieu du travail, cest toujours la m�me question qui revient : est-ce quil y a une preuve �crite, dite ou des t�moins? Est-ce que cest en raison de la race ou dun manque de performance? Cest toute la difficult�, souligne-t-elle dembl�e.

Elsy Gagn�, juriste et membre de l'AJEFA

Elsy Gagn�, avocate et membre de lAssociation des juristes dexpression fran�aise de lAlberta. Cr�dit : Courtoisie

Ensuite, pour �tablir quil y a un acte dintimidation, il y a lieu d�tablir plusieurs param�tres et cest tout un processus. Dabord, �sil sagit dun groupe ou dun individu � lorigine de lintimidation. Dun employeur ou dun employ�? Est-ce quil y a des faits r�els? Est-ce que cela entre dans le cadre juridique?�, �num�re Elsy Gagn�.

Elle rel�ve, dans ce sens, que �les r�gles qui sappliquent sont tr�s complexes�, que �du point de vue du droit, cest tr�s difficile de prouver quil y a un acte de racisme, m�me si vous prenez le meilleur des avocats�.

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Ce nest pas pour rien que, sur les cinq personnes qui lont contact�e entre 2021 et 2022 �voquant des actes dintimidation, Elsy Gagn� na pu �tablir, � son niveau, que seulement un cas relevait des tribunaux. Cest celui dune dame �g�e dans la cinquantaine, d�tentrice de deux ma�trises, qui a perdu son emploi.

�Elle ne ma pas r�v�l� au d�but quil sagissait dun acte de racisme. Je ne savais pas, moi non plus, quelle �tait une personne noire. Je lui avais seulement parl� au t�l�phone. C�tait une femme tr�s qualifi�e. Elle �tait directrice dun d�partement et on a nomm� un autre directeur au m�me poste. Une mani�re de la pousser vers la porte�, raconte-t-elle.

�Dans le syst�me juridique, les r�gles sont si rigides quil vaut mieux r�gler les conflits de cet ordre � lamiable.� Elsy Gagn�

Lorsque Elsy Gagn� a appris que la dame avait �galement sign� une d�charge � son insu, il ny avait plus aucun doute. �Cest rare que je dise cela imm�diatement aux personnes qui me contactent pour des cas similaires, mais nous �tions bel et bien l� face � un acte dintimidation li� � la race�, lance-t-elle.

Certes, la dame a �t� compens�e en fonction de ce quelle devait recevoir, mais toujours est-il, insiste Elsy Gagn�, que �dans le syst�me juridique, les r�gles sont si rigides quil vaut mieux r�gler les conflits de cet ordre � lamiable�.

En Alberta, les attaques contre les femmes musulmanes se sont multipli�es ces derni�res ann�es. Le Service de police de la ville dEdmonton (EPS) juge la situation �pr�occupante� et admet �lexistence dun probl�me de s�curit� publique�. Le Conseil des communaut�s musulmanes dEdmonton (ECMC) r�clame, de son c�t�, des peines plus s�v�res � lencontre des agresseurs.�

Mehdi Mehenni
IJL R�seau.Presse Le Franco

Alors que les citoyens musulmans de la province croyaient en avoir fini avec ces agressions dans les lieux publics, une nouvelle attaque vient jeter leffroi sur la communaut�, regrette Toqa Abdelwahab, �tudiante � l’Universit� de lAlberta.

Selon EPS, par linterm�diaire de sa section des communications, les membres de la patrouille de la Division Nord-Est sont intervenus le 1er janvier dernier pr�s de la mosqu�e Al Ameen et ont proc�d� � l’arrestation de Jeffrey Ryan Hill, 34 ans, pour m�fait de moins de 5 000 $ et menaces contre une femme musulmane.

Masood Peracha, pr�sident sortant du Conseil des communaut�s musulmanes dEdmonton.

Masood Peracha, pr�sident sortant du Conseil des communaut�s musulmanes dEdmonton (ECMC). Cr�dit : Courtoisie

�Apr�s consultation avec l’Unit� des crimes haineux et de l’extr�misme d’EPS, les enqu�teurs ont recommand� que l’article 718.2 du Code criminel du Canada soit appliqu� dans cette affaire. Cela permet aux tribunaux d’envisager une augmentation de la peine lorsqu’il y a preuve que l’infraction a �t� motiv�e par la haine�, pr�cise le Service de police d’Edmonton.

Dapr�s le pr�sident sortant du Conseil des communaut�s musulmanes dEdmonton (ECMC), Masood Peracha, �lagresseur a d’abord tent� de harceler une femme musulmane assise dans son propre v�hicule avec ses deux enfants avant dapporter une pelle d’une propri�t� voisine et de commencer � lattaquer�.

Une sc�ne dont parle avec col�re la jeune �tudiante de 21 ans en biologie et en litt�rature fran�aise. �Cela ma frustr�e. J�tais malheureuse�, clame-t-elle. Elle affirme que malgr� les incessants appels lanc�s en direction des autorit�s pour les prot�ger contre les crimes haineux, �les femmes musulmanes nont rien vu venir�.

�11 crimes motiv�s par la haine en 2021�

Le Service de police dEdmonton ne nie dailleurs pas lexistence dun probl�me de s�curit� publique en la mati�re.

�Les attaques contre la communaut� musulmane sont incroyablement pr�occupantes. Lorsque les membres dune communaut� ont peur de sortir de chez eux, ont peur de se rendre dans les lieux de culte, il s’agit d’un probl�me de s�curit� publique�, reconnait EPS. Les autorit�s polici�res de la ville ont par ailleurs enregistr� 11 crimes motiv�s par la haine contre la communaut� musulmane en 2021.

�Les attaques contre la communaut� musulmane sont incroyablement pr�occupantes.� Section des communications de la Police d’Edmonton

Pour essayer de comprendre et dexpliquer ce ph�nom�ne, EPS atteste que ses agents �tentent, apr�s chaque enqu�te, de d�terminer les causes, d’examiner les �v�nements pour voir sils ne sont pas li�s ou coordonn�s et de chercher les motivations des agresseurs�. � ce jour, EPS assure quaucune piste ne pointe � lhorizon.

