le Vendredi 26 avril 2024

 

Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

 

Les premières réactions de la francophonie albertaine vis-à-vis de ces choix politiques semblent optimistes. Avec une vision, cinq objectifs, un plan de 75 actions à réaliser sur une durée de trois ans et un investissement total de 24,5 millions de dollars, cette politique est un réel engagement de Québec pour soutenir les francophonies canadiennes. Elle s’annonce audacieuse et de bon augure.

 

«Elle est extrêmement ambitieuse», déclare Valérie Lapointe Gagnon, professeure agrégée d’histoire et droits linguistiques au Campus Saint-Jean. D’ailleurs, l’une de ses orientations est de favoriser une meilleure connaissance mutuelle entre le Québec et les communautés francophones.

 

«On part de loin», dit Mme Lapointe Gagnon. Un avis partagé par Étienne, directeur général du Conseil de développement économique de l’Alberta, organisme responsable du volet touristique en français pour la province. Il explique que les Québécois ne connaissent pas l’existence de la communauté franco-albertaine. En fait, c’est seulement à leur arrivée en Alberta que les touristes québécois découvrent l’existence de la richesse francophone.

Valérie Lapointe Gagnon, Étienne Alary, Isabelle Laurin. Crédits : Courtoisie

Valérie Lapointe Gagnon, Étienne Alary, Isabelle Laurin. Crédits : Courtoisie

 

De plus, Valérie Lapointe Gagnon explique avoir eu des échos négatifs de la part de certains Québécois à la suite de l’annonce de l’investissement du gouvernement envers les francophonies canadiennes. Selon d’autres observateurs, ils montrent aussi de la résistance, même sur les réseaux sociaux comme Twitter.

 

La professeure agrégée explique que ces efforts pour protéger le français ne doivent pas être concentrés juste au Québec mais partout au Canada. Comme constat, elle ajoute qu’il «y a beaucoup de travail à faire» pour faire connaître la présence bruyante des communautés francophones de l’Ouest aux Québécois sans qu’ils quittent leur province francophone.

 

Optimiste, Isabelle Laurin, directrice générale de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), souhaite que l’instauration de la Journée québécoise de la francophonie canadienne en date du 22 mars de chaque année aide à promouvoir la présence des communautés francophones partout au pays. «On espère qu’elle va appuyer une meilleure connaissance des Québécois à l’égard de la francophonie canadienne et des différentes cultures qui la compose.»

 

«On espère qu’elle va appuyer une meilleure connaissance des Québécois à l’égard de la francophonie canadienne.» Isabelle Laurin

 

Un chef de file

Pour Québec, se doter d’une politique en matière de francophonie canadienne est une façon de devenir le chef de file dans la défense de la langue française. «C’est un gros morceau à l’échelle nord-américaine et le français est menacé de partout», souligne Valérie Lapointe Gagnon.

 

La professeure raconte que dans le passé, le Québec avait déjà exprimé sa volonté de jouer ce rôle de meneur, mais aucune action n’avait été concrétisée. Cependant, la situation est différente et, maintenant, «on veut mobiliser les ressources» pour protéger la francophonie.

 

Avec ses actions, Étienne Alary observe que le gouvernement québécois veut travailler en équipe avec les francophonies canadiennes dans la promotion de la langue de Molière. «Il les valorise et les met en valeur.»

 

Un pas dans la bonne direction

Valérie Lapointe Gagnon voit donc la Politique du Québec en matière de francophonie canadienne d’un bon œil. «C’est un pas dans la bonne direction.» On peut d’ailleurs considérer le travail de consultation effectué en amont et notamment lors du Sommet sur les rapprochements des francophonies canadiennes. Cet événement a démontré que ses leaders veulent faire partie de la solution, estime-t-elle.

 

«C’est un pas dans la bonne direction.» Valérie Lapointe Gagnon

 

Et maintenant? La professeure du Campus Saint-Jean mentionne que même si la politique est lancée, Québec doit continuer ses démarches de dialogue avec les communautés francophones situées dans les quatre coins du pays.

 

Néanmoins, Québec montre déjà qu’elle est sérieuse dans ses démarches puisque les 9 et 10 mai prochain, elle sera l’hôte de la première rencontre «Mobilisation Franco» avec les leaders des francophonies canadiennes.

 

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Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

Dans les années 1950, l’Union catholique des cultivateurs (UCC) avait comme objectif d’établir des paroisses francophones et catholiques en région rurale en Alberta. Dix familles telles que les Lajoie, les Bergeron et les Girard quittent le Saguenay-Lac-Saint-Jean afin de migrer dans les campagnes albertaines pour cultiver la terre.

Avec cinq autres familles, les Bergeron et les Girard s’établissent à Saint-Isidore dans la région de Rivière-la-Paix. Quant aux Lajoie, ils s’installent à LaCorey, dans le diocèse de Saint-Paul, avec deux autres familles.

À leur arrivée en Alberta, Jean-Claude Lajoie et Ghislain Bergeron sont au début de l’adolescence. Même s’ils n’habitent pas dans la même région rurale, ils ont une expérience similaire de l’école secondaire. Chaque jour, ils ont une heure d’apprentissage de la langue française et le reste des cours sont censés être donnés en anglais.

