Intentées en justice par l’ACFA le 17 août 2020, la province et l’Université de l’Alberta avaient déposé une motion pour faire radier de la poursuite les allégations de violation de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Pour les parties défenderesses, ces accusations étaient «vouées à l’échec et ne devaient pas faire l’objet d’un procès».
Cependant, la juge de la Cour du Banc du Roi, April Grosse, ne l’a pas reconnu ainsi. Dans son jugement rendu le 14 septembre dernier, elle énonce la possibilité qu’il y ait un lien entre le financement précaire du Campus Saint-Jean et la pénurie de personnel dans les écoles élémentaires et secondaires francophones de la province.
Cela démontre que les parties défenderesses devront prendre au sérieux les accusations et aller se défendre contre les allégations de violation de l’article 23 de la Charte. L’ACFA, quant à elle, devra prouver leur véracité au cours de la procédure judiciaire.
«Nous sommes très contents de la décision de la Cour du Banc du Roi. Ça fait plus de deux ans qu’on patauge dans des motions préliminaires», déclare le vice-président de l’ACFA, Pierre Asselin. L’ACFA espère toutefois que la province ne déposera pas de nouvelles motions, ce qui pourrait encore retarder la procédure judiciaire.
Avec ce jugement, l’ACFA souhaite trouver rapidement une solution politique à ce litige. Plus précisément, elle voudrait que la décision de la juge Grosse mène à des négociations avec la province et l’Université de l’Alberta afin de trouver une solution permanente au financement du Campus Saint-Jean.
M. Asselin souligne que l’argent des parties défenderesses serait mieux investi dans le fonctionnement du Campus Saint-Jean que dans la poursuite. Cela dit, si une entente n’est pas trouvée, Pierre Asselin et Me Mark Power, l’avocat de l’ACFA et associé de Juristes Power Law, unissent leur voix et affirment qu’ils seront prêts pour la suite des procédures judiciaires.
Comme ils sont de fervents défenseurs de l’article 23 de la Charte, les conseils scolaires Centre-Nord, Centre-Est, Nord-Ouest et FrancoSud sont devenus, à l’automne 2021, codemandeurs dans la poursuite judiciaire, au même titre que l’ACFA.
Ils accusent, eux aussi, le gouvernement provincial et l’Université de l’Alberta d’avoir créé une situation financière précaire au Campus Saint-Jean en violant l’article 23 de la Charte et le principe constitutionnel de la protection des droits des minorités.
D’ailleurs, avant de rendre son jugement, la juge Grosse avait pris connaissance de l’ajout des quatre conseils scolaires dans la poursuite, mais «elle a pu trancher en faveur de l’ACFA sans tenir compte de leur présence», explique Me Power.
Leur rôle sera toutefois important lors de l’étape préliminaire du procès. En effet, l’avocat de l’ACFA souligne que la preuve concernant l’article 23 sera directement apportée par les conseils scolaires francophones.
«Ils aideront à documenter fidèlement les problèmes d’aujourd’hui, mais aussi historiques des établissements scolaires et les besoins non comblés en matière de ressources humaines. La juge pourra ensuite mesurer l’écart entre les besoins objectifs et véritables de la main-d’œuvre formée par le Campus Saint-Jean», mentionne Me Power.
Dans la poursuite, l’ACFA accuse également la province et l’Université de l’Alberta d’avoir violé l’entente qu’ils ont signée en 1976 avec les Oblats, les fondateurs du Campus Saint-Jean. Cette entente engage les parties à assurer le développement de l’éducation francophone en Alberta.
Au moment d’écrire ces lignes, le gouvernement provincial et l’Université de l’Alberta n’ont pas encore dévoilé la suite de leurs actions. En raison de la procédure judiciaire en cours, les deux parties ont décliné les demandes d’entrevue faites par la rédaction.
Toutefois, le ministre de l’Éducation postsecondaire, Demetrios Nicolaides, a indiqué à la rédaction, par courriel, avoir hâte de poursuivre les discussions avec l’ACFA et avec l’Université de l’Alberta afin d’essayer de trouver une solution concernant le sous-financement chronique du Campus Saint-Jean. Celles-ci se poursuivront au cours du mois d’octobre.
«L’ACFA tient très fort à défendre les droits linguistiques dans notre communauté et on ne lâchera pas», termine Pierre Asselin.
Si la francophonie peine à faire sa place dans la province, un lieu préserve tous ses secrets depuis plus d’un siècle. Étudiants ou chercheurs du Campus Saint-Jean ou simple curieux, la porte des Archives provinciales de l’Alberta (APA) vous est ouverte pour mieux connaitre l’Alberta et son passé.
Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco
Dans les vingt voûtes documentaires des Archives provinciales de l’Alberta est localisée la «mémoire documentaire» de la province albertaine. Selon Kate Lazure, archiviste de documents privés à l’APA, si tous les documents seraient placés l’un à côté de l’autre, ils feraient 57 kilomètres de long.
D’ailleurs, l’APA permet aux francophones de retracer leur histoire dans l’Ouest canadien. Elles possèdent, entre autres, des documents d’organismes, tels que l’école de danse La Girandole, L’UniThéâtre et votre journal Le Franco, autrefois appelé La Survivance, ainsi que des collections de particuliers comme les familles Lamoureux et Maisonneuve.
