le Mardi 6 juin 2023

Francopresse – Marc Poirier

Il y a aussi plusieurs mythes à déboulonner, comme celui voulant que l’esclavage ait été l’affaire des États-Unis et que le Canada ait été cette grande terre d’accueil pour les Noirs en fuite.

C’est vrai, mais le Canada a également une histoire d’esclavage. C’est un aspect du passé du pays qui n’a pas toujours été justement raconté, ce qui n’est pas surprenant vu que certains grands historiens canadiens-français ont pratiquement occulté ce fait.

C’est le cas de François-Xavier Garneau, notaire puis historien, proche des patriotes du Bas-Canada.

Dans son Histoire du Canada, dont le premier volume parait en 1845, Garneau souligne que le gouvernement français, du temps de la Nouvelle-France, avait pris une décision «qui lui fait le plus grand honneur», soit «celle relative à l’exclusion des esclaves du Canada».

Or… des historiens ont montré que c’était tout le contraire. Même s’il n’y a pas eu d’importation massive d’esclaves noirs au Canada, contrairement à ce qui s’est fait aux États-Unis, l’esclavage était présent, et ce, très tôt dans l’histoire de la colonie.

L’esclavage du temps de la Nouvelle-France

L’historien québécois Marcel Trudel, un expert dans le domaine, a écrit dans son ouvrage Mythes et réalités dans l’histoire du Québec qu’en «1689, Louis XIV autorisait la colonie à importer des esclaves noirs.»

En 1709, l’intendant Jacques Raudot légalise par une ordonnance l’achat et la possession d’esclaves en Nouvelle-France. La pratique sera renforcée par le roi Louis XV dans des proclamations faites dans les années 1720 et en 1745.

On considère que le premier esclave noir en Nouvelle-France était un jeune enfant de six ans emmené à Québec par les frères Kirke qui avaient pris la ville en 1629. Après la rétrocession du Canada à la France, les frères Kirke quittent Québec, mais l’enfant est auparavant vendu à un commis français. L’enfant recevra le nom d’Olivier Le Jeune.

Selon Marcel Trudel, la Nouvelle-France comptera au total 4200 esclaves, dont les deux tiers étaient des Panis, le nom général donné aux esclaves autochtones. Ce nom venait de la tribu Pawnee du bassin du Missouri.

Portrait d’un Panis, esclave autochtone du temps de la Nouvelle-France. Crédit : Anonyme, vers 1732, Wikimedia Commons, domaine public

Portrait d’un Panis, esclave autochtone du temps de la Nouvelle-France. Crédit : Anonyme, vers 1732, Wikimedia Commons, domaine public

Plusieurs Panis étaient capturés par des nations autochtones alliées des Français et échangés comme esclaves. Le nom en est venu à être donné à tous les esclaves autochtones, même s’ils n’étaient pas des Panis.

Qui étaient les propriétaires d’esclaves? Les gens les plus aisés et en haut de l’échelle sociale de l’époque : seigneurs, intendants, médecins, négociants, voyageurs, marchands, officiers, avocats, prêtres, etc. Même les communautés religieuses avaient des esclaves, sauf les Ursulines.

Parmi les propriétaires, on note des gouverneurs comme Frontenac, Rigaud de Vaudreuil, son fils Vaudreuil-Cavagnal, Beauharnois; les intendants Bigot, Hocquart; les évêques de Québec Saint-Vallier, Pontbriand et Plessis, sans oublier sainte Marguerite d’Youville, fondatrice des Sœurs de la Charité de Montréal.

Les esclaves noirs constituaient une main-d’œuvre bon marché et utilisés à titre de domestiques, journaliers, cuisinières, gardiennes d’enfants ou encore cochers.

De Nouvelle-Écosse à la Sierra Leone

L’histoire des Noirs au Canada est parsemée d’histoires surprenantes, de fuites, de drames, de réussites. L’un des épisodes étonnants s’est déroulé en Nouvelle-Écosse.

La Nouvelle-Écosse, nom qu’avaient donné les Britanniques à l’Acadie qui leur avait été cédée par la France en 1713, comptait un certain nombre d’esclaves. En 1750, il y en avait environ 400 sur près de 3 000 habitants dans la ville d’Halifax, pourtant fondée seulement un an plus tôt.

Quant à l’ile Royale (Cap-Breton), restée française jusqu’en 1758, il y aurait eu, depuis sa fondation vers 1720 jusqu’à sa capture définitive, en 1758, un peu plus de 200 esclaves, dont 90 % étaient des Noirs. Dans l’ancienne Acadie française, l’esclavage était peu présent.

Les colons de la Nouvelle-Angleterre qui viennent s’installer en Nouvelle-Écosse après la Déportation des Acadiens emmènent des centaines d’esclaves avec eux.

L’arrivée des loyalistes et des Noirs

La population noire du Canada et des provinces maritimes fera un bond avec l’arrivée des loyalistes après la guerre d’Indépendance des États-Unis.

Environ 40000 loyalistes quitteront les États-Unis naissant vers le nord resté britannique. La grande majorité, 30 000 d’entre eux, s’installe en Nouvelle-Écosse, qui comprenait alors le Nouveau-Brunswick actuel, le reste s’établissant dans ce qui deviendra en 1791 le Haut et le Bas-Canada.

Document datant du 2 août 1791 de la Sierra Leone Company, compagnie britannique, invitant les Noirs de la Nouvelle-Écosse à s’établir en Sierra Leone. Crédit : Archives de la Nouvelle-Écosse

Document datant du 2 août 1791 de la Sierra Leone Company, compagnie britannique, invitant les Noirs de la Nouvelle-Écosse à s’établir en Sierra Leone. Crédit : Archives de la Nouvelle-Écosse

Les autorités britanniques permettent aux loyalistes d’emmener leurs esclaves. Par ailleurs, plusieurs Noirs qui s’étaient battus du côté des Britanniques, en tant qu’esclaves ou personnes libres, franchissent aussi la frontière, attirés par la promesse de 100 acres par famille.

Durant cette période, environ 3500 Noirs arrivent en Nouvelle-Écosse. Leur rêve de liberté sera bien souvent confronté à de l’hostilité, de la ségrégation et des inégalités.

Un nouveau départ : retour aux sources

Désabusé, un groupe de Noirs loyalistes envoie un des leurs, Thomas Peters, à Londres afin de réclamer les terres promises.

Sur place, Peters se fait approcher par un membre de la Sierra Leone Company. Il s’agissait d’une compagnie britannique formée d’abolitionnistes, de philanthropes et d’hommes d’affaires qui recrutaient des Noirs libres afin de les établir en Sierra Leone, un territoire de l’Afrique de l’Ouest contrôlé par les Britanniques.

Il y a là une ironie qui doit être relevée, puisque la Sierra Leone était l’un des principaux lieux depuis lesquels les esclaves africains étaient envoyés par bateau de l’autre côté de l’Atlantique.

Né au Nigeria, soldat loyaliste lors de la guerre d’Indépendance américaine, Thomas Peters est envoyé à Londres par la communauté noire de Nouvelle-Écosse. Il en revient avec une offre d’établissement en Sierra Leone. Crédit : Allan Ramsay, circa 1760, Wikimedia Commons, domaine public

Né au Nigeria, soldat loyaliste lors de la guerre d’Indépendance américaine, Thomas Peters est envoyé à Londres par la communauté noire de Nouvelle-Écosse. Il en revient avec une offre d’établissement en Sierra Leone. Crédit : Allan Ramsay, circa 1760, Wikimedia Commons, domaine public

Toujours est-il que Thomas Peters revient en Nouvelle-Écosse avec cette offre d’établissement en Sierra Leone. Environ 1 200 Noirs de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, soit près du tiers de ceux qui étaient arrivés après la guerre d’Indépendance américaine, répondent à l’appel.

Le 15 janvier 1792, le groupe quittera le havre d’Halifax à bord de 15 navires à destination de l’Afrique.

Arrivé en Sierra Leone, ce groupe fonde un nouvel établissement qu’ils nomment Freetown. Cette ville est maintenant la capitale de la Sierra Leone avec une population de plus d’un million de personnes.

Certains de ces Noirs arrivés de Nouvelle-Écosse étaient nés à la Sierra Leone et ont ainsi retrouvé leur famille…

Francopresse – Marc Poirier

Ce besoin d’agrémenter la saison obscure remonte, comme bien des fêtes, à très longtemps.

On peut noter les Lupercales, qui se déroulaient dans la Rome antique à la mi-février. À cette époque lointaine, des jeunes se donnaient Palatin rendez-vous au Lupercal, une grotte au pied du Palatin, cette colline mythique de Rome sur laquelle étaient situés les palais des empereurs romains.

Les Lupercales se déroulaient au pied du mont Palatin, dans la Rome antique, en février. Des jeunes hommes couraient et fouettaient tous ceux qu'ils croisaient, particulièrement les femmes. Peinture : Andrea Camassei, vers 1635. Wikimedia Commons, domaine public

Les Lupercales se déroulaient au pied du mont Palatin, dans la Rome antique, en février. Des jeunes hommes couraient et fouettaient tous ceux qu’ils croisaient, particulièrement les femmes. Peinture : Andrea Camassei, vers 1635. Wikimedia Commons, domaine public

Selon la légende, c’est dans cette grotte où, vers 750 ans av. J.-C., une louve (Lupercal vient du mot latin lupa qui signifie «louve») aurait allaité des frères jumeaux abandonnés, Rémus et Romulus, qui allaient devenir les fondateurs légendaires de Rome.