«Sauf que tous les élèves et les professeurs étaient francophones, alors l’enseignement se faisait en français, même l’anglais. On l’apprenait, mais il était expliqué en français», s’esclaffe M. Bergeron.

«Sauf que tous les élèves et les professeurs étaient francophones, alors l’enseignement se faisait en français, même l’anglais. On l’apprenait, mais il était expliqué en français.» Ghislain Bergeron

Quant à Thérèse Dallaire, née Girard, elle a 18 ans lorsque sa famille et elle déposent leurs valises à Saint-Isidore. Peu de temps après, elle déménage dans le village de Saint-Paul pour devenir cuisinière. Elle se rappelle que le français se faisait entendre couramment autant à Saint-Isidore qu’à Saint-Paul.

Dans les paroisses et les régions rurales, de grands événements tels que des pique-niques paroissiaux, des bazars ou les cérémonies de la Saint-Jean-Baptiste sont organisés en français. «C’était la belle époque où la francophonie allait de soi», dit Jean-Claude Lajoie, un brin de nostalgie dans la voix.

La modernisation des langues officielles

Jusqu’en 1969, les villages francophones de l’Ouest sont isolés puisque la plupart de ses habitants ne voyagent pas souvent dans la province. Une sédentarité qui, selon M. Lajoie, a participé à la sécurité linguistique. «La langue française était protégée», se remémore-t-il.

Lorsque la Loi sur les langues officielles proposée par le gouvernement libéral dirigé par Pierre Elliott Trudeau est adoptée en 1969, l’anglais et le français deviennent alors les deux langues officielles du Canada. La dynamique de la francophonie albertaine change. Les organismes francophones commencent à recevoir des subventions de la part du gouvernement fédéral.

Les francophones des paroisses commencent alors à assister à des activités à travers la province. «Il y avait désormais une intercommunication entre les régions telles que Calgary, Edmonton, Rivière-la-Paix et Saint-Paul», se rappelle Jean-Claude Lajoie.

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Tranquillement, les francophones commencent à quitter leur village pour s’établir ailleurs. À l’inverse, les anglophones deviennent de plus en plus nombreux dans ces villages auparavant largement francophones.

Dans les milieux ruraux, les deux communautés se mélangent. Comme tous les Franco-Albertains sont capables de parler la langue de Shakespeare, celle-ci prend le dessus sur celle de Molière. Lorsque leurs voisins anglophones sont présents, les francophones adoptent leur langue afin de faciliter la communication.

Dans les lieux publics comme à l’église et lors d’événements bilingues, M. Lajoie raconte que le français est opprimé. Régulièrement, il se fait dire que tout le monde parle anglais, alors pourquoi continuer de parler dans les deux langues officielles? «Ce raisonnement est toujours présent de nos jours», dit-il avec amertume.

Des chansons françaises

Bien qu’ils soient aujourd’hui entourés d’anglophones, Jean-Claude Lajoie, Thérèse Dallaire et Ghislain Bergeron continuent à vivre leur francophonie dans leur cocon familial respectif. Ils s’impliquent aussi beaucoup dans la communauté francophone.

Mme Dallaire a travaillé notamment au secrétariat provincial de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) puis a occupé le poste de directrice de la Régionale de Bonnyville. Dans son temps libre, elle est comédienne et a joué sur les planches de L’UniThéâtre.

Jean-Claude Lajoie, lui, s’est démarqué dans le domaine du développement culturel et artistique de la francophonie. Il a notamment été coprésident de la première édition du Festival Edmonton Chante. Quant à Ghislain Bergeron, il a, entre autres, créé le cabinet de comptabilité Bergeron & Co.

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Les deux hommes ont une passion commune, la chanson. Lorsqu’ils font des spectacles, ils insistent pour se produire principalement en français, et ce, même si M. Lajoie chante dans les deux langues. Ghislain Bergeron lui ne chante qu’en français.

En vivant dans une province anglophone, ce dernier en a surpris plus d’un. Il se souvient avoir déjà participé à un mariage avec son orchestre francophone Ghislain Bergeron et son ensemble. Sa musique a déplu à l’organisateur de la réception, le père de la mariée, pourtant lui-même francophone. «Après avoir joué trois chansons, il vient nous voir pour nous demander de chanter en anglais.»

Cet homme n’était pas à l’aise parce que plusieurs des invités ne s’exprimaient qu’en anglais. «Pour lui, ce n’était pas normal [que la musique soit francophone]». D’autres membres du groupe se sont alors exécutés pour quelques chansons. Ensuite, l’orchestre a recommencé à chanter en français. La soirée s’est finalement bien déroulée et «tout le monde était content de la musique et on a montré qu’on pouvait s’amuser en français».

«Tout le monde était content de la musique et on a montré qu’on pouvait s’amuser en français.» Ghislain Bergeron

L’effritement de la langue de Molière

Aujourd’hui, les trois aînés parlent encore très bien français. Jean-Claude Lajoie est fier de dire que tous les membres de sa descendance sont capables de s’exprimer dans la langue de Molière.