L’une des plus grandes collections francophones est celle de la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée, ces missionnaires catholiques qui ont joué un grand rôle dans la fondation de la province albertaine. Elle contient entre autres 341 mètres de texte, 102 000 photographies, 2 800 diapositives, 558 disques audio et 610 plans architecturaux.
Toute cette documentation est «la preuve que les francophones étaient ici dans le passé, qu’ils sont encore ici et qu’ils vont encore être présents dans le futur», souligne Kate Lazure.
«La preuve que les francophones étaient ici dans le passé, qu’ils sont encore ici et qu’ils vont encore être présents dans le futur.» Kate Lazure
Comme son nom l’indique, l’APA, contrairement aux autres institutions d’archives de la province, rassemble tous les documents produits par le gouvernement albertain. «Ceux qui sont les plus utilisés sont notamment des actes de naissance datant de 120 ans ou plus, des actes de mariage datant de 75 ans ou plus et des actes de décès datant de 50 ans ou plus», énumère Mme Lazure.
C’est dans le cadre d’un projet universitaire sur l’histoire de la francophonie dans l’Ouest canadien que deux étudiants du Campus Saint-Jean, Julia Fabbro-Smith et Ahdithya Visweswaran, se rendent aux APA pour consulter les archives. Leur sujet traite de l’Académie Assomption, un couvent catholique francophone pour filles qui a été créé par la congrégation des Sœurs de l’Assomption de la Sainte-Vierge et qui était situé à Edmonton, de 1926 à 1972.
C’est dans une ambiance presque monastique que les étudiants peuvent découvrir ses trésors patrimoniaux. Avant de rentrer dans la salle de lecture, les deux étudiants doivent laisser leurs effets personnels à l’entrée. Ils n’ont le droit d’apporter que crayon de plomb, papier et téléphone cellulaire qui, lui, doit être mis en mode silencieux.
Ils sont accompagnés d’un archiviste qui leur explique la méthode à suivre pour effectuer la demande de documents. Ils doivent décider des documents qu’ils veulent consulter en parcourant le site web de l’APA et «remplir une petite fiche pour chaque document qu’on veut consulter», relate Ahdithya Visweswaran.
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Par la suite, l’archiviste est le seul habilité à aller chercher les documents dans ce sanctuaire et les met à disposition dans la salle de lecture. «Nous avons attendu de 30 à 40 minutes», raconte l’étudiant.
Toutefois, pour éviter le temps d’attente, la demande de document peut se faire en ligne avant la consultation. En contactant un archiviste à l’avance, les documents désirés seront prêts le jour de la visite, indique Kate Lazure. L’archiviste aura juste à les présenter au demandeur.
Les premières boîtes que Ahdithya Visweswaran et Julia Fabbro-Smith ouvrent ne contiennent pas de documents reliés à l’Académie Assomption. Néanmoins, avec de la patience, «nous sommes arrivés aux boîtes spécifiques où nous avons trouvé toutes nos informations», relate Julia Fabbro-Smith, très satisfaite.
«Il y avait des boîtes et des boîtes [de documentation] sur l’Académie Assomption», dit Ahdithya Visweswaran, comparant l’APA à un coffre à trésor. Ils dépoussièrent les archives du couvent tels que des photographies, des annuaires, des pamphlets publicitaires de l’école et des articles de journaux. Tous des documents originaux.
«On était dans la salle avec l’Histoire elle-même. C’est excitant!» Ahdithya Visweswaran
Le jeune duo francophone a adoré son expérience aux Archives provinciales de l’Alberta. «On était dans la salle avec l’Histoire elle-même. C’est excitant», se remémore Ahdithya Visweswaran. Julia Fabbro-Smith ajoute : «Je me sentais comme une vraie chercheuse en voyant les documents de l’Académie Assomption sous mes yeux!»
Pour plus d’information : provincialarchives.alberta.ca
La problématique de l’itinérance est «la priorité numéro un» du nouveau maire d’Edmonton, Amarjeet Sohi. En ce début de mandat, il espère offrir aux personnes itinérantes un lieu pour dormir au chaud pendant la saison hivernale, tout en envisageant des stratégies à long terme.
Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau-Presse – Le Franco
Selon Homeward Trust Edmonton, un organisme de services sociaux, le nombre de personnes itinérantes ne cesse d’augmenter à Edmonton. En janvier 2021, la ville comptait 1808 sans-abris. Mais lorsque Amarjeet Sohi est devenu maire en octobre dernier, ils étaient désormais 2784 à vivre dans la rue… et le 20 décembre, 2963! Une croissance exponentielle préoccupante pour le nouveau maire d’Edmonton.
Déjà en octobre 2020, les refuges manquaient de places, leur capacité d’accueil étant limitée à 70% en raison des mesures sanitaires imposées par la pandémie. Parallèlement, rien n’avait été mis en place par la Ville d’Edmonton pour aider les sans-abris à l’approche de la saison froide.
Dès son entrée en fonction, Amarjeet Sohi prend connaissance de l’urgence du dossier. «C’est la première chose dont je me suis occupé dans l’administration de la ville puisque chaque Edmontonien doit avoir une place au chaud et rester en sécurité cet hiver.»