Petit détour pour dire que les «luperques», comme s’appelaient ces jeunes qui se retrouvaient au Lupercal, étaient vêtus d’une simple peau de bouc et couraient follement tout autour du Palatin en fouettant ceux qu’ils rencontraient, particulièrement les femmes. D’autres historiens affirment que les luperques étaient des prêtres.

Heureusement, cette tradition n’a pas traversé les âges.

Plus près de nous, près étant très relatif, le Carnaval de Venise est considéré comme étant le plus ancien du monde. La première mention de son existence remonte à un édit de 1094.

D’ailleurs, le mot carnaval viendrait du latin médiéval carnelevare (verbe formé de carne «viande» et de levare «supprimer»), parce que la fête prend fin avec le début du carême, période durant laquelle les chrétiens devaient s’abstenir de manger de la viande. Le mot est ses variantes ont été repris dans la majorité des langues européennes.

Les masques sont à l’honneur lors du Carnaval de Venise. Crédit : Önder Köktürk, 2020, Wikimedia Commons, CC-SA-4.0 International

Les masques sont à l’honneur lors du Carnaval de Venise. Crédit : Önder Köktürk, 2020, Wikimedia Commons, CC-SA-4.0 International

Au XIIIe siècle, les masques font leur apparition au Carnaval de Venise. Cela permet aux membres des différentes classes sociales de se mêler les unes aux autres, dans un certain anonymat. Il y a des fêtes, du théâtre et même de l’opéra, donnant ainsi au Carnaval de Venise une renommée qui attire des princes de toute l’Europe.

Comme au temps des luperques, c’est une occasion de se déguiser et de lâcher son fou (mais non plus son fouet).

De Venise à Rio à la Nouvelle-Orléans

De Venise, le concept du carnaval se propagera dans toute l’Italie, en Europe, puis aux quatre coins du monde. Si le Carnaval de Venise est le plus ancien, le plus célèbre mondialement est sans doute celui de Rio, au Brésil.

Les colons européens qui débarquent sur le Nouveau Continent apporteront la tradition du carnaval. C’est ce que font les Portugais en prenant possession du Brésil, par une fête appelée l’Entrudo, signifiant «entrée», dans le sens de début du carême.

Les chars allégoriques font la renommée du Carnaval de Rio. Crédit : Wikimedia Commons, CC-SA.4.0

Les chars allégoriques font la renommée du Carnaval de Rio. Crédit : Wikimedia Commons, CC-SA.4.0

Voulant se débarrasser de cette fête qui donnait lieu à des batailles de rue, la bourgeoisie brésilienne importe le modèle du Carnaval de Paris, même dans les détails des costumes, pour fonder le le Carnaval de Rio en 1840. Celui-ci intégrera également des traditions africaines perpétuées par les esclaves, comme la samba, danse emblématique du Brésil. Ses défilés extravagants sont célèbres.

C’est également l’héritage français qui donnera lieu au plus célèbre carnaval des États-Unis: le Mardi gras de la Nouvelle-Orléans.

Le nom de Mardi gras prête un peu à confusion parce que les festivités s’amorcent en principe bien avant, soit le 6 janvier, jour de l’Épiphanie, pour culminer au mardi précédant le début du carême.

Cette fête revêt une grande importance pour la Louisiane. À preuve, l’État a légiféré en 1875 afin de faire du Mardi gras un jour férié.

Le faste est toujours au rendez-vous au Mardi gras de la Nouvelle-Orléans. Crédit : CC0 via Public Domain Pictures

Le faste est toujours au rendez-vous au Mardi gras de la Nouvelle-Orléans. Crédit : CC0 via Public Domain Pictures

Si le Mardi gras moderne de la Nouvelle-Orléans prend forme dans les années 1830, les balbutiements d’une fête à cette époque de l’année en Louisiane remontent aux débuts du XVIIIe siècle, dès l’arrivée des Français, plus précisément à Mobile, alors capitale de la jeune colonie.

Maintenant située dans l’État d’Alabama, Mobile célèbre toujours un carnaval du Mardi gras, tout comme quelques autres villes américaines, dont Saint-Louis (quartier Soulard) au Missouri et Galveston au Texas.

«Carnaval, Mardi gras, carnaval. Chantons tous le joyeux carnaval» – chanson thème du Carnaval de Québec

Après l’Europe, l’Amérique du Sud et les États-Unis, le Canada voudra lui aussi gouter aux joies des fêtes d’hiver.

Dès l’époque de la Nouvelle-France, des rassemblements entre voisins et amis avaient lieu entre la fête des Rois et le Mardi gras.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, le premier carnaval digne de ce nom au Canada n’a pas eu lieu à Québec, mais à Montréal!, En 1883. Il s’agissait surtout de compétitions sportives et de petits défilés, le tout organisé par des clubs et des associations sportives de la ville. Après quelques éditions, l’évènement est abandonné en 1890.

En 1894, la ville de Québec adopte essentiellement le même concept que celui de Montréal et tient son premier carnaval, du 29 janvier au 3 février.

Page couverture du programme du «Carnaval Mardi gras Carnival» de Québec de 1912. Crédit : Quebec Daily Telegraph, 1912. Domaine public au Canada

Page couverture du programme du «Carnaval Mardi gras Carnival» de Québec de 1912. Crédit : Quebec Daily Telegraph, 1912. Domaine public au Canada

L’idée est venue du propriétaire du Quebec Daily Telegraph, Frank Carrel, qui avait lancé un appel dans son journal anglophone l’année précédente pour qu’un tel évènement ait lieu, question de raviver l’activité économique de la capitale québécoise.

Un comité d’organisation a été mis sur pied, présidé par Henri-Gustave Joly de Lotbinière, avec à la présidence d’honneur le gouverneur général du Canada, lord Aberdeen, ainsi que son épouse. Les temps ont bien changé…

Le caractère bilingue de la ville de Québec était encore bien présent à cette époque, comme en fait foi le programme de l’édition de 1912, dont la page couverture et le contenu sont presque complètement dans les deux langues officielles du Canada. Le nom de la fête était d’ailleurs Carnaval Mardi gras Carnival.

Le Carnaval de Québec aura lieu sporadiquement au cours des décennies suivantes. Ce n’est qu’en 1955 qu’il deviendra un évènement annuel.

L’idée d’une fête hivernale se propagera un peu partout au Canada, autant dans les régions francophones qu’anglophones, dans les grandes villes que les plus petites.

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Par exemple, le hameau francophone de St-Isidore, dans le Nord de l’Alberta, a son carnaval depuis 1993. Cette localité, fondée dans les années 1950 par des agriculteurs venus du Saguenay–Lac-Saint-Jean, s’est fortement inspirée au départ du Carnaval de Québec, avec son bonhomme, ses duchesses, ses sculptures de neige, etc.

Aujourd’hui, le Carnaval de St-Isidore attire presque un millier de personnes. Il permet notamment de promouvoir la culture et l’identité francophones de cette région rurale dans une province à forte majorité anglophone.

Francopresse – Marc Poirier

En raison de la pandémie, le Carnaval de St-Isidore a dû faire une pause pendant deux ans. Son retour cette année, les 17 et 18 février, marque le 40e anniversaire de l’événement. La présidente du Carnaval de St-Isidore depuis une dizaine d’années, Chantal Monfette, explique à quoi peuvent s’attendre les carnavaliers.

Chantal Monfette est présidente du Carnaval de St-Isidore, en Alberta. Crédit : Chantal Monfette

Chantal Monfette est présidente du Carnaval de St-Isidore, en Alberta. Crédit : Chantal Monfette

Francopresse : Le Carnaval de St-Isidore fête ses 40 ans cette année. En ferez-vous une édition spéciale?

C’est un peu le même format qu’on a depuis quelques années. Juste le fait qu’on revienne, ce sera le côté spécial du carnaval cette année. On a toujours les mets francophones, la musique francophone, les danseurs, la gigue. On a aussi les ducs et duchesses qui reviendront.

C’est un festival pour promouvoir la culture francophone. Pour pouvoir vivre, chanter et danser en français. On a beaucoup d’artistes locaux et du Canada qui viennent. C’est une rencontre familiale aussi. Ça donne lieu à des retrouvailles. C’est une édition importante et surtout, de revenir après deux ans d’absence à cause de la COVID, c’est important.

«C’est un festival pour promouvoir la culture francophone.» Chantal Monfette

Il y a les sculptures de neige aussi. C’est un gros élément du carnaval. Ça suit le thème de l’évènement et, cette année, le thème est Le Grand Duc et le Festival des sorciers. On a des professionnels qui viennent faire des sculptures. On met aussi des blocs de neige pour les gens qui voudraient en faire pendant le carnaval. Il y a des compétitions avec un prix amateur et un prix professionnel.

Le carnaval est donc un évènement important pour la vitalité du village?

L’évènement a pris de l’ampleur depuis les débuts. On a habituellement environ 600 à 1000 participants pendant la fin de semaine. La semaine, on accueille les élèves des écoles francophones et d’immersion de la région. Ça fait environ 200 élèves par jour pendant trois jours. On leur montre c’est quoi vivre en français pendant une journée.

