«Monsieur le Député», comme certains l’appellent, est bien connu à la Cité francophone d’Edmonton. Dicky Dikamba dirige le CANAVUA, un organisme qu’il a créé il y a 10 ans pour promouvoir le bénévolat en français. Aujourd’hui nommé parmi les 10 lauréats du Palmarès des personnalités influentes de la francophonie canadienne de 2021 nous vous partageons ce portrait publié dans nos pages dans l’édition du 28 mai 2020.
Difficile à Edmonton de passer à côté de Dicky Dikamba. Ce Canadien d’origine congolaise est depuis 2009 à la tête du CANAVUA et de ses mille bénévoles. Élu personnalité du mois de mai par Radio Cité, il s’en félicite. « Je suis très heureux et cela me va droit au cœur ! » Retour sur le parcours de celui que l’on appelle Monsieur le Député.
«Je suis né au Congo, d’une fratrie de 11 enfants», explique-t-il, tout en rendant hommage à sa mère qui a su tenir le foyer d’une main de maître. Son père, lui, est historien et professeur à l’université pédagogique nationale de Kinshasa, «un grand défenseur des droits de l’homme». Dicky se remémore amusé, «très tôt, je suis devenu le parfait petit secrétaire de mon père».
À l’époque, son père créé notamment une organisation non gouvernementale faisant la promotion des droits et libertés académiques. «Je le suivais partout, prenais des notes, envoyais son courrier. À l’occasion, je rencontrais des personnalités charismatiques et baignais donc dans ces valeurs universelles qui aujourd’hui m’accompagnent au quotidien», affirme-t-il.
Le jeune secrétaire est devenu un élève brillant. Après une licence en droit à Kinshasa, il est envoyé en France pour suivre un certificat en droit comparé à l’institut international des droits de l’homme de Strasbourg. «Je n’oublierais jamais mon arrivée en France. C’était la liesse, l’équipe de France venait de gagner le mondial de football 98 !» Un instant d’euphorie, peut-être un peu court…
France, terre d’accueil, terre de défis et d’opportunités
«Là-bas, j’étais un étudiant étranger. J’ai tout repris à zéro. Cela n’a pas été simple !», admet-il. Après son certificat, il s’installe à Tours, et continue son cursus en travaillant de nuit. «J’évoluais dans une clinique, département buanderie. Il fallait survivre !» Bien sûr, ses quatre années universitaires ont été semées d’embûches, mais «pourquoi se plaindre ?» Il sait combien le système éducatif français gratuit lui a été bénéfique.
Diplômé, il grimpe les échelons et devient cadre à l’archivage et l’économat. «C’était un choix réfléchi» explique-t-il, tout en s’excusant d’avance pour la suite : «à l’époque, la France était ainsi… Je savais qu’il serait difficile pour moi de faire la magistrature et le barreau. L’occasion a donc fait le larron !»
Difficile à décourager, il préserve en lui une flamme pour les organismes communautaires et se lance. «Ce fut de courte durée», mais certainement une répétition avant le grand saut. D’Ailleurs, il ne regrette rien et s’autoproclame comme un pur produit du pays. «Jamais je ne cracherais dans la soupe, ma situation était enviable. Il fallait néanmoins lire aussi entre les lignes…» Neuf ans plus tard, il quitte finalement la région tourangelle pour l’Alberta.
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Amour, famille et francophonie minoritaire
«C’était à mon tour de rejoindre Tina, mon épouse. Je savais que le Canada m’offrirait des opportunités et que je pourrais m’y installer en famille», soutient-il, sans oublier ses premiers pas à la Cité francophone. «Arrivé le 2 août 2008, le trois, j’ai proposé mes services de bénévoles à qui voulait bien l’entendre. L’Alliance française et le Centre d’accueil ont répondu présents !»
Souvent dans l’attente, il réalise rapidement la nécessité de créer un organisme qui facilite la promotion et la valorisation des bénévoles. Une idée, un concept, une petite équipe et «le tour est joué !» Il choisit un acronyme anglophone afin de créer des passerelles avec la communauté dominante pour soutenir «la communauté plurielle francophone» et «s’accommoder au milieu» : CANAVUA (Canadian Volunteers United in Action – Volontaires unis dans l’action au Canada). Un choix stratégique qui, depuis dix ans, fait ses preuves.
«Pouvoir tenir un organisme comme le CANAVUA, cela demande un « leadership », mais l’accent doit être mis sur l’aspect social de notre mandat. Il est important de réaliser que durant cette pandémie, nous démontrons la quintessence du bénévolat.» – Dicky Dikamba
Il retient cette belle aventure humaine sans en oublier les petits accrocs. C’est avec un grand sourire, qu’il accepte d’évoquer cette pugnacité qui lui permet «d’ouvrir la porte de gauche si celle de droite est fermée», et ajoute, la main sur le cœur: «sans mon épouse, je ne serais pas arrivé là où je suis !»
Et après…
«La francophonie albertaine est dans la survivance, mais aujourd’hui de nouveaux joueurs arrivent, avec leurs compétences et leurs expertises, laissons leur la place de s’exprimer !» explique-t-il, espérant ainsi voir d’autres chefs de file positifs issus de communautés ethnoculturelles variées.
Gestionnaire visionnaire et hyperactif, il délègue, mais accompagne ses équipes sur tous les terrains. Il s’amuse d’ailleurs lorsque certains l’apostrophent ainsi : «Ah, notre député !» En parlant politique, il souligne l’importance des enjeux de la francophonie. «J’ai connu 4 premiers ministres. Ils sont toujours venus vers moi, preuve qu’ils reconnaissent le travail que l’on fait, et ce, peu importe la couleur !», se délecte-t-il, en laissant planer le doute sur l’avenir.
«Le CANAVUA est une institution que nous léguons à la postérité ! J’ai une très belle équipe qui m’entoure. Le moment venu, Dicky partira, un autre prendra sa place avec sérénité», assume-t-il, sans réellement verbaliser ses aspirations politiques. L’avenir nous le dira certainement…