Tout a commencé par de simples balades et randonnées autour de chez elle. Puis, de fil en aiguille, ces petites échappées se sont transformées en grandes expéditions. Après s’être aventurée au Pérou et en Bolivie, Pascale Marceau change complètement de cap et part à la découverte du Groenland.
Chloé Liberge
IJL – Réseau.Presse – Le Franco
IJL – Réseau.Presse – Le Franco
Originaire d’Ottawa, l’exploratrice qui vit maintenant dans les Rocheuses canadiennes, à Canmore, est passionnée de ski de randonnée et d’alpinisme. D’ailleurs, la majorité de ses projets sont des défis plutôt rafraîchissants, voire frigorifiants. «J’ai découvert au cours des années que j’adore le froid, l’hiver, les couleurs et les sons de la neige.»
C’est ainsi qu’elle décide de prendre la route pour le Groenland avec deux partenaires d’exploration, Jayme Dittmar, originaire de Fairbanks en Alaska, et Scott Cocks, d’Ottawa. Leur projet : «découvrir la culture, puis le monde. On croit beaucoup à l’idée de vivre simplement avec très peu».
«On croit beaucoup à l’idée de vivre simplement avec très peu.» Pascale Marceau
Une devise qui colle bien à leur destination puisque dans le petit village de Qaanaaq, il faut tout faire soi-même. Cette localité, la plus au nord du territoire groenlandais, se trouve à cinq heures d’avion de la capitale, Nuuk.
Et là-bas, pour avoir de l’eau, il faut aller la chercher. Tous les matins, équipés de carabines, des chasseurs d’icebergs prennent le large. Une fois la masse flottante trouvée, les coups de feu résonnent pour faire céder la glace. Celle-ci est ensuite emmaillotée dans un filet et hissée sur le bateau afin d’être transportée jusqu’au village.
Chaque jour, l’aventurière se munit de son couteau et part récupérer son bloc de glace. Elle le ramène ensuite dans sa maison de bois où il servira, entre autres, pour faire la cuisine. Le régime alimentaire est totalement différent de ce que l’on pourrait trouver dans la province albertaine ou, du moins lorsque l’on vit dans le confort d’une ville.
Phoques, ours polaires et baleines font partie de ces mets traditionnels du peuple inuit qui se mangent habituellement crus pour conserver les acides gras essentiels à la subsistance des grands froids. Et tout ce que les humains ne mangent pas est donné aux chiens. Pascale explique, «ici, il n’y a pas un morceau de gaspillé, même la peau. Je me suis fabriqué des mitaines avec la peau de phoque».
«Je me suis fabriqué des mitaines avec la peau de phoque.» Pascale Marceau
Mais ce n’est pas la seule différence culturelle qu’elle a dû affronter. Arrivés au Groenland à la mi-janvier en pleine nuit polaire, les explorateurs n’ont pas aperçu le soleil pendant un mois. Celui qui avait disparu à la fin octobre les a salués à nouveau en février. Pascale se remémore avec joie le jour où le soleil est apparu. «C’était toute une expérience juste de revoir son ombre pour la première fois.»
La migration de Qitdlarssuaq, une histoire qu’il ne faut pas oublier
Après plusieurs semaines à Qaanaaq, la construction du traîneau à chiens terminée et l’entraînement des canidés accompli, il est temps de partir. Direction Anoritôq, plus au sud, pour la deuxième partie de l’expédition. L’objectif est simple : suivre les traces de la migration de Qitdlarssuaq.
Selon la légende, cette migration débute au milieu du XIXe siècle avec la vision d’un chaman inuit nommé Qitdlarssuaq. Il voit au Nord un monde semblable au sien. Il quitte alors l’île de Baffin accompagné d’une cinquantaine personnes de son clan. Le groupe voyagera pendant dix ans avant d’arriver au nord-ouest du Groenland où ils font la rencontre des Inughuits (Inuits du cercle polaire). Malheureusement, cette population est presque éteinte. Qitdlarssuaq et ceux qui l’ont suivi vont alors leur enseigner de nouveau les gestes traditionnels à la survie tels que la chasse, la pêche ou la fabrication d’arcs.