Les élèves vont faire une promenade en traineau tiré par des chevaux. Ils vont manger de la tire sur la neige, jouer à différents jeux. Il y a aussi le rallye; c’est tout en français. Les écoles francophones viennent une journée et les écoles d’immersion une autre journée; le niveau de français pour les évènements n’est pas le même pour les deux groupes.

Qu’est-ce qui a motivé St-Isidore à organiser un carnaval au début des années 1990?

C’était l’idée de réunir les francophones et de ne pas perdre notre identité. C’était la continuité et tout ça, de promouvoir la culture et de la garder. On tient assez fort au fait français.

«C’était l’idée de réunir les francophones et de ne pas perdre notre identité.» Chantal Monfette

Au début, l’évènement était inspiré du Carnaval de Québec, n’est-ce pas?

Oui, les premières années, il y avait des échanges. Des gens d’ici y allaient et des gens de Québec venaient ici. On avait un bonhomme carnaval au début. Il était différent de celui de Québec. À un moment donné, on a décidé de changer notre mascotte. Maintenant, c’est le Grand Duc. Il se promène pendant le carnaval.

Avant, on avait un roi et une reine du carnaval. Cette année, ce sera une seule personne, un homme ou une femme. On va choisir lors la journée d’ouverture, le vendredi soir. Les gens peuvent donner leur nom pour participer. Ils vendent des billets. Ils vont avoir leur nom dans le chapeau. Celui qui a le plus de noms pigés devient roi ou reine. Le dimanche, on finit avec la messe et un brunch communautaire.

On peut imaginer que le village a changé beaucoup depuis les débuts?

Moi, j’ai vécu toute ma vie ici. Les premiers habitants sont venus du Québec, du Saguenay. C’était dans le bois. Ils ont défriché. À l’époque, c’était très isolé. C’est sûr qu’il y a des anglophones qui sont venus vivre dans la communauté, puis c’est du monde qui apprécie qu’est-ce qu’il y a là. C’est une petite communauté. À peu près 400 à 600 personnes dans les environs. C’est un hameau, donc une communauté rurale. On y tient assez fort à la francophonie.

Les propos ont été réorganisés pour des raisons de cohérence et de longueur.

Les sculptures de neige sont une composante importante du Carnaval de St-Isidore. Crédit : Wikimedia Commons, Share Alike 3.0, 2009

Les sculptures de neige sont une composante importante du Carnaval de St-Isidore. Crédit : Wikimedia Commons, Share Alike 3.0, 2009

La tire d’érable sur la neige est une des activités du Carnaval de St-Isidore. Crédit : Centre culturel de St-Isidore, Alberta.

La tire d’érable sur la neige est une des activités du Carnaval de St-Isidore. Crédit : Centre culturel de St-Isidore, Alberta.

Francopresse – Marc Poirier

C’était une colère qui grondait au sein des francophones de l’Ontario depuis quatre ans. Depuis que le gouvernement provincial avait décrété que l’enseignement en français serait contraire à la loi.

Mais revenons un peu en arrière…

Fin 19e siècle : la population franco-ontarienne explose : elle passe de 14 000 personnes en 1842 à plus de 100 000 en 1881. En 1900, les francophones forment 10% de la population provinciale et constituent même la majorité dans plusieurs régions de l’Est et du Nord.

Ce flux migratoire francophone affole une partie des anglophones de l’Ontario, dont les loges orangistes et des membres du clergé catholique irlandais.

L’infâme Règlement 17

Quand on a peur, on prend parfois des décisions radicales. C’est ce que fait le premier ministre James Whitney, en juin 1912.

Sous prétexte d’assurer une meilleure qualité de l’éducation, le gouvernement ontarien adopte le tristement célèbre Règlement 17, qui interdit l’enseignement en français dans les écoles, sauf à raison d’une heure par jour en 1re et en 2e année seulement.

Première page Règlement 17. Crédit : Wikimedia Commons

Première page Règlement 17. Crédit : Wikimedia Commons

Bref, on sonne le glas des écoles francophones ou bilingues en Ontario. On vise carrément l’assimilation… pour le soi-disant bien commun.

À l’époque, tout comme aujourd’hui, l’Ontario a deux grands réseaux scolaires : public (non confessionnel) et catholique (aussi appelé «séparé»). La Constitution de 1867 protégeait les écoles catholiques de l’Ontario, mais l’éducation en langue française dans la province n’était pas un droit reconnu. Le gouvernement ontarien avait donc le champ libre pour ses actions.

Ottawa à l’avant-scène de la lutte

D’abord, le Conseil des écoles séparées d’Ottawa refuse de mettre en œuvre le Règlement 17 et demande à son corps enseignant de continuer à faire ses classes en français. Cette «désobéissance civile» perdure pendant toute l’année scolaire 1912-1913.

Le gouvernement coupe alors les vivres au Conseil, mais celui-ci réussit à maintenir les écoles ouvertes, notamment en économisant sur l’entretien des bâtiments.

Le gouvernement revient à la charge en avril 1915 et dissout le Conseil des écoles séparées d’Ottawa pour le remplacer par un organe de trois membres qu’on appellera par dérision la «Petite Commission».

C’était sans compter l’arrivée en scène des sœurs Diane et Béatrice Desloges.

Ancienne école Guigues, avril 2020. Crédit : Jean-Paul Gringault, Wikimedia, Creative Commons, Share Alike 4.0 international

Ancienne école Guigues, avril 2020. Crédit : Jean-Paul Gringault, Wikimedia, Creative Commons, Share Alike 4.0 international

En septembre 1915, ces deux enseignantes sont embauchées pour faire la classe à l’école Guigues, en plein cœur d’Ottawa. Pas question pour les sœurs Desloges d’enseigner en anglais. Elles défient ouvertement le Règlement 17 et les directives de la Petite Commission, qui menace de révoquer leur brevet d’enseignement.

Début octobre, la Petite Commission leur interdit l’accès à l’école et embauche des enseignantes anglophones pour les remplacer. Mais celles-ci se retrouvent devant des classes vides, les parents boycottant désormais l’école.

Pendant ce temps, les sœurs Desloges, déterminées, aménagent des classes dans divers lieux de la ville, comme dans des espaces commerciaux vides ou un sous-sol d’église.

En janvier 1916, les parents n’en peuvent plus des conditions dans lesquelles leurs enfants sont contraints d’apprendre. La situation se corse.

Quand les femmes prennent les choses en main…

Le 4 janvier, 70 mères et 50 pères investissent l’école Guigues afin de réintégrer de force les sœurs Desloges dans leurs classes. Les femmes arrivent avec des épingles à chapeau (en métal et de 6 à 8 pouces, précise-t-on), de rouleaux à pâte, de ciseaux et même de poêles en fonte. Les hommes montent la garde à l’extérieur de l’édifice.

Le 7 au matin, quelques policiers d’Ottawa escortent un représentant du gouvernement ayant pour tâche d’empêcher les sœurs Desloges d’entrer. Dans son édition de ce jour-là, le journal Le Droit relate les événements :

«Jusque vers l’heure de la classe, tout fut calme, mais vers les 8.30 heures, une grande foule de femmes, d’hommes et d’enfants accompagnant les Demoiselles Desloges sont arrivés à l’école Guigues pour (les faire) entrer. Comme bien on pense, la porte était fermée à clef, mais il fallut l’ouvrir pour laisser entrer une autre institutrice et une dizaine d’hommes ont profité de cette occasion pour entrer.»

Manifestation d’élèves contre le Règlement 17 devant l’école Brébeuf, Ottawa, hiver 1916. Crédit : Centre de recherche sur les francophonies canadiennes

Manifestation d’élèves contre le Règlement 17 devant l’école Brébeuf, Ottawa, hiver 1916. Crédit : Centre de recherche sur les francophonies canadiennes

Les trois policiers sont évidemment débordés et demandent des renforts. Plus de 25 autres policiers se présentent peu après devant l’école, matraque à la main. C’est alors qu’a lieu la fameuse confrontation entre les mères et les policiers qu’on appellera la «Guerre des épingles».

Lors de la mêlée, on lance de la glace aux policiers, l’un d’eux est mordu et un autre aura un œil au beurre noir.

Les forces de l’ordre ne font pas le poids devant ces femmes bien décidées à protéger l’école et l’éducation en français. Les policiers sortent en courant après avoir reçu des coups de rouleaux à pâte et d’épingles à chapeau.

Des élèves d'Ottawa manifestent contre le Règlement 17. Février 1916. Crédit : Wikimedia Commons. Domaine public

Des élèves d’Ottawa manifestent contre le Règlement 17. Février 1916. Crédit : Wikimedia Commons. Domaine public

Entretemps, profitant du chaos, les sœurs Desloges s’infiltrent dans l’école par une fenêtre.

Les mères maintiendront la garde pendant le reste de l’année scolaire. Des manifestations ont lieu contre le Règlement 17 à Ottawa et un peu partout dans la province, empêchant le gouvernement de mettre complètement en œuvre sa mesure.

Après la crise, les écoles francophones évoluent en marge du système scolaire officiel.

En 1925, le gouvernement provincial forme une commission d’enquête pour trouver une solution à la crise. À la suite du dépôt du rapport de cette commission, en 1927, le Règlement 17 est abandonné. Il ne sera officiellement rayé des statuts de la Province qu’en 1944.