Pour Thérèse Dallaire, la situation est différente. Elle a des petits-enfants et des arrière-petits-enfants qui ne sont pas capables de parler en français. «Je ne sais pas où ça s’est effrité puisque j’ai fait tout mon possible pour qu’on garde le français dans la famille.» Néanmoins, elle les aime tous et elle respecte leur choix de ne pas apprendre sa langue maternelle.

Par contre, même si l’effritement de la francophonie existe dans les familles fondatrices de plusieurs villages et villes albertaines, l’Alberta rassemble tout de même la troisième plus grande communauté francophone au Canada en situation minoritaire.

Certains de ses membres restent cachés puisqu’ils s’expriment constamment en anglais. Ce qui n’est pas le cas de Thérèse Dallaire qui demande à être servie en français partout où elle va. Elle confirme qu’il y a souvent quelqu’un qui est capable de s’exprimer dans sa langue.

«Si tous les francophones de l’Alberta parlaient français entre eux dans les endroits publics, on serait estomaqué de voir combien de personnes parleraient français», conclut Jean-Claude Lajoie.

Le 23 mars dernier, lors de sa réunion ordinaire, le Conseil élu du Conseil scolaire Centre-Nord (CSCN) a adopté unanimement le fait de confier le mandat au directeur générale d’explorer toutes les avenues possible incluant au niveau juridique pour faire avancer les dossiers d’immobilisation et du financement du CSCN.

 

Cette réponse fait suite à l’exclusion par le gouvernement provincial des demandes d’immobilisations francophones du budget 2022. En effet, suite à cette décision budgétaire, le gouvernement albertain ne respecte pas l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés et le jugement de la Cour suprême prononcé en juin 2020 concernant l’équivalence des écoles francophones en milieu minoritaire.

 

Ce dernier recours est envisageable si toutes les autres possibilités pour faire respecter l’équivalence scolaire de ses écoles francophones n’aboutissent pas. «Le CSCN continuera de revendiquer avec ferveur une éducation en français langue première qui est véritablement équivalente à celle offerte en anglais et en immersion», déclare Tanya Saumure, la présidente du CSCN par voie de communiqué de presse.

 

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Depuis deux ans, la COVID-19 fait des ravages en Alberta. Alors que la population a payé un certain prix avec plus de 4000 morts dans la province, la pandémie a aussi hypothéqué le système de santé albertain et ses professionnels. Travailleurs de première ligne, ils ont été et restent les témoins d’une souffrance, parfois indicible, des patients et de leur famille. Certains de ces soignants ont développé une détresse psychologique qui a eu un impact remarquable sur leur carrière. 

Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco     

Infirmier depuis 18 ans, Jacques Kanku raconte qu’au commencement de la pandémie, ses collègues et lui étaient terrifiés. «Le nombre de patients augmentait chaque jour et les gens mourraient en grand nombre. Partout, c’était la panique totale!»

«Le nombre de patients augmentait chaque jour et les gens mourraient en grand nombre. Partout, c’était la panique totale!» Jacques Kanku

À l’époque, la maladie est inconnue de tous. Aucun remède n’existe. Toutefois, le milieu scientifique mondial travaille d’arrache-pied à fabriquer un vaccin contre la COVID-19. Il est arrivé au Canada en décembre 2020, soit neuf mois après le début de la pandémie.

Pendant ce temps, Jacques Kanku se rappelle que les travailleurs de la santé qu’il côtoie sont désemparés de la situation puisqu’aucune solution n’existe pour soigner la maladie. La plupart des patients sont intubés aux respirateurs artificiels, chose qu’ils n’avaient jamais vue auparavant.

La tranche de la population qui est la plus atteinte est celle des personnes âgées. «Quand l’un d’entre eux rentrait à l’hôpital, ce n’était pas sûr qu’il allait en sortir vivant. C’était une grande désolation.»

 

Des conséquences désastreuses 

Être témoin de la souffrance de leurs patients et les voir mourir tous les jours, «c’était traumatisant», se remémore l’infirmier. Leur niveau de stress est élevé. Il voit ses collègues «tombés au combat», qui s’absentent de plus en plus avec des conséquences sur les effectifs et les équipes. En effet, ceux qui restent en poste voient leur nombre d’heures de travail augmenté en flèche.

Le cercle infernal est bouclé avec les conséquences que l’on connait : chirurgies reportées, délais d’attente extrêmement longs pour une consultation chez un spécialiste ou dans un laboratoire d’analyse, vague de délestage de patients aux États-Unis, etc.

Certains sont marqués par un stress post-traumatique. «Les gens sont tellement traumatisés qu’ils ont gardé des images en tête», explique celui qui s’est dévoué corps et âme avec son équipe pour le bien-être de la population. Ces images ne cessent de hanter les soignants.