L�difice du Service de police dEdmonton.

L�difice du Service de police dEdmonton. Cr�dit : Courtoisie

De son c�t�, Masood Peracha avoue que leur organisme communautaire �nest pas en mesure d’identifier les causes pr�cises de ce ph�nom�ne�.

Une supposition survient, cependant, � son esprit. �Nous savons qu’il y a eu une augmentation indubitable du racisme antimusulman en Alberta et partout au Canada au cours des derni�res ann�es. Ces agressions dans les lieux publics contre des femmes musulmanes portant le voile semblent �tre une manifestation de cette islamophobie.�

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� la question de savoir si l’ECMC a entrepris des actions pour lutter contre ces agressions r�currentes, notre interlocuteur indique que le Conseil �travaille en �troite collaboration avec les Services de police d’Edmonton, en particulier avec son Unit� des crimes haineux�. Masood Peracha insiste sur le suivi apr�s le signalement de tels incidents, ainsi que sur la surveillance des r�sultats de la police dans le cadre de l’application de la loi et des poursuites judiciaires.

Il indique avoir aussi fait des d�marches, en lien avec les politiques publiques, aupr�s du nouveau maire d’Edmonton, Amarjeet Sohi, et de certains conseillers municipaux.

�On nous sugg�re comme solution de rester � la maison!���

Mais ces efforts ne sont pas dune grande efficacit� aux yeux des femmes musulmanes comme Toqa Abdelwahab. Et la jeune �tudiante semble avoir ses raisons. �Lorsque nous avons demand� aux responsables des mosqu�es de faire quelque chose, ils nous ont sugg�r� de rester � la maison ou de nous faire accompagner dans la rue par un tuteur�, pestif�re-t-elle.

�Lorsque nous avons demand� aux responsables des mosqu�es de faire quelque chose, ils nous ont sugg�r� de rester � la maison ou de nous faire accompagner dans la rue par un tuteur.� Toqa Abdelwahab

Elle d�nonce, extr�mement m�contente, �quand des mosqu�es ont fait venir des policiers pour donner des conseils de s�curit� aux femmes, ils nous ont propos� de porter sur soi du gaz poivr�, ce qui est interdit [selon le Code criminel] au Canada. Leurs conseils �taient en grande partie inutiles�.

EPS soutient pourtant que ses agents �ne m�nagent aucun effort�, quils �enqu�tent de mani�re approfondie sur toutes les plaintes� et quils �continuent �appliquer les lois actuellement en place�, en sengageant � �aider � l’introduction d’une l�gislation plus stricte pour les crimes de haine�.

Toqa Abdelwahab, �tudiante musulmane � lUniversit� de lAlberta.

Toqa Abdelwahab, �tudiante musulmane � lUniversit� de lAlberta. Cr�dit : Courtoisie

Sur ce dernier point, le Conseil des communaut�s musulmanes dEdmonton nourrit justement de grandes attentes, Masood Peracha consid�rant que �les attaques violentes et les agressions motiv�es par la haine devraient entra�ner des peines plus s�v�res. De m�me que les juges devraient consid�rer la haine comme un facteur aggravant lors de la d�termination de la peine�.

En Alberta, les attaques contre les femmes musulmanes se sont multipliées ces dernières années. Le Service de police de la ville d’Edmonton (EPS) juge la situation «préoccupante» et admet «l’existence d’un problème de sécurité publique». Le Conseil des communautés musulmanes d’Edmonton (ECMC) réclame, de son côté, des peines plus sévères à l’encontre des agresseurs. 

Mehdi Mehenni
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

Alors que les citoyens musulmans de la province croyaient en avoir fini avec ces agressions dans les lieux publics, une nouvelle attaque vient jeter l’effroi sur la communauté, regrette Toqa Abdelwahab, étudiante à l’Université de l’Alberta.

Selon EPS, par l’intermédiaire de sa section des communications, les membres de la patrouille de la Division Nord-Est sont intervenus le 1er janvier dernier près de la mosquée Al Ameen et ont procédé à l’arrestation de Jeffrey Ryan Hill, 34 ans, pour méfait de moins de 5 000 $ et menaces contre une femme musulmane.

Masood Peracha, président sortant du Conseil des communautés musulmanes d’Edmonton.

Masood Peracha, président sortant du Conseil des communautés musulmanes d’Edmonton (ECMC). Crédit : Courtoisie

«Après consultation avec l’Unité des crimes haineux et de l’extrémisme d’EPS, les enquêteurs ont recommandé que l’article 718.2 du Code criminel du Canada soit appliqué dans cette affaire. Cela permet aux tribunaux d’envisager une augmentation de la peine lorsqu’il y a preuve que l’infraction a été motivée par la haine», précise le Service de police d’Edmonton.

D’après le président sortant du Conseil des communautés musulmanes d’Edmonton (ECMC), Masood Peracha, «l’agresseur a d’abord tenté de harceler une femme musulmane assise dans son propre véhicule avec ses deux enfants avant d’apporter une pelle d’une propriété voisine et de commencer à l’attaquer».

Une scène dont parle avec colère la jeune étudiante de 21 ans en biologie et en littérature française. «Cela m’a frustrée. J’étais malheureuse», clame-t-elle. Elle affirme que malgré les incessants appels lancés en direction des autorités pour les protéger contre les crimes haineux, «les femmes musulmanes n’ont rien vu venir».

«11 crimes motivés par la haine en 2021»

Le Service de police d’Edmonton ne nie d’ailleurs pas l’existence d’un problème de sécurité publique en la matière.

«Les attaques contre la communauté musulmane sont incroyablement préoccupantes. Lorsque les membres d’une communauté ont peur de sortir de chez eux, ont peur de se rendre dans les lieux de culte, il s’agit d’un problème de sécurité publique», reconnait EPS. Les autorités policières de la ville ont par ailleurs enregistré 11 crimes motivés par la haine contre la communauté musulmane en 2021.

«Les attaques contre la communauté musulmane sont incroyablement préoccupantes.» Section des communications de la Police d’Edmonton

Pour essayer de comprendre et d’expliquer ce phénomène, EPS atteste que ses agents «tentent, après chaque enquête, de déterminer les causes, d’examiner les événements pour voir s’ils ne sont pas liés ou coordonnés et de chercher les motivations des agresseurs». À ce jour, EPS assure qu’aucune piste ne pointe à l’horizon.