On dit souvent au Canada que le hockey est comme une religion. Et parfois, il devient une �religion d�tat�. Cest ainsi quon pourrait d�crire latmosph�re qui r�gnait il y a 50 ans lors de la S�rie du si�cle, qui opposait pour la premi�re fois l�lite du hockey de lUnion sovi�tique � celle du Canada afin de d�terminer qui �taient les meilleurs hockeyeurs au monde!
Francopresse – Marc Poirier
Laffrontement �tait tellement mythique quon la baptis� la �S�rie du si�cle�, avant m�me que ledit si�cle ne soit termin�. On avait devin� que rien ne pourrait �galer, au cours des 30 ann�es suivantes, lintensit� et la passion suscit�es par les huit matchs de la s�rie, soit quatre au Canada et quatre en Union sovi�tique.
On a souvent racont� que, lors de la premi�re s�ance dentrainement des joueurs sovi�tiques, lun de leurs entraineurs avait d�clar� aux journalistes que ce serait une s�rie amicale. �Nous sommes venus pour apprendre�, avait-il pr�tendu.

Le seul francophone de l’ext�rieur du Qu�bec de l’�quipe canadienne, Jean-Paul Paris�, s’est fait expuls� du huiti�me match. Cr�dit : Frank Lennon, Biblioth�que et Archives Canada

Les premiers matchs allaient d�montrer que les Sovi�tiques avaient peu de choses � apprendre et que la confrontation serait loin d�tre amicale.
Les quatre premiers matchs, tous jou�s en sol canadien, se soldent par deux victoires pour lURSS, un gain pour le Canada et un match nul. Le Canada vit alors un grand moment de d�prime collective.

Le hockey, fleuron identitaire

Les partisans canadiens �taient tellement convaincus de la sup�riorit� de leur �quipe quils ne sattendaient � rien de moins quune victoire �crasante. On allait donner une sacr�e le�on � ces communistes!
Car justement, il sagissait ici bien plus quun �v�nement sportif. En raison du contexte international de l�poque, ce face-�-face en �tait un entre deux syst�mes politiques, entre lEst communiste, autoritaire, mena�ant et lOccident libre, capitaliste, ouvert sur le monde. Sauf, �videmment, cet �autre monde� qu’�tait l’univers sovi�tique&
On pr�sentait aussi l�quipe canadienne comme un mod�le du caract�re multiethnique du Canada. Dabord, les effectifs incluaient plusieurs joueurs francophones avec les Qu�b�cois Yvan Cournoyer, Guy Lapointe, Serge Savard, Gilbert Perreault, Jean Ratelle et Rod Gilbert et avec le Franco-Ontarien Jean-Paul Paris�, originaire de Smooth Rock Falls.
Puis, il y avait notamment les fr�res Tony et Phil Espositio, de Sault Ste-Marie en Ontario, enfants dimmigrants italiens, les fr�res Pete et Frank Mahovlich, de Timmins en Ontario, fils dimmigrants croates, ainsi que Stan Mikita, de St. Catharines en Ontario, qui �tait n� en Slovaquie.
Le fait davoir une telle �quipe investie dune �mission� a �galement suscit� un sentiment nationaliste et collectif tr�s fort.
Et �a allait tr�s loin.
Un journaliste du Journal de Montr�al fait un lien entre la campagne de Russie de Napol�on et cette �nouvelle guerre de Russie� qu�tait selon lui la S�rie du si�cle.
Le journaliste de la Gazette de Montr�al, Ted Blackman, d�bute son article du 28 septembre 1972 en affirmant le plus s�rieusement du monde que les Ontariens Ken Dryden et Frank Mahovlich (deux joueurs du Canadien de Montr�al) avaient loccasion de contribuer davantage � lOccident quHenry Kissinger (alors secr�taire d�tat du pr�sident am�ricain Richard Nixon).
Pour plusieurs, cette s�rie cimente la fiert� et le sentiment dappartenance au Canada. Certains y voient m�me une fa�on de contrer le mouvement ind�pendantiste qu�b�cois grandissant.
En effet, le lendemain du dernier match, le chroniqueur Charles Lynch �crivait quYvan Cournoyer �a probablement davantage fait pour contrer le s�paratisme que les centaines de discours de Claude Wagner [ancien ministre lib�ral provincial au Qu�bec et alors d�put� f�d�ral conservateur] ou [Pierre Elliot] Trudeau �.
Disons que& on y allait un peu fort.
�videmment, l�motion lemportait sur la raison.
Il faudra remonter 55 ans en arri�re pour retrouver un tel moment de fiert� � l�gard de la nation canadienne. La victoire militaire canadienne la plus c�l�bre, survenue en avril 1917 sur la cr�te de Vimy lors de la Premi�re Guerre mondiale, est en effet pr�sent�e comme un �l�ment marquant de larriv�e du Canada sur la sc�ne internationale, voire comme l�pisode responsable de la naissance dune nation.

Un suspense intenable jusqu� la toute fin

Disons que le d�nouement spectaculaire de la S�rie du si�cle a contribu� au mythe. Au huiti�me et d�cisif match, la s�rie est � �galit�, avec trois victoires de chaque c�t� et un match nul. Le Canada doit absolument gagner; un match nul donnerait la victoire aux Sovi�tiques, car ils avaient plus de points.
La tension est � son comble. On raconte que les autorit�s sovi�tiques, la veille de laffrontement, avaient chang� les trois arbitres et que les responsables canadiens, ulc�r�s, avaient finalement r�ussi � en d�signer un.
D�s le d�but du match, des p�nalit�s douteuses sont d�cern�es � des joueurs du Canada, dont � Jean-Paul Paris�. Le Franco-Ontarien est tellement furieux quil perd le contr�le et semble vouloir frapper un arbitre avec son b�ton. Il lance des obsc�nit�s � un arbitre et se fait expulser du match.

Tableau indicateur lors du but gagnant du huiti�me match de la S�rie. Cr�dit : Frank Lennon, Biblioth�que et Archives Canada

La suite de la partie tient tout le monde en haleine : �galit� 1-1, puis 2-2, 3-3, puis cest 5-3 pour les Sovi�tiques � la fin de la deuxi�me p�riode.
En milieu de troisi�me p�riode, Yvan Cournoyer �galise la marque. Mais le juge de but nallume pas la lumi�re rouge. Alan Eagleson, grand promoteur de la s�rie, est piqu� au vif.
Il se rue vers la cabine de lannonceur afin que celui-ci officialise le but. Sur sa lanc�e, il bouscule des policiers ou des soldats (selon les comptes rendus). Ceux-ci empoignent Eagleson pour le sortir de lamphith��tre, mais aussit�t Pete Mahovlich passe par-dessus la bande et donne des coups de b�tons aux policiers (ou soldats). Plusieurs autres joueurs du Canada sen m�lent et arrachent carr�ment Eagleson des mains de ses assaillants. �a ne sinvente pas&
Le but de Cournoyer est bon et vient cr�er l�galit�.
� la derni�re minute de jeu, la s�rie semble vouloir se terminer par un match nul, ce qui aurait donn� la victoire aux Sovi�tiques.
Cest alors que le miracle survient. Phil Esposito envoie mollement la rondelle vers le gardien l�gendaire Vladislav Tretiak. Paul Henderson, lun des meilleurs joueurs canadiens de la s�rie, celui-l� m�me qui a marqu� les buts gagnants des 6e et 7e matchs, se rel�ve dune vilaine chute derri�re les buts. Il r�cup�re le tir dEsposito qui vient de rebondir sur Tretiak et le lance � son tour vers le gardien sovi�tique, qui arr�te la rondelle. Mais Tretiak narrive pas � maitriser le disque et permet un retour. Henderson prend le rebond, tire et& cest le but!

Le �but du si�cle� marqu� par Paul Henderson � 34 secondes de la fin du 8e et d�cisif match de la S�rie. Cr�dit : Frank Lennon, Biblioth�que et Archives Canada.

Paul Henderson vient de marquer �le but du si�cle!�. Il reste 34 secondes au cadran. Au Canada, cest leuphorie dun oc�an � lautre.
Lintensit� de l�motion collective alors ressentie pour cet �v�nement sportif na probablement jamais �t� �gal�e au Canada depuis.
Et dire que, sans le but de Paul Henderson, lhistoire aurait �t� tout autre.
On dit souvent au Canada que le hockey est comme une religion. Et parfois, il devient une «religion d’État». C’est ainsi qu’on pourrait décrire l’atmosphère qui régnait il y a 50 ans lors de la Série du siècle, qui opposait pour la première fois l’élite du hockey de l’Union soviétique à celle du Canada afin de déterminer qui étaient les meilleurs hockeyeurs au monde!
 
Francopresse – Marc Poirier
 
L’affrontement était tellement mythique qu’on l’a baptisé la «Série du siècle», avant même que ledit siècle ne soit terminé. On avait deviné que rien ne pourrait égaler, au cours des 30 années suivantes, l’intensité et la passion suscitées par les huit matchs de la série, soit quatre au Canada et quatre en Union soviétique.
 
On a souvent raconté que, lors de la première séance d’entrainement des joueurs soviétiques, l’un de leurs entraineurs avait déclaré aux journalistes que ce serait une série amicale. «Nous sommes venus pour apprendre», avait-il prétendu.
 

Le seul francophone de l’extérieur du Québec de l’équipe canadienne, Jean-Paul Parisé, s’est fait expulsé du huitième match. Crédit : Frank Lennon, Bibliothèque et Archives Canada

 
Les premiers matchs allaient démontrer que les Soviétiques avaient peu de choses à apprendre et que la confrontation serait loin d’être amicale.
 