De nombreux enfants ont contracté la COVID-19. Ils ont été soignés à Stollery Children’s Hospital. Crédit : Courtoisie – Service de Santé de l’Alberta

En septembre 2020, il manque de plus en plus de personnel. Jacques Kanku est aussi à bout de souffle. Depuis mars, il travaille 16 heures par jour, cinq jours par semaine. Il fait de l’insomnie et il a une fatigue chronique. Il est alors obligé de réduire ses heures de travail. Il travaille alors deux jours et commence un travail avec un psychologue pour surmonter son état.

À l’heure actuelle, il n’a toujours pas repris son rythme de travail post-pandémie.

«Prochainement, je reprendrai mes semaines de cinq jours», dit-il avec espoir. Et même si la pandémie lui a causé beaucoup de traumatismes, Jacques Kaku a toujours éprouvé un grand sentiment de satisfaction et d’accomplissement lorsque l’un de ses patients rentrait à la maison.

«Au moins, on a sauvé une vie», dit l’homme qui croit en sa mission coûte que coûte et avec une grande fierté pour cette vocation.

 

Devant l’isolement des patients 

Sylvie, étudiante en sciences infirmières à l’Université de l’Alberta, commence à travailler pour les Services de santé de l’Alberta (AHS) quelques semaines avant le début de la crise sanitaire.

Très rapidement, elle ressent beaucoup de difficultés face à la détresse et à la solitude des patients. Ces tranches de survie s’ajoutent au stress de la pandémie. Témoin «privilégiée», elle se remémore combien les restrictions en place et notamment l’annulation du droit de visite ont atteint l’état de santé des patients. «Ça l’a beaucoup affecté la santé mentale des patients. Le fait que la leur ait été bouleversée, ça nous a ébranlés.»

Devant la situation, les membres de son équipe de travail n’ont pas eu d’autres choix que de se serrer les coudes. «On a été présents les uns pour les autres pour s’entraider!»

«On a été présents les uns pour les autres pour s’entraider!» Sylvie, étudiante infirmière

Ces longs mois de pandémie, le mal-être de la profession, la solitude des patients n’ont finalement pas éteint les aspirations de la jeune femme. Cette expérience sur le terrain a eu un «impact positif» sur l’étudiante. Celui de la résilience.

Aujourd’hui encore, elle espère devenir infirmière agréée et faire une carrière au chevet des malades, tout en sachant ce que cela peut impliquer émotionnellement.

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Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

 

Boniface Bahi est originaire de la Côte d’Ivoire. Professeur d’anthropologie médicale au Campus Saint-Jean, il estime que la pénurie de main-d’œuvre dans le système de santé serait la solution à l’intégration des travailleurs de la santé immigrants.

 

Le problème est que «la reconnaissance du diplôme n’est pas toujours facile».

 

Bilé David, lui aussi natif de la Côte d’Ivoire, le confirme. Même s’il n’évolue plus dans le milieu médical depuis son arrivée en Alberta, il a déjà exercé la profession d’infirmier dans son pays d’origine. À son arrivée en 2013, son diplôme ne lui permettait que de travailler en tant que préposé aux bénéficiaires. Une dévaluation de ses compétences difficiles à accepter.

 

«La reconnaissance du diplôme n’est pas toujours facile». Boniface Bali

 

Pour travailler à nouveau comme infirmier, il aurait dû retourner deux ans sur les bancs de l’université. Une situation qui n’en valait pas la peine alors que lui-même n’était plus certain de sa volonté à continuer dans cette carrière. Il a donc préféré quitter ce domaine.

 

M. David est toutefois d’avis que ce retour en classe est important. Il permet aux nouveaux arrivants de comprendre le fonctionnement du système de santé canadien qui est d’ailleurs très différent de celui de nombreux pays d’Afrique.

 

Il témoigne que «certains immigrants ne sont pas heureux de recommencer à zéro». En effet, ils doivent alors concilier leur vie familiale, leur travail et leurs études. Compte tenu de la situation, certains d’entre eux, souvent surmenés, préfèrent changer de métier.

Des pathologies tropicales

Boniface Bahi souligne que ces travailleurs de la santé immigrants ont une expertise supplémentaire lorsqu’il s’agit de diagnostiquer les maladies tropicales. Parfois, pour certaines pathologies, «la technologie ne peut pas y répondre», alors que des professionnels qui ont vécu dans un environnement pandémique particulier peuvent faire la différence.

 

Il se rappelle que lorsqu’il était étudiant à l’Université de Montréal, un de ses camarades de classe est décédé suite à un voyage dans son pays d’origine. À son retour du Gabon, il était malade. «On l’a envoyé dans un hôpital où on pouvait traiter des maladies tropicales, mais les médecins ont eu de la difficulté à reconnaître les symptômes et donc, ils n’ont pas pu poser un diagnostic.»

 

Certaines pathologies tropicales telles que la malaria sont néanmoins mieux connues par le personnel médical canadien. La médecin Michelle Dion avoue ne pas avoir rencontré souvent de personnes atteintes de maladies infectieuses dans son cabinet.