L’édifice du Service de police d’Edmonton.

L’édifice du Service de police d’Edmonton. Crédit : Courtoisie

De son côté, Masood Peracha avoue que leur organisme communautaire «n’est pas en mesure d’identifier les causes précises de ce phénomène».

Une supposition survient, cependant, à son esprit. «Nous savons qu’il y a eu une augmentation indubitable du racisme antimusulman en Alberta et partout au Canada au cours des dernières années. Ces agressions dans les lieux publics contre des femmes musulmanes portant le voile semblent être une manifestation de cette islamophobie.»

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À la question de savoir si l’ECMC a entrepris des actions pour lutter contre ces agressions récurrentes, notre interlocuteur indique que le Conseil «travaille en étroite collaboration avec les Services de police d’Edmonton, en particulier avec son Unité des crimes haineux». Masood Peracha insiste sur le suivi après le signalement de tels incidents, ainsi que sur la surveillance des résultats de la police dans le cadre de l’application de la loi et des poursuites judiciaires.

Il indique avoir aussi fait des démarches, en lien avec les politiques publiques, auprès du nouveau maire d’Edmonton, Amarjeet Sohi, et de certains conseillers municipaux.

«On nous suggère comme solution de rester à la maison!»  

Mais ces efforts ne sont pas d’une grande efficacité aux yeux des femmes musulmanes comme Toqa Abdelwahab. Et la jeune étudiante semble avoir ses raisons. «Lorsque nous avons demandé aux responsables des mosquées de faire quelque chose, ils nous ont suggéré de rester à la maison ou de nous faire accompagner dans la rue par un tuteur», pestifère-t-elle.

«Lorsque nous avons demandé aux responsables des mosquées de faire quelque chose, ils nous ont suggéré de rester à la maison ou de nous faire accompagner dans la rue par un tuteur.» Toqa Abdelwahab

Elle dénonce, extrêmement mécontente, «quand des mosquées ont fait venir des policiers pour donner des conseils de sécurité aux femmes, ils nous ont proposé de porter sur soi du gaz poivré, ce qui est interdit [selon le Code criminel] au Canada. Leurs conseils étaient en grande partie inutiles».

EPS soutient pourtant que ses agents «ne ménagent aucun effort», qu’ils «enquêtent de manière approfondie sur toutes les plaintes» et qu’ils «continuent à appliquer les lois actuellement en place», en s’engageant à «aider à l’introduction d’une législation plus stricte pour les crimes de haine».

Toqa Abdelwahab, étudiante musulmane à l’Université de l’Alberta.

Toqa Abdelwahab, étudiante musulmane à l’Université de l’Alberta. Crédit : Courtoisie

Sur ce dernier point, le Conseil des communautés musulmanes d’Edmonton nourrit justement de grandes attentes, Masood Peracha considérant que «les attaques violentes et les agressions motivées par la haine devraient entraîner des peines plus sévères. De même que les juges devraient considérer la haine comme un facteur aggravant lors de la détermination de la peine».

Établies au Canada depuis déjà plusieurs générations, les communautés africaines, notamment maghrébines ou de confession musulmane, continuent d’éprouver le besoin d’enterrer leurs proches dans leurs pays d’origine. 

Mehdi Mehenni
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

L’Alberta n’échappe pas à cette tradition décidément bien ancrée chez ces communautés issues de l’Afrique. Pour preuve, l’ouverture récente à Edmonton d’un bureau régional de Dernière Demeure Internationale (DDI), une organisation spécialisée dans le rapatriement des dépouilles.

Établie au Québec, DDI existe depuis 2018, mais ce n’est que depuis la fin de janvier 2022 qu’elle est officiellement opérationnelle en Alberta, comme l’affirment Lyse Riza et Hervé Njanjouo, codirecteurs régionaux pour l’Alberta.

«Nous avions constaté que beaucoup d’immigrants, qui vivaient dans la précarité, principalement des afro-descendants, ne pouvaient pas payer la facture funéraire en raison de leurs faibles revenus. Lorsqu’il y a un décès, nos proches en Afrique souhaitent voir le corps et faire le deuil. Cela crée une pression financière et psychologique sur la famille se trouvant ici», explique Lyse Riza.

«Cela crée une pression financière et psychologique sur la famille se trouvant ici.» Lyse Riza

C’est dans cet esprit, souligne-t-elle, que «DDI a pensé à la solution d’accompagner dignement les communautés immigrantes, alléger la pression financière sur elles et améliorer leurs conditions de vie».

Pour devenir membre de DDI, la démarche est plutôt simple, selon Hervé Njanjouo. Il suffit de créer un compte sur la plateforme pour y adhérer. «Quand survient un décès, tous les adhérents reçoivent simultanément un message. Après quoi, une somme est prélevée sur le compte de chaque membre.»

«Ça coûte cher un enterrement ici» 

Pasteur Armand, un adhérent actif de DDI, en a fait l’expérience récemment. Il habite Calgary et a perdu son cousin en janvier 2021. «Comme chaque membre peut avoir des adhérents proches sous sa charge, cela m’a permis de rapatrier mon cousin Eddy au Rwanda.»

Décédé à l’âge de 56 ans après une lutte de plusieurs mois contre la maladie, le cousin de M. Armand n’avait pas émis de volontés précises quant aux modalités de ses funérailles. Alors que 90% des membres de sa famille vivent à Kigali, la capitale du Rwanda, ils ont jugé bon de l’enterrer là-bas.

Cette décision a été motivée par deux facteurs, soutient Pasteur Armand. Le coût de l’enterrement qu’il juge assez élevé au Canada et le fait de permettre à ces proches  de lui rendre un dernier hommage.

Henriette Wambo, présidente de Dernière Demeure Internationale

Henriette Wambo, présidente de Dernière Demeure Internationale (DDI). Crédit : Courtoisie

«Mme Henriette Wambo a fait remarquer dans son discours lors de la cérémonie d’ouverture qu’avoir une représentation DDI en Alberta était un objectif réalisable et devrait servir de motivation pour continuer à mettre tout le monde sur le pont dans la construction de cette grande organisation.»