«Chaque Edmontonien doit avoir une place au chaud et rester en sécurité cet hiver.» Amarjeet Sohi
Le 3 novembre suivant, le maire rencontre le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney. Ils font une analyse de la situation pour trouver des solutions à court terme. Le 17 novembre, le gouvernement provincial annonce un financement de 13 millions de dollars pour la mise en œuvre de mesures d’urgence pour les personnes sans domicile. Mille deux cents places sont alors créées dans les refuges à Edmonton.
Ces fonds ont aussi permis d’ouvrir, le 16 décembre dernier, un refuge temporaire situé au Commonwealth Stadium, le lieu de résidence de l’équipe de football les Elks. Accessible jour et nuit, il accueille 200 personnes et offre des services de santé et d’accompagnement pour les personnes vivant des problèmes de dépendance.
Bien qu’il soit situé à 30 minutes de marche du centre-ville, le refuge au Commonwealth Stadium est, selon Christel Kjenner, la directrice du service «logement abordable et itinérance» de la Ville d’Edmonton, un bel emplacement puisqu’il est localisé près d’une station de métro. Un métro qui n’est néanmoins pas gratuit pour les itinérants.
De plus, le Commonwealth Stadium «offre un meilleur design» que le Edmonton Convention Centre qui avait servi de refuge l’année dernière. Christel Kjenner indique que l’accessibilité aux infrastructures est aujourd’hui beaucoup plus sécuritaire.
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Le nouveau maire d’Edmonton sait que «les refuges temporaires ne sont pas la solution à la problématique de l’itinérance». Néanmoins, à très court terme, ils doivent assurer la sécurité des personnes vivant dans la rue en leur offrant un endroit pour rester au chaud et pour prendre une douche.
Il est d’ailleurs conscient que les personnes sans-abris n’aiment pas aller dans les refuges. La cohabitation est difficile en raison des problèmes de commodités des itinérants. Toutefois, Amarjeet Sohi indique que la Ville travaille notamment en collaboration avec le personnel du refuge au Commonwealth Stadium pour s’assurer que les personnes «se sentent à l’aise d’y venir».
Par contre, pour éviter d’y dormir, certains préfèrent faire du camping d’hiver près de la River Valley. Le maire déclare que cette alternative n’est pas sécuritaire puisqu’ils n’ont accès à aucun service. «Il n’y a pas de toilettes publiques disponibles ni d’endroit où prendre une douche.» Il n’a d’ailleurs pas l’intention de fournir des installations aux sans-abris pour leur permettre de dormir à l’extérieur.
Malgré tout, Christel Kjenner indique que la Ville d’Edmonton garde l’œil sur eux. Des équipes d’intervention sont présentes sur le terrain pour venir en aide à ces personnes.
À long terme, Amarjeet Sohi précise vouloir obtenir plus de logements permanents afin d’aider les itinérants à sortir de la rue. Il veut que tout le monde dans la ville ait «un logement décent qu’il puisse appeler chez soi».
«Je prends mes responsabilités très au sérieux.» Amarjeet Sohi
Il souligne travailler aussi pour que les itinérants puissent accéder à des programmes de soutien à la santé mentale et pour vaincre la toxicomanie, ainsi qu’en collaboration avec la province, pour trouver d’autres solutions aux problèmes de l’itinérance. «Je prends mes responsabilités très au sérieux.»
Estimation du nombre d’itinérants à Edmonton
Brandon Kelm, spécialiste des communications marketing de Homeward Trust Edmonton, explique que les personnes sans-abris doivent s’inscrire à un système d’accès coordonné pour obtenir des services d’aide au logement. Ce système agit également comme une liste communautaire permettant d’estimer le nombre d’itinérants à Edmonton. Toutefois, les personnes non inscrites ne sont pas comptabilisées dans les estimations de Homeward Trust Edmonton.
Le 13 septembre marquera un nouveau chapitre pour la ville de Brooks : l’ouverture de sa première garderie francophone. Avec une capacité d’accueil de 16 places, elle sera située dans un établissement temporaire pour la prochaine année et déménagera dans la nouvelle construction de l’école Le Ruisseau en 2022.
Gabrielle Beaupré
IJL – Franco.Presse – Le Franco
Pour Mélanie Meyer, présidente de la Société de parents de l’école Le Ruisseau à Brooks, ce projet n’aurait pas été possible sans l’aide de la Fédération des parents francophones de l’Alberta (FPFA).
Ensemble, ils ont rédigé la demande de financement au gouvernement pour obtenir la garderie. Lorsque la subvention de 25 300$ du gouvernement de l’Alberta leur a été octroyée, un local a été trouvé par les deux organismes.
Aujourd’hui, leur collaboration continue puisque la FPFA leur donnera un coup de main dans la gestion de celle-ci. «On est présent notamment pour aider la Société des parents pour notamment recruter les enfants, explique Valérie Deschênes, directrice adjointe aux services de garde, mais c’est à eux que la garderie appartient et qui vont prendre les décisions.»
Les deux femmes se disent très contentes de l’ouverture de la garderie puisqu’elle permettra aux enfants de bas âge de baigner dans la francophonie. Valérie Deschênes martèle : «Ils vont pouvoir apprendre et pratiquer leur français temps plein».