 

Elle se souvient que le peu de fois où elle a rencontré un nouvel arrivant fiévreux, son premier réflexe était de penser à la malaria. «Les immigrants vont aussi souvent penser qu’ils l’ont. Il y en a qui l’ont déjà fait et ils connaissent très bien la maladie.»

Des enjeux culturels et linguistiques

Le rapport entre le professionnel de santé et son client peut être parfois confronté à des enjeux culturels en raison d’une «différenciation des valeurs», explique Boniface Bahi.

 

Pour illustrer son propos, il raconte une situation qui est déjà arrivée à l’un de ses confrères.

 

Ce dernier est un gynécologue. Un couple originaire de l’Afrique centrale vient le rencontrer dans son bureau. Il interroge la femme sur son état de santé, mais celle-ci ne répond pas. Dans l’incompréhension, il préfère faire appel à une de ses collègues pour tenter de nouer le dialogue et comprendre. «Dans sa culture, la patiente ne pouvait pas dire certaines informations en présence de son mari. Comme il était dans la pièce, elle ne pouvait pas parler.»

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Par ailleurs, certains immigrants qui arrivent en Alberta ne parlent pas l’anglais. Se rendre à une consultation médicale devient parfois complexe. Les professionnels de la santé francophones ont une certaine sensibilité à ces difficultés et essaient de faciliter l’accès aux soins.

 

Dans les bureaux de Michelle Dion, les réceptionnistes ne parlent pas un mot de français. Cela ne l’empêche pas d’accueillir des patients francophones. Elle facilite l’accès à la prise de rendez-vous grâce aux réseaux sociaux.

 

«J’ai seulement cinq de mes patients qui me disent qu’ils veulent planifier un rendez-vous. Ça n’arrive pas souvent.» Dès qu’elle voit une notification de leur part, elle avertit les réceptionnistes qui appellent les patients en utilisant le 811 et les services d’interprétation afin de faciliter la communication

Le Conseil scolaire Centre-Nord (CSCN) et Elk Island Public Schools (EIPS) sont arrivés à un accord pour offrir aux jeunes francophones la possibilité de continuer leur cursus scolaire en 7e année dans une aile de l’école Clover Bar Junior High. Ceux-ci pourront ainsi étudier dans leur communauté de Sherwood Park dès la prochaine rentrée scolaire.

Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

Entre-temps, les élèves qui termineront les études primaires devront se rendre à Edmonton puisqu’il n’y a aucune école secondaire en français dans le comté de Strathcona. «On savait qu’on perdrait nos 4e, 5e et 6e années [de 2021-2022]», relate Karine Gervais, la présidente de la Société de parents de l’école CDT.

Suzanne Gow, la vice-présidente de la Société de parents de l’école Claudette-et-Denis-Tardif (à gauche), et Karine Gervais, la présidente (à droite). Crédit : Courtoisie

Suzanne Gow, la vice-présidente de la Société de parents de l’école Claudette-et-Denis-Tardif (à gauche), et Karine Gervais, la présidente (à droite). Crédit : Courtoisie

La Société des parents a alors entamé des démarches auprès du CSCN pour permettre à ces élèves de poursuivre leur parcours scolaire tout en restant dans leur communauté. Leur projet était d’ouvrir graduellement chaque niveau secondaire en l’espace de trois ans. «On voulait inaugurer la nouvelle école en sachant qu’on allait avoir des élèves de 7e, 8e et 9e année.»

«À l’écoute des parents», Robert Lessard, le directeur général du CSCN, explique que le Conseil scolaire a entamé les «études nécessaires pour fournir de l’information au conseil d’administration» et prendre en compte ces besoins.

Une anticipation du besoin

Le CSCN a vu avec l’ouverture graduelle de ces différents niveaux plusieurs avantages pour le futur établissement de Sherwood Park. Selon Robert Lessard, il sera plus facile de planifier concrètement le nombre d’élèves du secondaire dans le nouvel édifice. «Nous aurons déjà des élèves qui entameront leur 10e année, alors on connaîtra déjà en partie le nombre d’élèves qui s’en viennent dans cette école.»

De plus, lorsque le nouveau bâtiment sera prêt, «il y aura des éléments au niveau de la programmation, des activités scolaires et de l’environnement scolaire qui seront déjà présents, alors la transition du changement d’établissement se fera en douceur», explique le directeur général du CSCN.

Un partage d’espace

Afin de pouvoir ouvrir les 7e, 8e et 9e années, le CSCN a conclu un partenariat avec le conseil scolaire anglophone EIPS afin de pallier le manque d’espace de l’école CDT. En effet, celle-ci étant déjà au maximum de sa capacité, il a fallu trouver des solutions dans un autre établissement.

Ainsi, l’école Clover Bar Junior High d’EIPS, qui est située dans le comté de Strathcona, accueillera les jeunes élèves durant trois ans. «Nous comprenons l’importance pour les élèves de pouvoir fréquenter une école dans leur propre communauté», indique Trina Boymook, la présidente d’EIPS.

Le programme secondaire de l’école CDT sera installé dans une aile de l’école qui n’est pas fréquentée aujourd’hui. Les élèves auront droit à une éducation totalement en français et ne se mélangeront pas avec ceux de Clover Bar Junior High.