«Au bas mot, un enterrement coûte 20 000 $ au Canada, sans les frais d’entretien de la tombe qui sont versés annuellement. Mais il y a aussi ses enfants qui sont établis en Europe et c’est plus facile pour eux d’aller au Rwanda que de venir au Canada», ajoute-t-il.

Depuis sa création en 2018, sur les 19 décès qui lui ont été signalés, Dernière Demeure Internationale a rapatrié neuf dépouilles vers leurs pays d’origine, principalement sur le continent africain.

«La résolution du deuil ne se fait pas de manière artificielle»

Si dans le pays d’origine de Lyse Riza, le Burundi, «cela répond seulement à des considérations traditionnelles qui veulent que nous soyons enterrés parmi les nôtres», il peut en être autrement dans d’autres pays, comme le souligne Hervé Njanjouo, originaire du Cameroun.

«Il y a des tribus en Afrique pour qui avoir le corps est primordial. Les Bamilékés (une tribu de l’ouest du Cameroun), pour garder l’arbre généalogique de la famille, prélèvent le crâne du défunt trois années après son enterrement. Cela permet de faire le culte des ancêtres», explique notre interlocuteur. C’est grâce à cette pratique qu’il connait la grand-mère de sa grand-mère et peut remonter jusqu’à neuf générations.

«Il y a des tribus en Afrique pour qui avoir le corps est primordial.» Lyse Riza

Un besoin que comprend parfaitement Jean-Marc Barreau, professeur en anthropologie spirituelle à l’Université de Montréal. Il possède une connaissance approfondie de la question puisqu’il est également titulaire de la Chaire Jean-Monbourquette sur le soutien social des personnes endeuillées et membre permanent du Centre interdisciplinaire de recherche sur les religions et les spiritualités (CIRRES).

Pour M. Barreau, «la résolution du deuil ne se fait pas de manière artificielle. Elle exige souvent des éléments culturels qui varient, certes, d’une culture à l’autre, mais qui en disent long sur l’exigence du processus de deuil».

«Voir la dépouille de la personne aimée dans son pays d’origine est un élément clé pour la résolution du deuil. L’endeuillé dira : ‘’il est rentré chez les siens’’. Ce faisant, il honore la culture du défunt et permet une célébration qualifiée de la religion du défunt et de sa famille, les rites culturels, etc.», analyse Jean-Marc Barreau.

«Le lieu des funérailles est important comme le temps»

Membre permanent du Réseau québécois de recherche en soins palliatifs et de fin de vie (RQSPAL) et coordonnateur des stages en soins spirituels, et professeur adjoint à l’Institut d’études religieuses (IÉR),  il avance aussi le paramètre de la religion. C’est, celui-lui, un facteur déterminant dans ce désir d’être inhumé dans «sa terre» ou de voir ses proches y être inhumés.

«Chaque religion monothéiste développe un sentiment d’appartenance qui fait que l’on veut être inhumé avec les siens, que l’on souhaite que l’être cher soit auprès des nôtres. Et de notre Dieu, c’est sûr», note Jean-Marc Barreau.

«Le pays d’adoption n’offre pas nécessairement tous les rites originels nécessaires aux funérailles.» Jean-Marc Barreau

À cela s’ajoute un élément culturel, «car le pays d’adoption n’offre pas nécessairement tous les rites originels nécessaires aux funérailles et à la résolution du deuil. Le pays d’origine respectera cela». Et puis, il y a un aspect métaphysique que l’on ne souligne jamais assez, de l’avis de l’expert.

«Pour que le deuil se fasse convenablement, le ‘’lieu’’ des funérailles est important comme le ‘’temps’’. Deux éléments qui permettent d’amorcer plus sereinement le processus de deuil et de l’accomplir aussi, car on revient sur le ‘’lieu’’ régulièrement à des ‘’temps’’ précis (anniversaires, fêtes religieuses, etc.).»

«Les deuils suspendus, une réalité à prendre au sérieux» 

Le professeur Barreau a conduit durant plus d’un an un projet de recherche pour identifier comment la pandémie a contribué à complexifier le deuil et son processus. Il avertit, «ne pas faire son deuil, c’est prendre le risque de développer des pathologies qui affectent la santé des personnes».

«Il existe des deuils suspendus, qui ne se font pas en raison de contextes migratoires ou pandémiques. C’est une réalité que la société et les pouvoirs publics doivent prendre très au sérieux », prévient-il.

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Il poursuit : «Un deuil non résolu se rapproche de l’état de sidération, même si c’est différent. Et cet état de suspens peut regarder le processus de deuil d’une personne, mais aussi d’une communauté (famille, village, pays). C’est une réalité complexe qui exige une prise en compte précise».

Il considère donc que «l’investissement de la communauté est essentiel pour la résolution du deuil». «La communauté offre à la fois un support affectif à la personne endeuillée, mais aussi, dépendamment des cultures, le ‘’droit’’ d’être en deuil. Elle confirme ce droit et l’accompagne», conclut-il.

Avec pr�s de 2 500�milles de littoral, la Nouvelle-�cosse abrite de nombreux secrets�: alc�ves oc�aniques et ports cach�s. On pense que ces endroits isol�s ont donn� naissance � la boisson pr�f�r�e de la province�: le rhum. Faisant partie du tissu culturel de la Nouvelle-�cosse, les histoires de rhum et de course au rhum ont �t� transmises de g�n�ration en g�n�ration par des r�cits et des chansons. Les r�cits sont les plus forts dans nos villes et villages c�tiers o� la p�che et les traditions de la mer font toujours partie de la vie quotidienne.

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La Nouvelle-�cosse, dont on dit quelle a vu le jour avec les pirates dans les ann�es�1700, est devenue plus connue pour la vente de rhum, car la c�te peu peupl�e est devenue une halte privil�gi�e pour les pirates. La contrebande de rhum ou �bootlegging� est une activit� ill�gale qui consiste � transporter ou � faire passer en contrebande des boissons alcoolis�es lorsque ce transport est interdit par la loi.�

La contrebande a g�n�ralement lieu pour contourner les lois de taxation ou de prohibition dans une juridiction particuli�re. Le terme �rum-running� sapplique plus commun�ment � la contrebande par voie maritime ; le �bootlegging� sapplique � la contrebande par voie terrestre.