La présidente de la Société de parents de l’école Le Ruisseau est aussi enthousiaste. Selon elle, les jeunes ayant fréquenté la garderie francophone auront une longueur d’avance lorsqu’ils commenceront leur parcours scolaire dans la francophonie. «Ils vont avoir du vocabulaire et comprendront les consignes [donnés par les enseignants notamment]».
Appelée Les P’tits Trésors, la garderie reprend le nom de la prématernelle qui, quant à elle, est transférée à l’école Le Ruisseau au même endroit que le nouveau jardin d’enfants.
Mélanie Mayer aurait elle-même adoré bénéficier du service de garderie francophone lorsque ses enfants étaient à l’âge préscolaire. Native du Québec, elle a à cœur sa langue maternelle.
Cependant, comme la garderie francophone n’existait pas encore à Brooks, son alternative a été d’inscrire ses enfants dans un jardin d’enfants anglophone. En la côtoyant, elle se rappelle : «Ils ne voulaient plus parler en français».
Sa solution pour contrer cette problématique a été de les envoyer à la prématernelle à l’âge de trois ans. «Ils étaient encore petits, mais je voulais qu’ils y aillent parce que je voulais qu’ils parlent français.»
Au moment d’écrire ces lignes, la garderie a reçu cinq inscriptions. Valérie Deschênes indique qu’aucune publicité n’a été faite pour le moment puisque leur concentration s’est portée aux préparatifs de l’ouverture. Elle affirme : «Nous allons prendre les inscriptions tout au long de l’année jusqu’à ce que la capacité soit pleine»
Membre à part entière de la francophonie albertaine, Ghislain Bergeron a longtemps souffert de difficultés de langage liées à des problèmes d’élocution. Aujourd’hui, il revient sur ce parcours qui lui a fait connaître l’insécurité linguistique. Une situation qui ne surprend pas Andrea MacLeod, professeure en sciences et troubles de la communication de l’Université de l’Alberta.
Âgé maintenant de 79 ans, Ghislain Bergeron a appris qu’il bégayait lors de sa première journée d’école. «On nous a demandé de dire notre nom.» Le prononcer devant ses camarades a été très pénible pour lui. «Le lendemain, je ne voulais pas aller à l’école», se remémore-t-il, avec une voix tremblante.
De cet instant, jusqu’à l’université, parler devant la salle de classe a toujours été une torture. Il raconte que lorsque «la maîtresse nous demandait d’ouvrir nos livres et de lire chacun un paragraphe», tout le monde savait qu’il n’allait pas être capable, lui le premier.
Sinon, il parlait «le moins possible». Il indique tout de même que personne ne s’est jamais moqué de lui pendant son parcours scolaire. En effet, il s’assurait d’exceller dans toutes les matières. «On ne rit pas du meilleur élève.»
À l’université, le jeune homme a demandé à ses professeurs de ne pas lui poser de questions pendant les cours. «Je n’en étais plus capable. J’avais beaucoup de misère à parler.» D’abord réticents à sa requête, ils ont accepté avec compréhension.
Ghislain Bergeron a finalement décidé de consulter un orthophoniste pour la première fois à l’âge de 23 ans. Il a alors suivi une thérapie de modification du bégaiement (stuttering modification therapy) auprès du Dr Charles Van Riper, à l’Université de Kalamazoo, au Michigan (États-Unis).
Cette approche consistait à bégayer à l’extrême afin de «s’en tanner». Après un mois, sa parole était fluide. «Quand je suis revenu à la maison, c’était un miracle!» Malheureusement, après un certain temps, ses problèmes d’élocution reviennent. Le travail qu’il a fait sur sa voix au sud de la frontière s’était estompé. «J’ai commencé à me sentir caler dans le sable mouvant», raconte-t-il, les yeux mouillés.
Avec le temps, M. Bergeron a développé de nombreuses astuces pour ne pas parler en public. Lorsqu’il allait dans un magasin, il s’assurait toujours d’avoir de petites fiches explicatives avec lui afin d’éviter de parler aux employés. Sur celles-ci, «il était écrit d’avance ce que je voulais et je leur montrais».
Dans les réunions, afin de ne pas avoir à se présenter au début des rencontres, il avait pris l’habitude de se placer à un endroit où il peut s’esquiver à la salle de bain lorsque son tour vient. «Je l’ai fait une centaine de fois», s’esclaffe-t-il. Sa peur de parler en public reste aujourd’hui présente.
L’orthophoniste et professeure au département des sciences et troubles de la communication de la faculté de médecine de réadaptation de l’Université de l’Alberta, Andrea MacLeod, explique que la peur de parler en public est liée aux expériences négatives vécues dans le passé.
La personne qui bégaie ne veut pas revivre les événements à perpétuité. Elle ajoute que la personne qui bégaie a l’impression que son interlocuteur «a une attente particulière et craint que celle-ci ne soit pas patiente [vis-à-vis d’elle] et ne l’écoutera pas».
Néanmoins, Ghislain Bergeron, dans ses temps libres, pousse la chansonnette. Pour lui, chanter, même en public, ne le dérange pas. «Je n’ai jamais bégayé puisque je fais exactement ce qu’il faut faire. Respirer et prendre un rythme.»