Les quatre premiers matchs, tous joués en sol canadien, se soldent par deux victoires pour l’URSS, un gain pour le Canada et un match nul. Le Canada vit alors un grand moment de déprime collective.
 

Le hockey, fleuron identitaire

Les partisans canadiens étaient tellement convaincus de la supériorité de leur équipe qu’ils ne s’attendaient à rien de moins qu’une victoire écrasante. On allait donner une sacrée leçon à ces communistes!
 
Car justement, il s’agissait ici bien plus qu’un évènement sportif. En raison du contexte international de l’époque, ce face-à-face en était un entre deux systèmes politiques, entre l’Est communiste, autoritaire, menaçant et l’Occident libre, capitaliste, ouvert sur le monde. Sauf, évidemment, cet «autre monde» qu’était l’univers soviétique…
 
On présentait aussi l’équipe canadienne comme un modèle du caractère multiethnique du Canada. D’abord, les effectifs incluaient plusieurs joueurs francophones avec les Québécois Yvan Cournoyer, Guy Lapointe, Serge Savard, Gilbert Perreault, Jean Ratelle et Rod Gilbert et avec le Franco-Ontarien Jean-Paul Parisé, originaire de Smooth Rock Falls.
 
Puis, il y avait notamment les frères Tony et Phil Espositio, de Sault Ste-Marie en Ontario, enfants d’immigrants italiens, les frères Pete et Frank Mahovlich, de Timmins en Ontario, fils d’immigrants croates, ainsi que Stan Mikita, de St. Catharines en Ontario, qui était né en Slovaquie.
 
 
Le fait d’avoir une telle équipe investie d’une «mission» a également suscité un sentiment nationaliste et collectif très fort.
 
Et ça allait très loin.
 
Un journaliste du Journal de Montréal fait un lien entre la campagne de Russie de Napoléon et cette «nouvelle guerre de Russie» qu’était selon lui la Série du siècle.
 
Le journaliste de la Gazette de Montréal, Ted Blackman, débute son article du 28 septembre 1972 en affirmant le plus sérieusement du monde que les Ontariens Ken Dryden et Frank Mahovlich (deux joueurs du Canadien de Montréal) avaient l’occasion de contribuer davantage à l’Occident qu’Henry Kissinger (alors secrétaire d’État du président américain Richard Nixon).
 
Pour plusieurs, cette série cimente la fierté et le sentiment d’appartenance au Canada. Certains y voient même une façon de contrer le mouvement indépendantiste québécois grandissant.
 
 
En effet, le lendemain du dernier match, le chroniqueur Charles Lynch écrivait qu’Yvan Cournoyer «a probablement davantage fait pour contrer le séparatisme que les centaines de discours de Claude Wagner [ancien ministre libéral provincial au Québec et alors député fédéral conservateur] ou [Pierre Elliot] Trudeau ».
 
Disons que… on y allait un peu fort.
 
Évidemment, l’émotion l’emportait sur la raison.
 
Il faudra remonter 55 ans en arrière pour retrouver un tel moment de fierté à l’égard de la nation canadienne. La victoire militaire canadienne la plus célèbre, survenue en avril 1917 sur la crête de Vimy lors de la Première Guerre mondiale, est en effet présentée comme un élément marquant de l’arrivée du Canada sur la scène internationale, voire comme l’épisode responsable de la naissance d’une nation.
 

Un suspense intenable jusqu’à la toute fin

Disons que le dénouement spectaculaire de la Série du siècle a contribué au mythe. Au huitième et décisif match, la série est à égalité, avec trois victoires de chaque côté et un match nul. Le Canada doit absolument gagner; un match nul donnerait la victoire aux Soviétiques, car ils avaient plus de points.
 
La tension est à son comble. On raconte que les autorités soviétiques, la veille de l’affrontement, avaient changé les trois arbitres et que les responsables canadiens, ulcérés, avaient finalement réussi à en désigner un.
 
Dès le début du match, des pénalités douteuses sont décernées à des joueurs du Canada, dont à Jean-Paul Parisé. Le Franco-Ontarien est tellement furieux qu’il perd le contrôle et semble vouloir frapper un arbitre avec son bâton. Il lance des obscénités à un arbitre et se fait expulser du match.
 

Tableau indicateur lors du but gagnant du huitième match de la Série. Crédit : Frank Lennon, Bibliothèque et Archives Canada

 
La suite de la partie tient tout le monde en haleine : égalité 1-1, puis 2-2, 3-3, puis c’est 5-3 pour les Soviétiques à la fin de la deuxième période.
 
En milieu de troisième période, Yvan Cournoyer égalise la marque. Mais le juge de but n’allume pas la lumière rouge. Alan Eagleson, grand promoteur de la série, est piqué au vif.
 
Il se rue vers la cabine de l’annonceur afin que celui-ci officialise le but. Sur sa lancée, il bouscule des policiers ou des soldats (selon les comptes rendus). Ceux-ci empoignent Eagleson pour le sortir de l’amphithéâtre, mais aussitôt Pete Mahovlich passe par-dessus la bande et donne des coups de bâtons aux policiers (ou soldats). Plusieurs autres joueurs du Canada s’en mêlent et arrachent carrément Eagleson des mains de ses assaillants. Ça ne s’invente pas…
 
Le but de Cournoyer est bon et vient créer l’égalité.
 
À la dernière minute de jeu, la série semble vouloir se terminer par un match nul, ce qui aurait donné la victoire aux Soviétiques.
 
C’est alors que le miracle survient. Phil Esposito envoie mollement la rondelle vers le gardien légendaire Vladislav Tretiak. Paul Henderson, l’un des meilleurs joueurs canadiens de la série, celui-là même qui a marqué les buts gagnants des 6e et 7e matchs, se relève d’une vilaine chute derrière les buts. Il récupère le tir d’Esposito qui vient de rebondir sur Tretiak et le lance à son tour vers le gardien soviétique, qui arrête la rondelle. Mais Tretiak n’arrive pas à maitriser le disque et permet un retour. Henderson prend le rebond, tire et… c’est le but!
 

Le «but du siècle» marqué par Paul Henderson à 34 secondes de la fin du 8e et décisif match de la Série. Crédit : Frank Lennon, Bibliothèque et Archives Canada.

 
Paul Henderson vient de marquer «le but du siècle!». Il reste 34 secondes au cadran. Au Canada, c’est l’euphorie d’un océan à l’autre.
 
L’intensité de l’émotion collective alors ressentie pour cet évènement sportif n’a probablement jamais été égalée au Canada depuis.
 
Et dire que, sans le but de Paul Henderson, l’histoire aurait été tout autre.

Francopresse – Marc Poirier

Depuis 67 ans, le Commandement de la d�fense a�rospatiale de lAm�rique du Nord, mieux connu sous lacronyme NORAD, est sur la piste du p�re No�l afin de nourrir le r�ve et limaginaire des enfants.

Cette ann�e encore, le NORAD affecte plusieurs membres de ses effectifs canadiens et am�ricains � cette mission toute sp�ciale. Lop�ration sest mise en branle le 1er d�cembre et culminera � la veille de No�l.

Le capitaine Maxime Cliche, officier des affaires publiques pour la r�gion canadienne du NORAD. Cr�dit : R�gion canadienne du NORAD

Le capitaine Maxime Cliche, officier des affaires publiques pour la r�gion canadienne du NORAD. Cr�dit : R�gion canadienne du NORAD

Le capitaine Maxime Cliche, officier des affaires publiques pour la r�gion canadienne du NORAD et responsable des relations avec les m�dias, livre � Francopresse les dessous de cette op�ration baptis�e �Sur la piste du p�re No�l�.

Comment toute cette aventure a-t-elle commenc� pour le NORAD?

�a a commenc� en 1955. � l�poque, la cha�ne de grands magasins Sears a fait para�tre une annonce avec un num�ro de t�l�phone pour appeler le p�re No�l. Dans lannonce publi�e dans un journal local, il y avait une erreur. On a invers� les deux derniers chiffres. Ce num�ro �tait celui du Centre des op�rations du NORAD [� l�poque, il sagissait du CONAD, centre cr�� en 1958].

Le colonel Harry Shoup est celui qui est � lorigine de lop�ration �Sur la piste du p�re No�l� du NORAD, � la suite dun faux num�ro publi� dans une publicit�. Cr�dit : Archives NORAD

Le colonel Harry Shoup est celui qui est � lorigine de lop�ration �Sur la piste du p�re No�l� du NORAD, � la suite dun faux num�ro publi� dans une publicit�. Cr�dit : Archives NORAD

Un enfant a appel� ce num�ro et le colonel Harry Shoup a r�pondu. Lenfant lui a demand� des informations sur le p�re No�l. Le colonel a jou� le jeu et lui a dit : �Je suis le p�re No�l!�

Le probl�me, cest que le colonel a eu plusieurs autres appels denfants [qui avaient vu cette publicit�] par la suite. Le colonel, ce soir-l�, a demand� � un des officiers pr�sents de r�pondre et de se faire passer pour le p�re No�l. On ne savait pas trop pourquoi les enfants appelaient le Centre des op�rations.