Fait remarquable, les distilleries de la province ont �t� la premi�re grande industrie de Halifax, avant m�me la p�che ou la construction navale, ce qui signifie quil y avait des produits � partager, notamment avec les �tats-Unis et leur tristement c�l�bre Rum Row.�

La prohibition a �t� abolie dans les ann�es�1930, mais les N�o�cossais ont conserv� leur relation avec le rhum. Apr�s tout, ils adorent boire, comme le prouve le fait que la province poss�de les premi�res brasseries, distilleries et caves artisanales du Canada. Les voyageurs peuvent maintenant avoir un aper�u de ce qui a fa�onn� lamour de cette province pour le rhum.

Comme dans beaucoup de nos communaut�s rurales, il existe de nombreux r�cits de l�poque du rhum, qui d�peignent cette activit�. Par exemple, dans le livre Cap-Rouge Ancien hameau de Ch�ticamp Former Hamlet of Ch�ticamp, un projet de La Soci�t� Saint-Pierre, il y a une section intitul�e �L�conomie illicite�. On y parle de l�poque de la contrebande.�

Les habitants de Ch�ticamp et de Cap-Rouge avaient certains avantages en mati�re de contrebande�: un langage commun avec les fournisseurs de vins fins, de ports et de rhum, les habitants des iles fran�aises de Saint-Pierre et Miquelon et une c�te plut�t solitaire, balay�e par des vents violents et difficile � contr�ler. Les gros bateaux veillaient � rester en dehors de la limite des trois milles et les petits bateaux allaient � leur rencontre.

�Les �paves �taient une autre source de revenus et de luxe inattendu � Cap-Rouge. Joseph Denis Muise raconte que lorsque le Catalogue, un voilier qui transportait du rhum de Saint-Pierre-et-Miquelon, sest �chou� en 1931, tous les hommes de la communaut� �taient sur la c�te � laube pour r�cup�rer la cargaison qui atteignait le rivage, le voilier et les corps de deux hommes nont �t� retrouv�s que plusieurs jours plus tard.�

� lire aussi : Apprendre des autres et voyager, le sel de la vie dAur�lie Mari�

Il y a aussi des souvenirs des ann�es de richesse inattendue ; lann�e de la farine en 1874, lann�e de la brique en 1875.

�Il y a plusieurs ann�es, le regrett� L�o (� Dan) Chiasson ma racont� une histoire sur ce quil appelait �lann�e du rhum�. En 1932, Louis (� Dominique) Doucet et son fr�re jumeau, Joseph, de Saint-Joseph-du-Moine, sont tomb�s sur ce quils consid�raient comme un v�ritable tr�sor.�

Ils se promenaient le long de la c�te lorsquils ont remarqu� que des barils flottaient dans loc�an et �taient rejet�s sur le rivage. Curieux, ils ont examin� la sc�ne et ont vite compris quil sagissait de barils de rhum de cinq et dix gallons. Tr�s excit�s, ils ont tent� de r�cup�rer une partie de cette cargaison. Certains des barils s�crasaient contre les rochers et se brisaient.�

Selon L�o�Chiasson, cette histoire est toujours rest�e un peu myst�rieuse. Apparemment, ces quinze � vingt barils de rhum provenaient dun bateau qui a �t� trouv� en mer. Le bateau a �t� ramen� au port de Grand-�tang. Sim�on�Cormier et L�o�Chiasson sen sont occup�. Ils ont d�couvert deux cadavres � bord. Un homme a �t� trouv� dans la cabine de couchage et lautre dans la salle des machines.�

Comme il ny avait pas de Gendarmerie royale du Canada �tablie dans cette r�gion � l�poque, il y a eu peu denqu�tes.�

Le bateau a finalement �t� amen� � Ch�ticamp et dans la partie inf�rieure du bateau, ils ont trouv� plus de ce rhum, dans un compartiment cach�.

On a demand� � L�o de soccuper de lenterrement des d�funts. Il ny avait aucune identification sur eux et personne na revendiqu� ces hommes, donc on ne savait pas sils �taient catholiques ou protestants.�

Cest pour cette raison que les corps nont pas pu �tre enterr�s dans la zone habituelle du cimeti�re Saint-Joseph, mais quils ont �t� d�pos�s dans un coin isol�, parmi ceux o� �taient enterr�s � l�poque les corps en quarantaine et les corps non baptis�s.

�On dit que des membres de la famille sont venus de la r�gion de Sydney, � la recherche de ces hommes. Ils ont demand� quon les d�pouille pour les identifier, mais nont jamais r�clam� les corps.�

�tait-ce les hommes que la famille recherchait? Ont-ils reconnu leurs proches, mais ont-ils eu peur de le faire savoir en raison de lill�galit� li�e � lincident? Malheureusement, comme pour beaucoup dautres histoires, les d�tails disparaissent avec le temps.

C�tait l�poque de contrebande et on disait que ce rhum �tait si puissant quon ne pouvait pas le boire pur. Le commerce du rhum �tait une entreprise dangereuse et � haut risque.�

Ce myst�re nest peut-�tre pas r�solu, mais ce que beaucoup de paroissiens de Saint-Joseph-du-Moine et de Grand-�tang savent par exp�rience, cest que le rhum �tait �plut�t bon� ou, comme nous, Acadiens du comt�, dirions �pas mal bon�!�

Oh, quels tr�sors nos c�tes rec�lent-elles, celui du folklore des pirates et des myst�res des jours pass�s? Peut-�tre que la prochaine fois que nous nous prom�nerons le long du littoral, que nous observerons les bateaux depuis les falaises en regardant la mar�e monter ou que nous nous laisserons tenter par une bi�re de Nouvelle-�cosse, nous pourrons faire travailler notre imagination et entendre les �chos des pirates sur le pont, imaginer le bruit des bateaux immerg�s dans le brouillard ou nos anc�tres se pr�cipitant sur la c�te pour sauver une pr�cieuse cargaison perdue en mer.�

Comme leur l�gende hante nos c�tes, peut-�tre pouvons-nous imaginer un g�n�reux butin cach�, pass� en contrebande, nich� dans notre littoral accident�.�

Avec près de 2 500 milles de littoral, la Nouvelle-Écosse abrite de nombreux secrets : alcôves océaniques et ports cachés. On pense que ces endroits isolés ont donné naissance à la boisson préférée de la province : le rhum. Faisant partie du tissu culturel de la Nouvelle-Écosse, les histoires de rhum et de course au rhum ont été transmises de génération en génération par des récits et des chansons. Les récits sont les plus forts dans nos villes et villages côtiers où la pêche et les traditions de la mer font toujours partie de la vie quotidienne.