Pour Pascale, c’est une histoire importante pour les Inuits. «Notre projet, c’était de venir pour leur parler du sujet, de l’histoire et de leur descendance et, finalement, de refaire le trajet que le chaman avait voulu faire avant de mourir.» Ainsi, l’attelage de chiens les amènera au bord du détroit de Smith. De là, les trois explorateurs chausseront leurs skis pour un voyage de 1200 kilomètres, allant du Groenland au Canada.
De mésaventure en mésaventure
Comme Pascale le dit si bien, «les grosses aventures, ça ne se passe pas toujours comme prévu». Malheureusement pour eux, à cause du réchauffement climatique, la glace a fondu. Une situation exceptionnelle qui semble aujourd’hui devenir la norme, et ce, de plus en plus tôt dans l’année, selon elle.
La voie traditionnelle pour se rendre au sud du Groenland est donc devenue inaccessible. Les aventuriers ont dû changer de cap et franchir un autre glacier beaucoup plus raide. Mais là aussi, l’absence de neige a provoqué la formation de crevasses difficiles à passer. «Avec les traîneaux à chiens, ce n’était vraiment pas possible. On forçait, on poussait pour se déplacer, mais on tombait dans un autre trou. Donc, on a rapidement réalisé qu’on ne pouvait plus continuer.»
Ils décident alors d’abandonner l’équipe de chiens et de commencer leur périple en ski, à 80 kilomètres de leur point de départ. Un malheur n’arrivant jamais seul, l’équipe rencontre un énorme blizzard et réalise qu’elle ne peut pas s’aventurer plus loin. «Les tempêtes sur la calotte glaciaire, ce n’est pas une place où l’on veut passer du temps, car les vents peuvent être vraiment très élevés. Il faisait super froid. On ne pouvait pas arrêter de se déplacer, même pour boire ou faire pipi.» Une difficulté presque insurmontable pour Pascale et ses coéquipiers.
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Après cette mésaventure, ils décident de faire demi-tour et de retourner au village de Qaanaaq. Ils réfléchissent actuellement aux options pour la suite de leur voyage. Tenter à nouveau l’expérience avec un glacier différent, ou alors attendre un mois que la couche de neige soit fondue. La deuxième alternative semble plus probable pour l’exploratrice qui reprend des forces. «Ici, on a l’impression d’être dans les tropiques alors qu’il fait -20», s’amuse-t-elle.
Un voyage qui restera inoubliable
Mais Pascale garde le sourire. Son expédition n’a pas encore touché à sa fin et elle a déjà énormément appris. L’une des choses qui l’émerveillent est la façon dont les humains sont capables de s’adapter à leur environnement. Le froid est vite oublié, la nouvelle maison devient un foyer. «Ça devient naturel tellement rapidement. C’est quelque chose que je souhaite à tout le monde, lorsqu’on se déplace et qu’on a de l’incertitude, de voir à quel point on peut vite s’adapter.»
Dans la société inuite, le rôle du chaman est d’assurer le bien-être de la communauté et de rappeler à tous l’obéissance des rituels. Il est également le seul à voir et à contacter les esprits de la nature. De nos jours, son rôle s’amenuise à cause de l’évolution de la société et de la diminution du nombre d’individus vivant de manière traditionnelle dans le Grand Nord.
Sur son blog, Pascale partage ses moments de vie en expédition. Elle utilise YouTube comme un journal de bord pour partager ces moments particuliers et les conserver. «Par exemple, on a vu des traces de lapin assez haut sur la calotte glaciaire, ce qui était vraiment surprenant. Donc c’est juste pour noter ces moments-là.» Pour en savoir plus sur son aventure : pascalemarceau.com
Avec une superficie totale de plus de 2 166 000 km², le Groenland est la deuxième plus grande île du monde, derrière l’Australie. Le Groenland doit sa renommée à sa calotte glaciaire de près de 3 000 mètres d’épaisseur. Pour en apprendre davantage sur le Groenland : axl.cefan.ulaval.ca/amnord/groenland.htm