Membre de la scène musicale albertaine depuis la fin des années 1950, il continue à se produire en spectacle à l’aube de ses 80 ans. Il a d’ailleurs participé au Galala Après-Dark, un événement de musique amateur organisé par le Centre de développement musical (CDM), en interprétant la chanson ayant pour titre Et maintenant, que vais-je faire?
Andrea MacLeod explique que «le chant amène une parole fluide puisque le rythme de celle-ci est géré par la musique». De plus, le chant n’induit pas la spontanéité du langage parlé ni son stress. «C’est quelque chose qui détend et qui amène un plaisir.»
Il y a encore 12 ans, Ghislain Bergeron n’aurait jamais été capable de discuter de son bégaiement. «C’était un sujet trop difficile», dit-il en prenant une grande respiration, tout en laissant couler une larme sur sa joue. «La voix est vue comme une différence, alors c’est un défi d’en parler [publiquement] puisque [l’interlocuteur] l’entend», note Andrea MacLeod.
L’addition de plusieurs événements marquants dans sa vie au cours de l’année 2010 a changé ses craintes. Elles sont devenues un atout. Ainsi, le fondateur du bureau de comptabilité Bergeron & Co se rappelle avoir discuté pour la première fois avec deux jeunes bègues en les rassurant, «vous pouvez avoir du succès dans la vie même avec ce problème-là».
Parallèlement, Joël F. Lavoie, le directeur général de La Fondation franco-albertaine, a invité Ghislain Bergeron à le seconder lors de conférences afin qu’il partage son expertise en comptabilité. Malgré son insécurité linguistique, M. Bergeron passe auprès de la communauté comme un philanthrope et une figure de crédibilité appréciée de tous.
Par la suite, Joël F. Lavoie lui a proposé la présidence de La Fondation, rôle qu’il a occupé de 2010 à 2016. Pour lui et les membres du conseil d’administration, il était la meilleure personne pour ce poste. Et son problème d’élocution? «Pour moi et la majorité des gens, ce n’était pas un problème. C’est plus lui que ça dérangeait que les personnes autour de lui», relate Joël F. Lavoie.
M. Lavoie raconte qu’au début, lorsque Ghislain Bergeron a accepté la présidence, il ne voulait pas parler publiquement. De plus en plus, il prend confiance en lui et prend la parole lors des événements de La Fondation franco-albertaine. «Il a inspiré beaucoup de personnes.»
La diminution drastique du déficit de l’ACFA régionale d’Edmonton s’explique par la vente de son véhicule de fonction et des revenus générés par certaines de ses activités telles que le Camp Soleil et le spectacle de Fred Pellerin lors du Coup de cœur francophone.
Ceci n’aurait pas pu se faire sans le soutien de son comité de finances qui a aidé la régionale à revoir toutes ses dépenses et activités afin qu’aucune ne soit déficitaire. Ce comité créé en juin dernier est composé d’Isabelle Laurin, la directrice générale de l’ACFA, d’Étienne Alary, directeur général du Conseil de développement économique de l’Alberta, ainsi que d’Alain Bertrand et de Pénélope Gaultier, le président et la trésorière de l’ACFA régionale d’Edmonton.
Parallèlement, et contrairement à l’année dernière, la demande de remboursement octroyée par l’Alberta Foundation for the Art pour le festival Edmonton Chante a été envoyée à temps. L’événement «nous a coûté beaucoup moins cher, donc il nous a aussi aidés à diminuer un peu le déficit», indique Alain Bertrand.
D’ailleurs, si les finances vont bon train et que la régionale est capable de générer un excédent financier de 12 000$ à 20 000$ par année, le comptable Pierre Bergeron prévoit qu’elle sera de nouveau bénéficiaire d’ici cinq ans et que les pertes accumulées de 91 158$ ne seront plus qu’un mauvais souvenir.
Pierre Asselin, vice-président de l’ACFA et membre de la régionale, considère que l’année 2021 a été «une très belle année» pour la régionale. «Les membres du conseil d’administration ont bien compris l’ampleur de la problématique» en relevant leurs manches pour freiner l’hémorragie financière.
Toutefois, il s’inquiète toujours pour la pérennité de l’organisme. «Le déficit qui s’est accumulé au fil du temps fragilise la régionale. L’inquiétude plane encore. Elle a été exceptionnelle, mais il faut être réaliste puisque ça ne sera pas toujours comme ça».
Pour permettre à l’ACFA régionale de retrouver son équilibre, «l’aide du conseil d’administration sera cruciale», souligne M. Asselin. Ses membres devront, entre autres, veiller au respect et au maintien des budgets de chaque activité. Seul bémol, comme les administrateurs bénévoles de l’organisme changent fréquemment, ils devront reprendre les dossiers là où ils ont été laissés et continuer le travail.
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Néanmoins, pour 2022-2023, le conseil d’administration de l’ACFA régionale d’Edmonton restera le même que l’année précédente. En effet, les trois personnes qui étaient en élections ont été réélues lors de l’assemblée générale annuelle. Ainsi, Alain Bertrand, Brigitte Étien, Suzanne Lamy-Thibaudeau, Pénélope Gaultier, Rudy Dongmo, Lisette Trottier, Bruno Gagné-Gauthier et Akorfa Mawutor continueront le travail déjà entamé.