«Nous respectons l’éducation francophone. C’est pourquoi nous avons fourni au CSCN une section de notre bâtiment afin qu’ils puissent préserver la tradition francophone d’une école francophone», explique Trina Boymook.

De plus, faute d’espace dans l’école CDT, la classe de 6e année sera transférée à cette école l’automne prochain. «Libérer leur classe va permettre de faire plus de place dans l’école puisque celle-ci est pleine à craquer», termine Karine Gervais.

Le 1er mars dernier, le gouvernement de l’Alberta a tenu un événement virtuel en fin de matinée pour célébrer le début du Mois de la francophonie pendant lequel le drapeau franco-albertain a été hissé devant l’Assemblée législative. À la fin de l’après-midi de ce premier jour de mars, il avait déjà laissé sa place à celui de l’Ukraine. 

Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

Pour Isabelle Laurin, la directrice générale de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA), voir flotter le drapeau franco-albertain devant l’Assemblée législative est symbolique. «Le gouvernement reconnaît la place de la francophonie dans la province et c’est une façon d’affirmer notre place.»

Toutefois, en 2019, le bureau du protocole de l’Alberta a adopté une politique restreignant la durée de présence des drapeaux à une seule journée au nom de l’égalité communautaire en Alberta. Le drapeau franco-albertain n’est donc visible que le premier jour du mois de la francophonie.

Un règlement qui rend amère la directrice de l’ACFA puisqu’elle souhaiterait voir le drapeau dans le ciel d’Edmonton durant tout le mois de mars. «Pour nous, une journée, ce n’est pas suffisant puisque notre drapeau a été reconnu comme le premier symbole de distinction sous la Loi des emblèmes de l’Alberta.» À ce jour, et depuis 2017, il est toujours le seul.

Marie Constant. «On veut voir notre drapeau franco-albertain hissé pour nos jeunes et les générations à venir.» Crédit : Gabrielle Beaupré

Marie Constant, directrice générale de Francophonie jeunesse de l’Alberta, souligne qu’il y a toujours du travail à faire autant de la part de la communauté et que de celle du gouvernement afin que le drapeau franco-albertain et la francophonie soient ancrés dans la province.

Plus précisément, elle explique que les francophones doivent continuer à élever leur voix et le faire plus fort pour se faire entendre et le gouvernement doit être davantage à leur écoute. Elle soutient aussi l’importance du drapeau franco-albertain. «On veut voir notre drapeau hissé pour nos jeunes et les générations à venir.»

«On veut voir notre drapeau hissé pour nos jeunes et les générations à venir.» Marie Constant

Fort heureusement, les ACFA régionales et de nombreuses écoles dans la province font leur part. Isabelle Laurin souligne que partout en province «les levers du drapeau franco-albertain démontrent la place passée et actuelle de la francophonie albertaine».

En soutien à l’Ukraine 

Ce même jour, à 16h, la rédaction s’est déplacée à l’Assemblée législative pour vérifier si le drapeau était toujours présent. À son arrivée, le drapeau franco-albertain avait déjà disparu, remplacé par celui de l’Ukraine.

Par voie de courriel, Amanda LeBlanc, l’attachée de presse du ministère de la Culture et de la Condition féminine, confirme que le drapeau n’a été levé que quelques heures pendant cette première journée du Mois de la francophonie.

Le drapeau ukrainien a remplacé le drapeau franco-albertain devant l’Assemblée législative le premier jour du Mois de la francophonie.

Le drapeau ukrainien a remplacé le drapeau franco-albertain devant l’Assemblée législative le premier jour du Mois de la francophonie. Crédit : Gabrielle Beaupré

Devant le fait accompli, Marie Constant est perplexe. «Je trouve dommage qu’on ne puisse pas maintenir notre place la journée [où le gouvernement provincial] hisse le drapeau franco-albertain.» Elle comprend néanmoins la situation et estime que les deux drapeaux auraient dû être hissés l’un à côté de l’autre.

Quant à la directrice générale de l’ACFA, elle n’émet aucun commentaire sur le retrait rapide du drapeau. Toutefois, elle mentionne que «la situation est très particulière cette année et que la francophonie albertaine est très solidaire de ce qui se passe en Ukraine».

«La situation est très particulière cette année et que la francophonie albertaine est très solidaire de ce qui se passe en Ukraine.» Isabelle Laurin

Contacter par la rédaction, le francophone d’origine ukrainienne  Roman Kravec est très fier «de voir le drapeau ukrainien hissé partout en Occident». Celui qui est membre depuis plus de 25 ans de la chorale Edmonton Swiss Men Choir appuie ce geste symbolique, mais n’oublie pas le plaisir qu’il a de chanter en français à chaque fois qu’il en a l’occasion.

C’est pour lui un beau geste de la part du gouvernement provincial en solidarité avec le peuple ukrainien qui se bat contre les Russes pour sauvegarder l’indépendance et la souveraineté nationale de l’Ukraine. Une souveraineté déjà tristement bien hypothéquée.