IJL-Franco.Presse-Le Courrier de la Nouvelle-Écosse

La Nouvelle-Écosse, dont on dit qu’elle a vu le jour avec les pirates dans les années 1700, est devenue plus connue pour la vente de rhum, car la côte peu peuplée est devenue une halte privilégiée pour les pirates. La contrebande de rhum ou «bootlegging» est une activité illégale qui consiste à transporter ou à faire passer en contrebande des boissons alcoolisées lorsque ce transport est interdit par la loi. 

La contrebande a généralement lieu pour contourner les lois de taxation ou de prohibition dans une juridiction particulière. Le terme «rum-running» s’applique plus communément à la contrebande par voie maritime ; le «bootlegging» s’applique à la contrebande par voie terrestre.

Fait remarquable, les distilleries de la province ont été la première grande industrie de Halifax, avant même la pêche ou la construction navale, ce qui signifie qu’il y avait des produits à partager, notamment avec les États-Unis et leur tristement célèbre Rum Row. 

La prohibition a été abolie dans les années 1930, mais les Néoécossais ont conservé leur relation avec le rhum. Après tout, ils adorent boire, comme le prouve le fait que la province possède les premières brasseries, distilleries et caves artisanales du Canada. Les voyageurs peuvent maintenant avoir un aperçu de ce qui a façonné l’amour de cette province pour le rhum.

Comme dans beaucoup de nos communautés rurales, il existe de nombreux récits de l’époque du rhum, qui dépeignent cette activité. Par exemple, dans le livre Cap-Rouge — Ancien hameau de Chéticamp — Former Hamlet of Chéticamp, un projet de La Société Saint-Pierre, il y a une section intitulée «L’économie illicite». On y parle de l’époque de la contrebande. 

Les habitants de Chéticamp et de Cap-Rouge avaient certains avantages en matière de contrebande : un langage commun avec les fournisseurs de vins fins, de ports et de rhum, les habitants des iles françaises de Saint-Pierre et Miquelon et une côte plutôt solitaire, balayée par des vents violents et difficile à contrôler. Les gros bateaux veillaient à rester en dehors de la limite des trois milles et les petits bateaux allaient à leur rencontre.

 Les épaves étaient une autre source de revenus et de luxe inattendu à Cap-Rouge. Joseph Denis Muise raconte que lorsque le Catalogue, un voilier qui transportait du rhum de Saint-Pierre-et-Miquelon, s’est échoué en 1931, tous les hommes de la communauté étaient sur la côte à l’aube pour récupérer la cargaison qui atteignait le rivage, le voilier et les corps de deux hommes n’ont été retrouvés que plusieurs jours plus tard. 

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Il y a aussi des souvenirs des années de richesse inattendue ; l’année de la farine en 1874, l’année de la brique en 1875.

 Il y a plusieurs années, le regretté Léo (à Dan) Chiasson m’a raconté une histoire sur ce qu’il appelait «l’année du rhum». En 1932, Louis (à Dominique) Doucet et son frère jumeau, Joseph, de Saint-Joseph-du-Moine, sont tombés sur ce qu’ils considéraient comme un véritable trésor. 

Ils se promenaient le long de la côte lorsqu’ils ont remarqué que des barils flottaient dans l’océan et étaient rejetés sur le rivage. Curieux, ils ont examiné la scène et ont vite compris qu’il s’agissait de barils de rhum de cinq et dix gallons. Très excités, ils ont tenté de récupérer une partie de cette cargaison. Certains des barils s’écrasaient contre les rochers et se brisaient. 

Selon Léo Chiasson, cette histoire est toujours restée un peu mystérieuse. Apparemment, ces quinze à vingt barils de rhum provenaient d’un bateau qui a été trouvé en mer. Le bateau a été ramené au port de Grand-Étang. Siméon Cormier et Léo Chiasson s’en sont occupé. Ils ont découvert deux cadavres à bord. Un homme a été trouvé dans la cabine de couchage et l’autre dans la salle des machines. 

Comme il n’y avait pas de Gendarmerie royale du Canada établie dans cette région à l’époque, il y a eu peu d’enquêtes. 

Le bateau a finalement été amené à Chéticamp et dans la partie inférieure du bateau, ils ont trouvé plus de ce rhum, dans un compartiment caché.

On a demandé à Léo de s’occuper de l’enterrement des défunts. Il n’y avait aucune identification sur eux et personne n’a revendiqué ces hommes, donc on ne savait pas s’ils étaient catholiques ou protestants. 

C’est pour cette raison que les corps n’ont pas pu être enterrés dans la zone habituelle du cimetière Saint-Joseph, mais qu’ils ont été déposés dans un coin isolé, parmi ceux où étaient enterrés à l’époque les corps en quarantaine et les corps non baptisés.

 On dit que des membres de la famille sont venus de la région de Sydney, à la recherche de ces hommes. Ils ont demandé qu’on les dépouille pour les identifier, mais n’ont jamais réclamé les corps. 

Était-ce les hommes que la famille recherchait? Ont-ils reconnu leurs proches, mais ont-ils eu peur de le faire savoir en raison de l’illégalité liée à l’incident? Malheureusement, comme pour beaucoup d’autres histoires, les détails disparaissent avec le temps.

C’était l’époque de contrebande et on disait que ce rhum était si puissant qu’on ne pouvait pas le boire pur. Le commerce du rhum était une entreprise dangereuse et à haut risque. 