Lorsqu’il porte un regard sur les événements proposés par l’ACFA régionale d’Edmonton, Alain Bertrand est fier de dire que l’organisme est à l’écoute de sa communauté. Lors de l’assemblée générale de 2019, la communauté a mentionné que le festival Edmonton Chante mettait trop de l’avant les artistes québécois.
Alors, pour la dernière édition qui s’est tenue en septembre 2021, la lumière a été mise sur les artistes franco-albertains et sur un seul musicien provenant du Québec, Maxime Lapointe. Ce dernier était le demi-finaliste du Festival international de la chanson de Granby de 2020. Et pour la première fois de son histoire, un spectacle du festival a été présenté dans la ville de Beaumont. «Ce fut un bon succès et nous avons l’intention de le faire encore cette année.»
Cet été, le Camp Lusson rouvrira ses portes après deux ans d’absence et l’ACFA régionale d’Edmonton tiendra également son Camp Soleil. Puis, en novembre prochain, le Coup de cœur francophone sera de retour à Edmonton, l’artiste à l’affiche devant être dévoilé sous peu.
Le monde des drag queens explore toute une palette de personnalités. «Il y a des personnificateurs féminins ainsi que masculins», évoque la drag queen Lady Tenderflake. Plus fréquemment, les hommes empruntent temporairement une identité féminine, mais parfois, c’est l’inverse. Ce sont des femmes qui enfilent le genre masculin de façon volontaire.
Lady Tenderflake est l’alter ego de Gilbert Drapeau, un homme qui se dit timide dans la vie de tous les jours. Lorsqu’il devient Lady Tenderflake, sa gêne n’existe plus. Avec sa grande exubérance, «elle se promène partout, elle parle à tout le monde, elle a du plaisir et elle rit d’elle-même».
D’autres drag queens se définissent comme non binaires, Gemma Nye étant l’une d’elles. De son vrai nom Aberden Hill, iel explique que son personnage iel permet d’assumer pleinement sa fantaisie et de s’exprimer librement. «Elle me donne confiance et me permet d’oser davantage dans mon identité.»
Avec ses ongles colorés et sa coupe Longueuil, iel sait qu’iel est différent, mais iel l’assume. Toutefois, lorsqu’iel est Aberden Hill, iel n’aime pas attirer l’attention. «Je n’aime pas le jugement des autres.» Mais lorsqu’iel devient Gemma Nye, il faut que tous les yeux soient rivés sur elle.
Gilbert Drapeau et Aberden Hill s’accordent pour dire que leurs personnages respectifs leur permettent d’explorer pleinement leur côté artistique et créatif. Dans leur spectacle respectif, les deux drag queens font du lip sync, de la danse, des prestations théâtrales et du stand-up comique.
Elles montrent d’ailleurs leur facette créative en offrant continuellement de nouvelles interprétations. Toutes deux estiment qu’il leur faut parfois des heures, des semaines, voire des mois pour préparer leurs numéros. «Ça va dépendre des situations», ajoute Lady Tenderflake.
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Même si elle fait du lip sync, apprendre les paroles par cœur pour que les mouvements des lèvres soient parfaitement synchronisés à la musique et partager ses émotions peut prendre quelques heures. «Mais ce n’est pas seulement ça. Il faut comprendre le sens émotif de la chanson», comprendre l’essence des paroles, trouver les bonnes respirations, incarner l’artiste. Gilbert Drapeau insiste aussi sur l’aspect pédagogique de ses spectacles. «D’une façon informative et amusante, la drag me permet de confronter des problèmes sociaux.»
Cette volonté d’excellence ne va pas sans une préparation millimétrée. Deux jours avant chaque prestation, Gilbert Drapeau finalise son apparence afin de rentrer dans la peau de Lady Tenderflake. Il prend soin de sa pilosité, assemble ses costumes, ses bijoux et ses perruques. Il les essaie et les ajuste, tout en répétant sa prestation.
Gilbert Drapeau explique que la drag «provoque une réflexion. C’est un art qui questionne ce que l’on perçoit en tant que féminin et masculin». La drag brouille le système binaire homme/femme puisqu’elle met en avant-plan les identités de genre.
Dans sa communauté, il y a des hommes qui, lorsqu’ils se transforment en drag queens, «sont pris pour des femmes» comme en témoigne souvent la surprise des spectateurs. Gilbert ne se lasse jamais de ces regards étonnés.
Alors, plutôt que de parler de genres uniquement en termes de masculin et de féminin, la drag permet d’élargir la conversation. «Elle fait comprendre qu’il y a plus qu’une réflexion binaire, puisqu’il y a bien plus de monde sur la planète» qui se situe quelque part entre les deux sexes, conclut-il.
À l’aube de la dernière représentation du spectacle PHI présenté au Northern Alberta Jubilee Auditorium à Edmonton, Jean Grand-Maître se dit «très excité». Pour lui, ce dernier spectacle est «une célébration» de toutes ses créations qu’il a offertes au public albertain lors de ces 20 dernières années.