En 1955, le journal de Colorado Springs, aux �tats-Unis, a fait une erreur dans le num�ro de t�l�phone dune publicit� qui sest av�r�e �tre une ligne ultrasecr�te du centre des op�rations de CONAD, lanc�tre du NORAD. Cr�dit : NORAD Public Affairs, Bob Jones

En 1955, le journal de Colorado Springs, aux �tats-Unis, a fait une erreur dans le num�ro de t�l�phone dune publicit� qui sest av�r�e �tre une ligne ultrasecr�te du centre des op�rations de CONAD, lanc�tre du NORAD. Cr�dit : NORAD Public Affairs, Bob Jones

Apr�s coup, l�quipe du NORAD a pens� que c�tait une tr�s bonne id�e. Cest l� quest n�e la mission NORAD Sur la piste du p�re No�l.

Comment cette op�ration a-t-elle �volu�?

Cest s�r que �a sest d�velopp� au cours des ann�es. Maintenant, on fait nos vid�os � saveur canadienne qui seront mises en ligne � compter de la mi-d�cembre et, le 24 au soir, on peut suivre le p�re No�l dans sa course � travers le monde. On a une ligne pour les enfants : 1-877-446-6723. Lorsquils appellent � ce num�ro-l�, ils parlent � des b�n�voles du NORAD qui peuvent r�pondre aux questions des enfants, leur dire o� le p�re No�l est rendu, dans combien de temps il va �tre chez eux. Les b�n�voles regardent la carte et peuvent donner une estimation � lenfant.

Plus de 1500 b�n�voles r�pondent chaque ann�e aux courriels et aux 140	000 appels denfants. Cr�dit : R�gion canadienne du NORAD

Plus de 1500 b�n�voles r�pondent chaque ann�e aux courriels et aux 140 000 appels denfants. Cr�dit : R�gion canadienne du NORAD

Il y a deux ans, on avait 1500 b�n�voles qui r�pondaient aux courriels et au t�l�phone. Pendant la journ�e, on leur fournit des mises � jour pour leur dire o� est le p�re No�l afin quon donne la m�me information, peu importe le b�n�vole.

Le centre dappels se trouve-t-il au Canada?

Le centre dappels est aux �tats-Unis. Ils ont plus de personnel et cest beaucoup plus simple davoir un seul centre dappels. Mais il y a des gens qui parlent fran�ais l�-bas ; on a plusieurs de nos membres canadiens du NORAD qui sont l�-bas.

Et do� proviennent les appels?

Bien, en fait, cest tr�s tr�s surprenant. Des fois, on re�oit des demandes de m�dias europ�ens qui veulent savoir ce quest la piste du p�re No�l.

Parfois, on est d�ploy�s en op�ration dans dautres pays, par exemple en Allemagne, et lorsquon dit quon travaille pour le NORAD, on nous dit : �NORAD, la piste du p�re No�l?�

�a commence � 4 h le matin du 24 d�cembre et g�n�ralement, �a se termine tard en fin de soir�e, quand le p�re No�l a fait le tour du monde.

Est-ce quil arrive que le p�re No�l soit en difficult� et quil ait besoin daide?

Cest pour �a que nous, le 24 d�cembre, si on parle de la r�gion canadienne du NORAD, � la 22e Escadre � North Bay (Ontario), on a des gens qui travaillent sur des radars. Donc, une fois que le p�re No�l entre dans lespace a�rien canadien, on le d�tecte, puis il y a des CF-18 qui d�collent de Cold Lake en Alberta on peut les voir sur des vid�os qui vont escorter le p�re No�l pour sassurer que tout est bien.

Par exemple, si le p�re No�l �chappe un cadeau de son traineau, les CF-18 peuvent le d�tecter. On informe le p�re No�l et il peut aller le chercher. Cest notre mission, cette soir�e-l�.

Vous surveillez aussi les conditions m�t�orologiques?

Tout � fait. Les conditions m�t�orologiques, mais il ne faut pas oublier que, bien quon soit le 24 d�cembre, le p�re No�l nest pas tout seul dans le ciel. Donc nous, avec la 22e Escadre, avec les radars, on est capables de voir tout le trafic a�rien canadien. Cest dailleurs quelque chose quon fait 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Donc, on est capables de dire au p�re No�l : �Oh, attention, il y a beaucoup davions dans ce coin-ci, peut-�tre mieux de prendre une autre route.� Donc, avec notre aide, le p�re No�l est capable de circuler � travers le Canada dune fa�on s�curitaire.

Le centre op�rationnel de la 22e Escadre � North Bay, en Ontario, surveille de pr�s lespace a�rien afin dassurer la s�curit� du p�re No�l. Cr�dit : Caporal Rob Ouellette, R�gion canadienne du NORAD

Le centre op�rationnel de la 22e Escadre � North Bay, en Ontario, surveille de pr�s lespace a�rien afin dassurer la s�curit� du p�re No�l. Cr�dit : Caporal Rob Ouellette, R�gion canadienne du NORAD

Mais avec la technologie de No�l, cest lui qui fait la majorit� du travail. Son traineau est propuls� avec la magie de No�l. On est capable daller aussi vite que lui, mais, technologiquement, on nest pas rendu aussi performant que lui. Mais on en est � notre 67e �dition. Cest une machine qui est bien huil�e.

Les propos ont �t� r�organis�s pour des raisons de longueur et de coh�rence.

Francopresse – Marc Poirier

Depuis 67 ans, le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, mieux connu sous l’acronyme NORAD, est sur la piste du père Noël afin de nourrir le rêve et l’imaginaire des enfants.

Cette année encore, le NORAD affecte plusieurs membres de ses effectifs canadiens et américains à cette mission toute spéciale. L’opération s’est mise en branle le 1er décembre et culminera à la veille de Noël.

Le capitaine Maxime Cliche, officier des affaires publiques pour la région canadienne du NORAD. Crédit : Région canadienne du NORAD

Le capitaine Maxime Cliche, officier des affaires publiques pour la région canadienne du NORAD. Crédit : Région canadienne du NORAD

Le capitaine Maxime Cliche, officier des affaires publiques pour la région canadienne du NORAD et responsable des relations avec les médias, livre à Francopresse les dessous de cette opération baptisée «Sur la piste du père Noël».

Comment toute cette aventure a-t-elle commencé pour le NORAD?

Ça a commencé en 1955. À l’époque, la chaîne de grands magasins Sears a fait paraître une annonce avec un numéro de téléphone pour appeler le père Noël. Dans l’annonce publiée dans un journal local, il y avait une erreur. On a inversé les deux derniers chiffres. Ce numéro était celui du Centre des opérations du NORAD [à l’époque, il s’agissait du CONAD, centre créé en 1958].

Le colonel Harry Shoup est celui qui est à l’origine de l’opération «Sur la piste du père Noël» du NORAD, à la suite d’un faux numéro publié dans une publicité. Crédit : Archives NORAD

Le colonel Harry Shoup est celui qui est à l’origine de l’opération «Sur la piste du père Noël» du NORAD, à la suite d’un faux numéro publié dans une publicité. Crédit : Archives NORAD

Un enfant a appelé ce numéro et le colonel Harry Shoup a répondu. L’enfant lui a demandé des informations sur le père Noël. Le colonel a joué le jeu et lui a dit : «Je suis le père Noël!»

Le problème, c’est que le colonel a eu plusieurs autres appels d’enfants [qui avaient vu cette publicité] par la suite. Le colonel, ce soir-là, a demandé à un des officiers présents de répondre et de se faire passer pour le père Noël. On ne savait pas trop pourquoi les enfants appelaient le Centre des opérations.

En 1955, le journal de Colorado Springs, aux États-Unis, a fait une erreur dans le numéro de téléphone d’une publicité qui s’est avérée être une ligne ultrasecrète du centre des opérations de CONAD, l’ancêtre du NORAD. Crédit : NORAD Public Affairs, Bob Jones

En 1955, le journal de Colorado Springs, aux États-Unis, a fait une erreur dans le numéro de téléphone d’une publicité qui s’est avérée être une ligne ultrasecrète du centre des opérations de CONAD, l’ancêtre du NORAD. Crédit : NORAD Public Affairs, Bob Jones

Après coup, l’équipe du NORAD a pensé que c’était une très bonne idée. C’est là qu’est née la mission NORAD – Sur la piste du père Noël.

Comment cette opération a-t-elle évolué?

C’est sûr que ça s’est développé au cours des années. Maintenant, on fait nos vidéos à saveur canadienne qui seront mises en ligne à compter de la mi-décembre et, le 24 au soir, on peut suivre le père Noël dans sa course à travers le monde. On a une ligne pour les enfants : 1-877-446-6723. Lorsqu’ils appellent à ce numéro-là, ils parlent à des bénévoles du NORAD qui peuvent répondre aux questions des enfants, leur dire où le père Noël est rendu, dans combien de temps il va être chez eux. Les bénévoles regardent la carte et peuvent donner une estimation à l’enfant.

Plus de 1500 bénévoles répondent chaque année aux courriels et aux 140 000 appels d’enfants. Crédit : Région canadienne du NORAD

Plus de 1500 bénévoles répondent chaque année aux courriels et aux 140 000 appels d’enfants. Crédit : Région canadienne du NORAD

Il y a deux ans, on avait 1500 bénévoles qui répondaient aux courriels et au téléphone. Pendant la journée, on leur fournit des mises à jour pour leur dire où est le père Noël afin qu’on donne la même information, peu importe le bénévole.

Le centre d’appels se trouve-t-il au Canada?