Un manque de cohérence 

Lors du lancement virtuel du Mois de la francophonie par le ministère de la Culture, la lieutenante-gouverneure de l’Alberta, Son Honneur l’honorable Salma Lakhani, a offert un début et une fin d’allocution en français. Un effort remarqué. La rédaction, elle aussi, prend note de ce changement alors qu’elle avait fait la promesse en 2021, durant ce même Mois de la francophonie, de s’exprimer dans la langue de Molière.

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Une situation remarquable qui tranche avec l’allocution du ministre de la Culture et responsable du Secrétariat francophone. En effet, celui-ci n’a prononcé son discours que dans la langue de Shakespeare et n’a pu livrer que quelques mots en français. Un lapidaire, «merci tout le monde!» La rédaction s’est informée auprès du ministère, curieuse de savoir si lui aussi avait l’intention de suivre prochainement des cours de français. La question a été esquivée.

Queer, en anglais, signifie bizarre… et désigne l’ensemble des minorités de sexe et de genre avec une connotation positive aujourd’hui remarquée. Ce qui n’était pas forcément le cas auparavant, et ce, même dans la communauté francophone albertaine. Aujourd’hui, celle-ci tend la main et démontre une ouverture d’esprit envers la communauté 2SLGBTQIA+ d’Edmonton malgré quelques réticences. Entre préjugés et acceptation, l’histoire se construit.

Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

Casey Edmunds se remémore la première fois où l’idée de créer un comité pour les membres de la communauté 2SLGBTQIA+ d’Edmonton a été mise sur la table. «On était une petite gang de gars queer qui voulait militer dans la francophonie.» C’était en 2011. Le nom fictif de l’organisme était la Fédération des Franco-Albertains Gay Society (FFAGS).

L’un de leurs objectifs était alors de mobiliser les Franco-Albertains durant le mois et la semaine de la fierté gaie à Edmonton. «On voulait qu’ils disent qu’il existe des francophones gais à Edmonton.» Hélas, ce groupe de jeunes a frappé un mur. «La réponse qu’on a eue, c’était que la communauté n’était pas prête.» Leur élan de changement s’est effondré sur le coup.

En 2015, le vent tourne. Une mobilisation de jeunes se met en place pour la cause 2SLGBTQIA+. «C’était des gens de la communauté qui avaient fait toute leur scolarité dans un système scolaire catholique traditionnel et francophone.» Pendant leur passage sur les bancs d’école, ils avaient réalisé que les diverses orientations sexuelles et identités de genre étaient peu ou pas du tout abordées dans les cours. Et si elles l’étaient, c’était de façon négative.

Une fois leur diplôme scolaire en main, les jeunes ont voulu s’exprimer et partager leur expérience. En 2016, l’Alliance allosexuelle-hétérosexuelle (AAH), qui deviendra le Comité FrancoQueer de l’Ouest (CFQO) en 2019, a été créée par Francophonie jeunesse de l’Alberta (FJA). Sa mission est alors de soutenir la communauté queer et de faire des ateliers dans les écoles.

À l’époque, le directeur général de FJA n’est nul autre que Casey Edmunds, l’un des premiers membres vraiment assumés de la communauté gaie d’Edmonton et artiste de talent, mais aussi un ancien élève du Campus Saint-Jean. Les étoiles s’alignent, l’heure est venue de faire évoluer les mœurs!

Changer les mentalités

En 2018, Stéphane Youdom, membre de la communauté gaie albertaine, anime le gala du Congrès annuel de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA). Comme d’habitude, ses habits sont très glamours et il porte une traîne comme dans les autres soirées auxquelles il assiste. «Je me souviens que c’est le président de l’époque [Marc Arnal] qui m’avait remarqué au Campus Saint-Jean et qui m’avait invité pour que les mentalités de la communauté francophone avancent.» Il se remémore que les réactions vis-à-vis de son style vestimentaire avaient été positives.

Malgré cela, certains préjugés subsistent. Casey Edmunds, Stéphane Youdom ainsi que Rose-Eva Forgues-Jenkins, la coordonnatrice de programmation du Comité FrancoQueer de l’Ouest, affirment que les valeurs traditionnelles de l’Alberta y sont pour beaucoup. Ancrées et résistantes, elles ne mettent pas à l’aise les membres de la communauté 2SLGBTQIA+ dans leur vie au quotidien. De simples gestes comme marcher dans la rue main dans la main restent un défi à Edmonton.

Rose-Eva Forgues-Jenkins et sa blonde

Rose-Eva Forgues-Jenkins (à droite) et son amoureuse (à gauche) se tiennent la main dans la rue lorsqu’elles se sentent en sécurité. Crédit : Courtoisie

Toutefois, dans les quartiers Old Strathcona et Garneau, les valeurs sont plus progressistes et leurs résidents, plutôt jeunes. «On ressent moins de préjugés traditionnels», souligne Rose-Eva Forgues-Jenkins. Elle n’a alors aucun problème à tenir la main de sa copine lorsqu’elle marche dans la rue.