Le spectacle PHI, inspiré de la musique du chanteur britannique David Bowie, est l’aboutissement de cinq années de travail. «C’est une grosse création qui a employé cinq concepteurs. De plus, c’est mon dernier cadeau aux gens de l’Alberta.» Avec «la belle réaction du public» et les critiques positives engendrées lors de la première qui a eu lieu le 10 mars dernier à Calgary, Jean Grand-Maître est fier de terminer sa carrière «la tête haute».
Le chorégraphe est très heureux de mentionner que l’Alberta Ballet lui a permis «d’atteindre son maximum en tant qu’artiste et d’aller au bout de ses idées». Il a, entre autres, apporté une vision moderne à de grands ballets tels que Roméo et Juliette, Cendrillon, Casse-Noisette et Le Lac des cygnes.
Il a également créé ses propres spectacles. Son premier ballet, présenté en 2007, intitulé The Fiddle and the Drum, inspiré par l’artiste canadienne Jodi Mitchell reste à ce jour le plus important de sa vie. La qualifiant de «génie», il se dit encore chanceux d’avoir côtoyé cette grande auteure-compositrice-interprète pendant deux ans. «Cette création a été acclamée partout à travers le monde et ça a été une de mes plus belles chorégraphies.»
De plus, Jean Grand-Maître est fier d’avoir présenté des ballets qui ont porté à réflexion. Par exemple, en collaboration avec le chanteur britannique Elton John, le chorégraphe a créé le ballet Love Lies Bleeding. Celui-ci abordait les thématiques de l’intolérance, de l’alcoolisme et de la dépendance aux drogues. «Le ballet n’est pas toujours un moment pour être diverti, mais également une occasion de réfléchir sur l’humanité, pour s’éduquer et s’informer.»
Il confirme, cependant, que tout n’a pas été rose pendant les 20 dernières années. Parfois, il a eu des remises en question, un manque d’inspiration et de la fatigue. «Il y a également des gens qui aimaient ce que je faisais et d’autres qui n’appréciaient pas. Mais ça, il y en aura toujours», s’esclaffe-t-il.
Il n’a néanmoins jamais regretté son choix de quitter sa carrière de chorégraphe et metteur en scène indépendant pour s’installer en Alberta. «J’ai toujours apprécié les défis qui m’étaient donnés ici, mais aussi, les opportunités.» À quelques jours de sa retraite, il se dit prêt à passer le flambeau à son successeur, Christopher Anderson.
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Quitter la direction artistique de l’Alberta donne au chorégraphe de renommée internationale un sentiment doux-amer. D’un côté, il est soulagé de ne plus avoir sur ses épaules le travail administratif et la pression financière de l’Alberta Ballet. «Il faut prévoir des levées de fonds pour trouver deux millions de dollars chaque année afin que tout le monde soit payé chaque semaine.»
De l’autre, la création artistique dans l’intimité avec les danseurs va beaucoup lui manquer. «Le travail en studio est plus magique puisqu’il n’y a pas les costumes, le maquillage, l’éclairage […]. C’est comme si je sculptais sur de la glaise.»
Il avoue que de ne plus côtoyer les danseurs au quotidien créera un vide dans son existence. Ces derniers sont, selon lui, remplis d’espoir. Même s’ils gagnent de petits salaires, «ce sont des gens magnifiques qui travaillent très fort et qui veulent danser».
Néanmoins, Jean Grand-Maître restera dans le monde du ballet une autre année, avant de retourner à Gatineau, sa ville natale, pour profiter d’une retraite bien méritée. En effet, le chorégraphe portera le chapeau de professeur à l’école de l’Alberta Ballet. «La danse est préservée par le bouche-à-oreille, alors c’est important pour moi de partager mes connaissances à la nouvelle génération de danseurs.»
Trouver la bonne information dans le domaine de la santé, c’est déjà parfois chose difficile. Lorsqu’on vit en milieu minoritaire, cela devient alors un réel parcours du combattant pour certains francophones. Une situation que connaît très bien la Dre Michelle Dion.
Celle-ci a donc voulu combler ce manque en créant la chaîne YouTube Éduc-Franco-Santé. Son objectif est de permettre aux francophones qui résident dans une «mer anglophone» d’en apprendre davantage dans leur langue maternelle.
La médecin, soucieuse du détail et de la véracité scientifique du contenu des capsules, s’assure d’utiliser les plus récentes données disponibles. «Il y a un long travail de recherche», puisque même si la santé est son domaine d’expertise, elle approfondit continuellement ses connaissances afin de partager la meilleure information possible.
Elle s’inspire d’ailleurs des questions de ses patients pour choisir les thématiques qu’elle mettra par la suite à l’écran. «À la clinique, la plupart des gens me posent les mêmes questions, alors j’essaie d’y répondre par le biais de vidéos imagées.» C’est sa façon de vulgariser simplement du contenu parfois compliqué et d’offrir des réponses à tous les francophones de la communauté.
Elle aborde donc des sujets tels l’hypertension artérielle, le cancer du sein, l’ostéoporose, la sécurité en vélo, la grossesse à l’ère de la COVID-19, la vitamine D ainsi que la nouvelle version du guide alimentaire.
La réalisation d’une seule vidéo peut parfois être très longue. Avec beaucoup de plaisir, elle consacre parfois des dizaines d’heures de son temps libre pour réaliser un produit de qualité. Elle peut néanmoins compter sur une petite équipe d’étudiants et de diplômés du Campus Saint-Jean qui lui donnent un coup de main.