Le centre d’appels est aux États-Unis. Ils ont plus de personnel et c’est beaucoup plus simple d’avoir un seul centre d’appels. Mais il y a des gens qui parlent français là-bas ; on a plusieurs de nos membres canadiens du NORAD qui sont là-bas.

Et d’où proviennent les appels?

Bien, en fait, c’est très très surprenant. Des fois, on reçoit des demandes de médias européens qui veulent savoir ce qu’est la piste du père Noël.

Parfois, on est déployés en opération dans d’autres pays, par exemple en Allemagne, et lorsqu’on dit qu’on travaille pour le NORAD, on nous dit : «NORAD, la piste du père Noël?»

Ça commence à 4 h le matin du 24 décembre et généralement, ça se termine tard en fin de soirée, quand le père Noël a fait le tour du monde.

Est-ce qu’il arrive que le père Noël soit en difficulté et qu’il ait besoin d’aide?

C’est pour ça que nous, le 24 décembre, si on parle de la région canadienne du NORAD, à la 22e Escadre à North Bay (Ontario), on a des gens qui travaillent sur des radars. Donc, une fois que le père Noël entre dans l’espace aérien canadien, on le détecte, puis il y a des CF-18 qui décollent de Cold Lake en Alberta – on peut les voir sur des vidéos – qui vont escorter le père Noël pour s’assurer que tout est bien.

Par exemple, si le père Noël échappe un cadeau de son traineau, les CF-18 peuvent le détecter. On informe le père Noël et il peut aller le chercher. C’est notre mission, cette soirée-là.

Vous surveillez aussi les conditions météorologiques?

Tout à fait. Les conditions météorologiques, mais il ne faut pas oublier que, bien qu’on soit le 24 décembre, le père Noël n’est pas tout seul dans le ciel. Donc nous, avec la 22e Escadre, avec les radars, on est capables de voir tout le trafic aérien canadien. C’est d’ailleurs quelque chose qu’on fait 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Donc, on est capables de dire au père Noël : «Oh, attention, il y a beaucoup d’avions dans ce coin-ci, peut-être mieux de prendre une autre route.» Donc, avec notre aide, le père Noël est capable de circuler à travers le Canada d’une façon sécuritaire.

Le centre opérationnel de la 22e Escadre à North Bay, en Ontario, surveille de près l’espace aérien afin d’assurer la sécurité du père Noël. Crédit : Caporal Rob Ouellette, Région canadienne du NORAD

Le centre opérationnel de la 22e Escadre à North Bay, en Ontario, surveille de près l’espace aérien afin d’assurer la sécurité du père Noël. Crédit : Caporal Rob Ouellette, Région canadienne du NORAD

Mais avec la technologie de Noël, c’est lui qui fait la majorité du travail. Son traineau est propulsé avec la magie de Noël. On est capable d’aller aussi vite que lui, mais, technologiquement, on n’est pas rendu aussi performant que lui. Mais on en est à notre 67e édition. C’est une machine qui est bien huilée.

Les propos ont été réorganisés pour des raisons de longueur et de cohérence.

Francopresse – Marc Poirier

Pour bien comprendre les origines de cette fête de la fin octobre, il faut regarder très loin dans le rétroviseur. Des milliers d’années en arrière.

Dans le nord de l’Irlande, chaque 1er novembre, le soleil levant éclaire l’entrée du mont des Otages, placée dans un angle précis pour accueillir la lumière de l’astre du matin.

Le 1er novembre avait une signification particulière pour cette tombe située sur la colline de Tara, en Irlande. Crédit - Creative Commons, August Schwerdfeger.

Le 1er novembre avait une signification particulière pour cette tombe située sur la colline de Tara, en Irlande. Crédit – Creative Commons, August Schwerdfeger.

Le mont (ou monticule) des Otages (Mound of the Hostages en anglais, Duma na nGiall, en gaélique irlandais) était une tombe en forme de dôme munie de plusieurs chambres où, selon des experts, plus de 300 personnes seraient enterrées, souvent avec des bijoux.

On estime qu’elle a été construite entre 4000 et 3000 avant J.-C., sur le site sacré de Tara, associé aux anciens rois irlandais et aux rites religieux préhistoriques. Les spécialistes ont calculé que les plus récents enterrements datent de 1500 avant J.-C.

Les Celtes, qui arrivent d’Europe continentale, s’installent en Irlande environ 1000 ans plus tard, dans les années 500 avant J.-C. Ils vont à leur tour associer le début de novembre aux morts par une de leur fête, le Samhain.

Pour les Celtes, l’arrivée de novembre marquait le début de l’hiver et de la saison sombre. C’était un temps associé aux morts. Le nom Samhain signifie pour certains «fin de l’été» et pour d’autres, «réunion, rassemblement». Plus qu’un passage annuel du temps, il s’agit d’une fête de transition entre le monde physique et le monde spirituel.

Célébration néopaïenne en Irlande marquant le Samhain, ancienne fête celte à l’origine de l’Halloween. Crédit : Wikimedia Commons

Célébration néopaïenne en Irlande marquant le Samhain, ancienne fête celte à l’origine de l’Halloween. Crédit : Wikimedia Commons

La croyance de l’époque voulait en effet qu’à ce moment de l’année, les morts puissent revenir du côté du réel, ou encore que ceux qui étaient décédés au cours de l’année, mais qui n’étaient pas encore passés du côté des ténèbres puissent faire leur passage à cet instant, non sans avoir eu des contacts avec les vivants. C’est ce qu’au Mexique ils appellent el día des los muertos.

Le point culminant du «festival» Samhain arrivait le 1er novembre, selon notre calendrier moderne. Ce jour-là, des gens se déguisaient pour éviter que leurs proches décédés les reconnaissent et les emmènent avec eux. Pas mal futés ces Celtes!

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Pendant ces jours de fête, de grands feux sacrés étaient allumés sous l’autorité des druides, sur la colline de Ward, non loin du mont des Otages construit par les peuples préhistoriques en Irlande. Cela marque donc une évolution des rites. Une autre transformation s’annonce cependant.

Samhain, Toussaint, la veille des saints, Halloween

La religion chrétienne se répand en Irlande autour du Ve siècle. Comme ailleurs, ceux qui veulent convertir les païens se confrontent aux croyances de ceux-ci. À l’instar de ce qu’elle a fait pour d’autres fêtes païennes, l’Église réussira à abolir le Samhain en lui substituant une de ses propres fêtes : la Toussaint.

La Toussaint était célébrée depuis le IVe siècle et honorait alors tous les martyrs. La fête avait lieu le dimanche qui suivait la Pentecôte, au printemps.

Vers l’an 610, le pape Boniface IV fixe la Toussaint au 13 mai; on célèbre alors tous les saints, connus ou pas. Puis, en 835, le pape Grégoire III la déplace au 1er novembre afin, selon certains, de précisément supplanter le Samhain.

La manœuvre sera couronnée de succès.

Au tournant du premier millénaire, une autre fête fait son apparition dans l’Église catholique, soit la fête des Morts, ou encore des âmes, qui sera célébrée le 2 novembre, c’est-à-dire le lendemain de la Toussaint. Cette fête a pour but de prier pour les âmes qui souffrent au purgatoire, afin qu’elles accèdent au paradis.

Le 1er novembre est la fête catholique de la Toussaint, que l’Église a associée à la fête païenne de Samhain afin de faire disparaître les rites non chrétiens chez les Celtes. Crédit : Creative Commons

Le 1er novembre est la fête catholique de la Toussaint, que l’Église a associée à la fête païenne de Samhain afin de faire disparaître les rites non chrétiens chez les Celtes. Crédit : Creative Commons

En Irlande, tous ces rituels celtiques, fête des saints, des morts, des âmes prisonnières entre l’enfer et le paradis, vont s’entremêler. Chez les catholiques croyants, la Toussaint et la fête des Morts vont l’emporter, mais certaines coutumes païennes vont survivre, comme le fait de se déguiser le 31 octobre.

L’Halloween arrive en Amérique du Nord

Au XIXe siècle, les Irlandais fuient en masse la famine dans leur pays et porteront avec eux leur tradition de l’Halloween en immigrant en Amérique du Nord.

Selon l’Encyclopédie canadienne, «le premier cas connu de déguisement pour la fête d’Halloween en Amérique du Nord est observé en 1898 à Vancouver». Mais l’agence Reuters avance plutôt que l’Halloween a fait son apparition aux États-Unis en 1840. Comme quoi les «faits» historiques peuvent parfois varier énormément, selon qui les présente ou les interprète.

Et la citrouille? En Irlande, on avait coutume de sculpter des visages démoniaques sur des légumes, comme des navets, des betteraves ou même des pommes de terre. On évidait ceux-ci pour y installer une bougie et en faire une lampe.

Les premiers «Jack-O'Lantern» était fabriqués avec des navets. Les Irlandais immigrés en Amérique du Nord lui ont substitué la citrouille. Crédit : Creative Commons

Les premiers «Jack-O’Lantern» était fabriqués avec des navets. Les Irlandais immigrés en Amérique du Nord lui ont substitué la citrouille. Crédit : Creative Commons

Cette pratique trouve son origine dans une légende irlandaise. Stingy Jack était un personnage méchant qui buvait à l’excès, allant de pub en pub. Le Diable décide de venir le chercher pour l’emmener en enfer. Mais Jack réussit à le déjouer et échappe à son sort. Il est cependant condamné à errer en s’éclairant d’une lanterne faite d’un navet dans lequel brille une bougie.