Ce mystère n’est peut-être pas résolu, mais ce que beaucoup de paroissiens de Saint-Joseph-du-Moine et de Grand-Étang savent par expérience, c’est que le rhum était «plutôt bon» ou, comme nous, Acadiens du comté, dirions «pas mal bon»! 

Oh, quels trésors nos côtes recèlent-elles, celui du folklore des pirates et des mystères des jours passés? Peut-être que la prochaine fois que nous nous promènerons le long du littoral, que nous observerons les bateaux depuis les falaises en regardant la marée monter ou que nous nous laisserons tenter par une bière de Nouvelle-Écosse, nous pourrons faire travailler notre imagination et entendre les échos des pirates sur le pont, imaginer le bruit des bateaux immergés dans le brouillard ou nos ancêtres se précipitant sur la côte pour sauver une précieuse cargaison perdue en mer. 

Comme leur légende hante nos côtes, peut-être pouvons-nous imaginer un généreux butin caché, passé en contrebande, niché dans notre littoral accidenté. 

Le gouvernement des TNO lance deux programmes d’aide financière voués à «assurer la survie» des entreprises des secteurs du tourisme et de l’hébergement, d’ici le retour graduel des voyageurs au territoire. La ministre de l’Industrie, du Tourisme et de l’Investissement, Caroline Wawzonek, en a fait l’annonce en chambre le 4 juin.

Thomas Ethier – IJL – Réseau.Presse – L’Aquilon

Cette annonce survient alors que le gouvernement du Nunavut a annoncé, le 7 juin, l’ouverture de ses frontières aux voyageurs ayant reçu deux doses de vaccins, et ce, sans obligation d’auto-isolement.

En conférence de presse, le 7 juin, la directrice générale de Tourisme TNO, Donna Lee Demarcke, a dit espérer que de tels assouplissements des règles aux frontières seront bientôt annoncés aux TNO. «Nous espérons que ça va se produire très rapidement, a-t-elle commenté. Le tourisme est un marché très compétitif. Le Yukon et le Nunavut ont déjà fait leurs annonces. Espérons que nous ne serons pas trop loin derrière.»

Mme Demarcke dit espérer que le plan d’assouplissement des mesures sanitaires des TNO, qui doit être dévoilé le mercredi 9 juin, comprendra des échéanciers pour les différentes étapes d’assouplissement, dont l’ouverture des frontières aux visiteurs.

En attendant les touristes

«Nous espérons qu’avec ces deux programmes, nos [entreprises de tourisme et nos fournisseurs d’hébergements] auront l’aide nécessaire pour survivre jusqu’à ce que nous atteignions un point où nous ne parlerons plus d’aide et de reprise, mais de stabilité et de croissance», a commenté la ministre Wawzonek, lors du même point de presse.

Désormais, les fournisseurs d’hébergement, dont les installations comprennent trois chambres ou plus, peuvent se tourner vers le Programme de compensation du secteur de l’hébergement touristique pour couvrir certaines dépenses, s’ils ont subi une baisse importante de leur clientèle.

Le Programme prolongé des mesures d’aide liées à la pandémie offre aux exploitants d’entreprise touristique un financement pouvant aller jusqu’à 100 000 $ pour couvrir les couts fixes admissibles. Ces deux programmes, offerts conjointement avec le gouvernement fédéral, via l’agence CanNor, demeurent en place pour le reste de l’exercice financier.

«Les frais fixes ont été un fardeau durant toute la période de restrictions aux frontières, a souligné Mme Demarcke. Pour que les entreprises puissent contribuer à la relance de notre économie, elles doivent pouvoir survivre jusqu’au retour des voyageurs.»

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Destination de choix

Sur le plan de la popularité prochaine des TNO comme destination touristique, les deux intervenantes disent avoir observé des signes prometteurs, laissant croire que les Territoires du Nord-Ouest se distingueront aux yeux des touristes canadiens comme une destination sécuritaire, lorsque les règles le permettront.

«J’ai parlé avec plusieurs ministres des provinces et territoires, a souligné la ministre Wawzonek. Nous avons partagé nos visions d’un retour aux déplacements […]. En indiquant que plusieurs de nos résidents ont hâte de voyager pour voir leur famille, mes homologues des provinces m’ont tout de suite répondu que nous allions nous-même connaitre un boum, que les gens voudront venir aux TNO. Nous devons garder en tête que tout le monde au Canada a également envie de voyager.»

Mme Demarcke a également pu observer un intérêt marqué pour les TNO en tant que destination. La directrice de Tourisme TNO se fonde sur une récente expo-vente virtuelle organisée par Rendez-vous Canada, rassemblant plus de 500 kiosques. «En matière de nombre de visiteurs, nous sommes arrivés en troisième position parmi les 500 kiosques virtuels présents, s’est-elle réjouie. C’est spectaculaire ! Cette donnée nous indique que les gens sont intéressés par les TNO.»

À compter du 14 juin, les voyageurs qui ont reçu leurs deux doses du vaccin pourront entrer au Nunavut sans avoir à respecter une période d’auto-isolement. Le Yukon a déjà mis en place une telle politique en mai.

À l’heure actuelle, aux Territoires du Nord-Ouest, seuls les voyageurs en provenance du Yukon et du Nunavut peuvent être exemptés de l’auto-isolement. Les visiteurs du parc national Wood Buffalo, qui se trouve principalement en Alberta, mais dont l’entrée est située aux TNO, peuvent aussi obtenir une autorisation de circulation pour se rendre dans le parc. Certains exploitants touristiques en secteur éloignés, par exemple des pourvoyeurs, peuvent enfin obtenir une autorisation pour recevoir des voyageurs sans qu’ils aient à effectuer la quarantaine. Dans tous ces cas, on ne demande pas aux voyageurs de fournir d’attestation de vaccination.