Ces derniers l’aident notamment à trouver des idées de sujets, à créer les affiches présentées dans les capsules vidéos, mais aussi à écrire les scénarios. «Tout ce que je peux déléguer, je le délègue», ajoute-t-elle.
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Fatima Youssef fait partie de ces étudiants de l’ombre qui participent au projet depuis l’été 2020. Bien qu’elle ait obtenu son baccalauréat en sciences en juin 2021, elle continue à s’impliquer dans ce projet qui lui tient à cœur.
D’un côté, parce qu’il lui permet «d’explorer la médecine et d’acquérir des connaissances sur une variété de sujets», de l’autre, parce qu’elle apprécie le fait de contribuer à la communauté francophone en donnant accès à des ressources en français.
Le 2 avril dernier, les membres d’Éduc-Franco-Santé ont d’ailleurs fait une présentation en lien avec la vidéo sur le diabète en collaboration avec l’Alliance Jeunesse-Famille de l’Alberta Society (AJFAS). L’activité a eu lieu en virtuel et en présentiel dans le Grand Salon du pavillon Lacerte, au Campus Saint-Jean.
Une autre façon d’offrir le savoir à la communauté alors que le temps est à la socialisation en personne après deux ans de pandémie. «Les gens veulent sortir et faire autre chose que regarder un écran», assume Michelle Dion, satisfaite.
Gabrielle Beaupré
«On n’a pas de but fixe. Plus on en ramasse, plus on est contents. On veut vraiment faire notre possible», annonce Dalia, l’une des participantes à ce projet humanitaire. Les huit jeunes qui participent au projet récoltent aussi des dons financiers ainsi que des fournitures tels que des jouets, des vêtements et des ustensiles.
Par la suite, «on va aller les revendre au Village des Valeurs», ajoute Dalia. L’argent récolté servira à payer les frais de livraison pour envoyer les livres et manuels scolaires au Congo. Optimistes et volontaires, les jeunes ont commencé ce projet début février et il se terminera fin mai. Le mois de juin sera consacré à la préparation et à la concrétisation de l’envoi vers la République démocratique du Congo (RDC), en Afrique de l’Ouest.
L’initiatrice du projet, Betty Nseka Songo, enseigne le cours de leadership à l’École francophone d’Airdrie. Cette idée est née lors de sa dernière visite dans son pays natal alors qu’elle visitait sa famille.
Ainsi, durant son séjour, elle décide de redécouvrir quelques écoles. «En tant qu’éducatrice, je voulais savoir à quoi elles ressemblaient aujourd’hui.» Ce fut un choc pour la pédagogue. Elle trouve que les lieux d’apprentissage se sont dégradés depuis son passage sur ces bancs d’école.
Elle indique, entre autres, que lorsqu’elle était élève, elle avait accès à des manuels scolaires. «Les parents payaient pour qu’on puisse en louer.» Tristement, les élèves d’aujourd’hui ont peu «de ressources pour bénéficier d’une bonne éducation scolaire». Elle se rappelle néanmoins qu’elle non plus n’avait pas accès à des romans pour se divertir. Le premier, elle l’a lu à son arrivée au Canada, il y a 15 ans.
Selon la base de données de la Banque mondiale, la population de la République démocratique du Congo était estimée, à la création du pays, à 60 411 195 habitants. En 2020, ils étaient de près de 90 millions, dont la moitié sont des jeunes de moins de 15 ans. «Plus il y a d’enfants au pays, plus la qualité de l’éducation devrait être améliorée.»
Lors de son passage sur le territoire de ses ancêtres, Betty Nseka Songo constate que, malgré l’augmentation de la population, le nombre d’établissements scolaires n’a pas augmenté. «C’est de pire en pire et c’est vraiment écœurant!», s’exclame l’enseignante.
Dès qu’elle a partagé son histoire avec ses élèves, Suvi, Dalia, Gaby, Mylo, Noah, Marie-Chantale, Angelique et Hannah ont été attristées par la précarité des jeunes congolais et ont décidé de leur venir en aide. «C’est important pour nous de faire notre part», souligne Marie-Chantale.
Depuis le premier jour, la direction de l’École francophone d’Airdrie appuie ce projet humanitaire. Ainsi, l’année dernière, avant même qu’il soit instauré dans la classe de Betty Nseka Songo, l’école avait fait une première collecte de fonds pour aider la jeunesse congolaise. L’école avait réussi à amasser 350$ en dons. «Elle nous a permis de donner des livres à une école qui n’a pas eu de livres depuis 2003», relate l’idéatrice.
Cette année, la direction appuie le groupe de volontaires à la tête du projet en informant les parents sur ce projet. Elle explique l’importance de ce projet afin de les aider à recueillir le plus de dons possible et leur fournit un local pour y ranger toutes les fournitures qu’ils reçoivent.
Finalement, l’enseignante témoigne du rayonnement de ses élèves dans la réalisation de ce grand projet humanitaire. «Au début, ils étaient effrayés puisqu’ils étaient devant l’inconnu.» Mais dès qu’ils ont débuté, leur peur s’est effacée tranquillement pour laisser place à la fierté. «Je les vois faire de leur mieux pour l’accomplir.»
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