En Amérique du Nord, le navet est remplacé par une citrouille et la lanterne ainsi créée sera appelée «Jack O’Lantern».

La citrouille comme telle deviendra un symbole de l’Halloween, et la tradition gagnera tellement en popularité qu’elle sera exportée en Europe. Un vrai échange culturel!

D’où vient le mot Halloween?

En vieil anglais, «hallow» veut dire saint. La Toussaint se nommait «All Hallows’ Day», ou le jour de tous les saints. Le 31 octobre devient alors «All Hallow’s Eve» la veille de la Toussaint, une journée de prière et de jeûne en préparation de la grande fête du lendemain.
Le nom «All Hallows’ Eve» évoluera au fil du temps pour devenir «Halloween» et les pratiques chrétiennes seront délaissées au profit de rites païens qui ont survécu.

Un succès commercial

Selon Hellosafe, les Canadiens dépenseront cette année 1,64 milliard $ pour célébrer l’Halloween, soit près de 88 $ par personne.
Près de 500 millions de friandises seront vendues au pays. L’étude ne dit cependant pas combien de caries apparaîtront en novembre!

Ce texte fait partie d’une série publiée par Francopresse intitulée, Dans le rétroviseur.

Francopresse – Marc Poirier

Pour bien comprendre les origines de cette f�te de la fin octobre, il faut regarder tr�s loin dans le r�troviseur. Des milliers dann�es en arri�re.

Dans le nord de lIrlande, chaque 1er novembre, le soleil levant �claire lentr�e du mont des Otages, plac�e dans un angle pr�cis pour accueillir la lumi�re de lastre du matin.

Le 1er novembre avait une signification particuli�re pour cette tombe situ�e sur la colline de Tara, en Irlande. Cr�dit - Creative Commons, August Schwerdfeger.

Le 1er novembre avait une signification particuli�re pour cette tombe situ�e sur la colline de Tara, en Irlande. Cr�dit – Creative Commons, August Schwerdfeger.

Le mont (ou monticule) des Otages (Mound of the Hostages en anglais, Duma na nGiall, en ga�lique irlandais) �tait une tombe en forme de d�me munie de plusieurs chambres o�, selon des experts, plus de 300 personnes seraient enterr�es, souvent avec des bijoux.

On estime quelle a �t� construite entre 4000 et 3000 avant J.-C., sur le site sacr� de Tara, associ� aux anciens rois irlandais et aux rites religieux pr�historiques. Les sp�cialistes ont calcul� que les plus r�cents enterrements datent de 1500 avant J.-C.

Les Celtes, qui arrivent dEurope continentale, sinstallent en Irlande environ 1000 ans plus tard, dans les ann�es 500 avant J.-C. Ils vont � leur tour associer le d�but de novembre aux morts par une de leur f�te, le Samhain.

Pour les Celtes, larriv�e de novembre marquait le d�but de lhiver et de la saison sombre. C�tait un temps associ� aux morts. Le nom Samhain signifie pour certains �fin de l�t� et pour dautres, �r�union, rassemblement�. Plus quun passage annuel du temps, il sagit dune f�te de transition entre le monde physique et le monde spirituel.

C�l�bration n�opa�enne en Irlande marquant le Samhain, ancienne f�te celte � lorigine de lHalloween. Cr�dit : Wikimedia Commons

C�l�bration n�opa�enne en Irlande marquant le Samhain, ancienne f�te celte � lorigine de lHalloween. Cr�dit : Wikimedia Commons

La croyance de l�poque voulait en effet qu� ce moment de lann�e, les morts puissent revenir du c�t� du r�el, ou encore que ceux qui �taient d�c�d�s au cours de lann�e, mais qui n�taient pas encore pass�s du c�t� des t�n�bres puissent faire leur passage � cet instant, non sans avoir eu des contacts avec les vivants. Cest ce quau Mexique ils appellent el d�a des los muertos.

Le point culminant du �festival� Samhain arrivait le 1er novembre, selon notre calendrier moderne. Ce jour-l�, des gens se d�guisaient pour �viter que leurs proches d�c�d�s les reconnaissent et les emm�nent avec eux. Pas mal fut�s ces Celtes!

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Pendant ces jours de f�te, de grands feux sacr�s �taient allum�s sous lautorit� des druides, sur la colline de Ward, non loin du mont des Otages construit par les peuples pr�historiques en Irlande. Cela marque donc une �volution des rites. Une autre transformation sannonce cependant.

Samhain, Toussaint, la veille des saints, Halloween

La religion chr�tienne se r�pand en Irlande autour du Ve si�cle. Comme ailleurs, ceux qui veulent convertir les pa�ens se confrontent aux croyances de ceux-ci. � linstar de ce quelle a fait pour dautres f�tes pa�ennes, l�glise r�ussira � abolir le Samhain en lui substituant une de ses propres f�tes : la Toussaint.

La Toussaint �tait c�l�br�e depuis le IVe si�cle et honorait alors tous les martyrs. La f�te avait lieu le dimanche qui suivait la Pentec�te, au printemps.

Vers lan 610, le pape Boniface IV fixe la Toussaint au 13 mai; on c�l�bre alors tous les saints, connus ou pas. Puis, en 835, le pape Gr�goire III la d�place au 1er novembre afin, selon certains, de pr�cis�ment supplanter le Samhain.

La manSuvre sera couronn�e de succ�s.

Au tournant du premier mill�naire, une autre f�te fait son apparition dans l�glise catholique, soit la f�te des Morts, ou encore des �mes, qui sera c�l�br�e le 2 novembre, cest-�-dire le lendemain de la Toussaint. Cette f�te a pour but de prier pour les �mes qui souffrent au purgatoire, afin quelles acc�dent au paradis.

Le 1er novembre est la f�te catholique de la Toussaint, que l�glise a associ�e � la f�te pa�enne de Samhain afin de faire dispara�tre les rites non chr�tiens chez les Celtes. Cr�dit : Creative Commons

Le 1er novembre est la f�te catholique de la Toussaint, que l�glise a associ�e � la f�te pa�enne de Samhain afin de faire dispara�tre les rites non chr�tiens chez les Celtes. Cr�dit : Creative Commons

En Irlande, tous ces rituels celtiques, f�te des saints, des morts, des �mes prisonni�res entre lenfer et le paradis, vont sentrem�ler. Chez les catholiques croyants, la Toussaint et la f�te des Morts vont lemporter, mais certaines coutumes pa�ennes vont survivre, comme le fait de se d�guiser le 31 octobre.

LHalloween arrive en Am�rique du Nord

Au XIXe si�cle, les Irlandais fuient en masse la famine dans leur pays et porteront avec eux leur tradition de lHalloween en immigrant en Am�rique du Nord.

Selon lEncyclop�die canadienne, �le premier cas connu de d�guisement pour la f�te dHalloween en Am�rique du Nord est observ� en 1898 � Vancouver�. Mais lagence Reuters avance plut�t que lHalloween a fait son apparition aux �tats-Unis en 1840. Comme quoi les �faits� historiques peuvent parfois varier �norm�ment, selon qui les pr�sente ou les interpr�te.

Et la citrouille? En Irlande, on avait coutume de sculpter des visages d�moniaques sur des l�gumes, comme des navets, des betteraves ou m�me des pommes de terre. On �vidait ceux-ci pour y installer une bougie et en faire une lampe.

Les premiers �Jack-O'Lantern� �tait fabriqu�s avec des navets. Les Irlandais immigr�s en Am�rique du Nord lui ont substitu� la citrouille. Cr�dit : Creative Commons

Les premiers �Jack-O’Lantern� �tait fabriqu�s avec des navets. Les Irlandais immigr�s en Am�rique du Nord lui ont substitu� la citrouille. Cr�dit : Creative Commons

Cette pratique trouve son origine dans une l�gende irlandaise. Stingy Jack �tait un personnage m�chant qui buvait � lexc�s, allant de pub en pub. Le Diable d�cide de venir le chercher pour lemmener en enfer. Mais Jack r�ussit � le d�jouer et �chappe � son sort. Il est cependant condamn� � errer en s�clairant dune lanterne faite dun navet dans lequel brille une bougie.

En Am�rique du Nord, le navet est remplac� par une citrouille et la lanterne ainsi cr��e sera appel�e �Jack OLantern�.

La citrouille comme telle deviendra un symbole de lHalloween, et la tradition gagnera tellement en popularit� quelle sera export�e en Europe. Un vrai �change culturel!

Do� vient le mot Halloween?

En vieil anglais, �hallow� veut dire saint. La Toussaint se nommait �All Hallows Day�, ou le jour de tous les saints. Le 31 octobre devient alors �All Hallows Eve� la veille de la Toussaint, une journ�e de pri�re et de je�ne en pr�paration de la grande f�te du lendemain.
Le nom �All Hallows Eve� �voluera au fil du temps pour devenir �Halloween� et les pratiques chr�tiennes seront d�laiss�es au profit de rites pa�ens qui ont surv�cu.

Un succ�s commercial

Selon Hellosafe, les Canadiens d�penseront cette ann�e 1,64 milliard $ pour c�l�brer lHalloween, soit pr�s de 88 $ par personne.
Pr�s de 500 millions de friandises seront vendues au pays. L�tude ne dit cependant pas combien de caries appara�tront en novembre!

Ce texte fait partie d’une s�rie publi�e par Francopresse intitul�e, Dans le r�troviseur.