 

Juin marque la c�l�bration de la F�te des p�res au Canada. Introduite aux �tats-Unis au d�but du XXe si�cle, cette f�te souligne le r�le important des p�res. Alors que les p�res cisgenres – pour qui le genre ressenti correspond au genre assign� � la naissance – sont facilement associ�s � la c�l�bration, les p�res transgenres binaires – avec une identit� de genre qui diff�re du sexe assign� � la naissance – sont dor�navant ais�ment inclus au groupe. Quen est-il des p�res transgenres non-binaires qui ne se sentent ni strictement homme ou femme?�

Marie-Paule Berthiaume – IJL-R�SEAU.PRESSE-LE FRANCO

Lanimateur et pan�liste du Comit� FrancoQueer de lOuest (CFQO), �manuel Dubbeldam, offre des activit�s de sensibilisation � travers lacronyme de LBGTQ2+ aux �l�ves en milieu francophone minoritaire de lOuest canadien, � leur personnel enseignant et � leurs parents.

Son r�le est dexpliquer les termes lesbienne, gai, bisexuel, transgenre, en questionnement, two spirit ou bispirituel et autres. Il illustre les termes pour son auditoire afin de faciliter leur compr�hension. �On contextualise le genre assign� � la naissance, lexpression de genre et lorientation sexuelle romantique�, �num�re celui qui est �galement membre du conseil dadministration de ce comit�.

�manuel Dubbeldam, tout comme Emmett Lamache, ont eu beaucoup de difficult� � accepter les changements dans leur corps � la pubert�. Cr�dit : courtoisie – Liam Mackenzie

Il explique que le genre assign� � la naissance, �masculin� ou �f�minin�, lest en fonction des organes g�nitaux externes et quil concerne laspect biologique et physiologique comme les hormones et les organes g�nitaux. Lidentit� de genre, en contrepartie, est li�e au ressenti dune personne en tant quhomme, femme ou autre.�

�Pour les personnes non-binaires, lidentit� de genre se retrouve quelque part entre les deux [homme et femme], cest une combinaison ou bien cest quelque chose de compl�tement � part. Il y a plein de sous-identit�s non-binaires mais, en gros, �a se d�finit par le fait de sidentifier en dehors du binaire, homme ou femme du genre, r�sume lhomme transgenre.

La non-binarit�

Emmett Lamache sidentifie comme personne trans non-binaire queer� et il utilise tous les pronoms. Recevant des hormones masculines depuis cinq ans, il a rencontr� suite � sa transition sa femme qui est aujourdhui enceinte. D�s lannonce de la nouvelle, il savait quel serait son r�le dans le noyau familial et quel terme son enfant utiliserait pour le d�signer, soit Papa.�

Emmett Lamache n’a pas lintention de changer son pr�nom l�gal qui est encore �milie. Cr�dit : courtoisie – Emmett Lamache

Mais le r�le quil choisirait aupr�s de ses enfants na pas toujours �t� aussi clair. Tout petit, il r�vait d�j� d’�tre parent. � ladolescence, alors que son corps changeait, il avait de plus en plus de mal � r�concilier sa volont� davoir des enfants et le r�le de m�re qui lui serait impos�.�

Cest seulement en prenant conscience de mon identit� de genre [non-binaire] et en faisant mon coming-out il y a six ans que je me suis rendu compte que c�tait pour �a que je nai jamais �t� int�ress� � �tre m�re mais que javais toujours voulu �tre parent. Je voulais prendre le r�le du p�re. � ce moment-l�, �a a vraiment fait du sens�, partage le Franco-albertain dorigine.�

Le futur papa a toujours �t� attir� par les femmes. Il a dabord tent� dentrer dans le moule de la soci�t� � ladolescence en ayant une relation amoureuse avec un homme pendant un an. Il a ensuite fait son premier d�voilement, par rapport � son orientation sexuelle, � 18 ans en sortant avec une fille.�

Son identit� de genre a �t� plus longue � d�couvrir et � valider comme il navait aucune notion de transidentit�, et encore moins de non-binarit�. Cest en sortant de la communaut� francophone, apr�s avoir gradu� du secondaire, et en c�toyant plus danglophones � luniversit� que jai commenc� � rencontrer des personnes issues de la diversit� de genre dans la communaut� queer dont une qui sidentifiait comme non-binaire. D�s que jai entendu le terme, jai su que cest �a que j�tais. Je me suis dit voil� ce qui explique tant de choses�, lance-t-il en riant.�

Emmett Lamache navigue �entre deux mondes� bien quil ait tendance � avoir une expression de genre plut�t masculine et � remplir des r�les consid�r�s masculins au quotidien. La conceptualisation de son identit� non-binaire est principalement li�e � sa spiritualit�.

Les mots� identitaires: un choix personnel

Pour �manuel Dubbeldam, les mots identitaires homme�, femme�, p�re�, m�re�, oncle� et tante sont des mots personnels. Il donne lexemple des mots identitaires li�s au r�le de grand-m�re. Il y en a qui pr�f�rent �tre appel�es mamie, dautres m�m� ou encore grand-maman.�

Il y en a qui veulent simplement �tre appel�es par leur pr�nom. Ce sont des mots identitaires que lon choisit pour soi-m�me. Quune personne non-binaire sidentifie � un mot li� � ce quelle repr�sente dans sa famille reste sa d�cision. Si une personne trouve que le mot p�re est confortable, tant mieux! �a na aucun effet sur les gens autour delle, � lexception de sa famille en principe, conclut l�ducateur.

Bisexualit�

Le fait de ressentir une attirance envers deux ou plusieurs identit�s de genre.

Transgenre

Le terme d�crit une personne pour qui l’identit� de genre ne correspond pas � son sexe assign� � la naissance.

En questionnement

Une personne qui se questionne sur son identit� de genre et/ou son orientation sexuelle.

Two Spirit ou bispiritualit�

Identit� spirituelle et autochtone qui, selon la personne, peut autant repr�senter une identit� de genre qu’une orientation sexuelle. Ces identit�s varient d’une communaut� autochtone � une autre et d’une personne � une autre. Le terme Two Spirit a �t� d�sign� par les participants du Intertribal Native American, First Nations, Gay and Lesbian American Conference � Winnipeg en 1990 pour repr�senter la communaut� allosexuelle autochtone. Une traduction officielle d�sign�e par un rassemblement semblable n’existe pas en fran�ais, mais « bispiritualit� » et « deux-esprits » sont des traductions commun�ment utilis�es.

 

 

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