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Gilbert Drapeau, artiste de scène, alias Lady Tenderflake, n’est pas forcément rassuré lorsqu’il marche dans la rue dans son personnage de drag queen. Il a toujours cette appréhension, cette peur d’être agressé verbalement ou physiquement. «Il semble toujours exister une permission d’affronter les gens de la communauté.»

Au-delà des préjugés

La drag queen explique que ce sont plus fréquemment les communautés religieuses, de droite et d’extrême droite qui ont «de la difficulté à comprendre que la communauté queer est un état d’âme complètement naturel qui fait partie de la grande famille humaine».

Gilbert Drapeau, alias Lady Tenderflake.

Gilbert Drapeau, alias Lady Tenderflake. «J’aimerais qu’on arrive à un point où on peut mettre de côté la sexualité.»
Crédits : Courtoisie

L’artiste de scène a un soupçon d’optimisme lorsqu’il relate que plusieurs membres de ces communautés conservatrices montrent une ouverture d’esprit après l’avoir vu en spectacle ou lui avoir parlé. «C’est intéressant de voir que, par l’exposition d’une personne queer, ils apprennent à apprécier la personne comme un être humain au complet [en faisait fit de la] définition qui leur a été donnée dans leur apprentissage ou dans leur communauté d’enfance.»

Il est donc probable qu’avec le temps, les mentalités vont évoluer. Néanmoins, le CFQO remarque que le drapeau arc-en-ciel de la fierté gaie n’a jamais flotté dans la francophonie albertaine. Un «oubli» que ses membres espèrent voir lever dans le ciel d’Edmonton dans un avenir proche.

Pour plus d’information, consultez le petit lexique des 2SLGBTQIA+ : https://www.cfqo.ca/2slgbtqia.html

Certains parents albertains anglophones et francophiles voient d’un très bon œil l’éducation en français. Une instruction qui permettra à leurs enfants de se forger une identité et leur offrira un éventail de possibilités quant à leur avenir professionnel et personnel. La langue de Molière est d’abord un atout pour ces familles qui se lient à notre communauté.

Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau.Presse – Le Franco

Selon les données les plus récentes de Canadian Parents For French, 6,7% des jeunes albertains étaient inscrits à l’école d’immersion française lors de l’année scolaire 2019-2020. Un chiffre qui reste en deçà de quelques dixièmes de ce que l’Alberta a connu l’année d’avant.

Qu’importe! Les trois enfants de Jennifer Lamoureux ont fréquenté l’immersion française lors de leur parcours élémentaire et secondaire effectué à Edmonton. Car même si la consonance de son nom de famille nous invite à imaginer le patrimoine francophone qu’il comporte, elle n’a jamais appris le français.

Jennifer lamoureux mère anglophone

Jennifer Lamoureux. «Une deuxième langue est une bonne chose à indiquer sur un curriculum vitae et c’est génial pour voyager.» Crédit : Courtoisie

Issue de la 7e génération des Lamoureux, l’une des premières familles installées en Alberta, et fondatrice du hameau du même nom, Jennifer n’a pas eu la chance d’apprendre le français. En effet, son père ne le lui a jamais enseigné et l’école d’immersion n’était pas disponible à Whitecourt, la ville de son enfance. «Ma mère aurait aimé que j’apprenne le français et j’aurais aimé parler une deuxième langue, celle de mon héritage», explique-t-elle avec regret.

«J’aurais aimé parler une deuxième langue, celle de mon héritage» Jennifer Lamoureux

Par ce choix de mettre ces trois enfants en immersion, elle voulait leur offrir l’occasion d’apprendre une deuxième langue, celle de leurs ancêtres, et ce, dès le plus jeune âge. Une façon aussi d’obtenir de meilleurs résultats à long terme.

Un sentiment d’insécurité linguistique pourrait se développer 

Lucas, le puîné de la fratrie, étudie présentement dans une technique de génie chimique au Northern Alberta Institute of Technology (NAIT) à Edmonton. Il indique que, pendant sa scolarité en immersion, il était bon en français, mais il ne le pratiquait que pendant les cours.

«Mes enseignants voulaient toujours qu’on parle en français.» Mais ce n’était pas le cas chez lui puisque ses deux parents ne parlaient pas français. Et lui, il préférait s’exprimer en anglais avec ses deux frères.

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Lucas n’utilise d’ailleurs plus son français depuis qu’il a obtenu son diplôme à l’école d’immersion, trois ans auparavant. Il nous laisse entendre qu’il n’a pas l’occasion de l’utiliser très souvent en Alberta.

Il est toutefois conscient que l’apprentissage de la langue française que sa mère lui a offerte peut lui ouvrir de nombreuses portes à l’avenir. Pour un emploi ou lui permettre de voyager dans des endroits francophones où il comprendra ainsi la langue.

Dans la communauté francophone

Rodney Al, un père francophile de deux enfants, souligne que l’instruction du français se fait de manière différente dans chaque famille. Par exemple, certains le font par le biais de la communauté francophone, d’autres à travers les écoles d’immersion.

Cet Edmontonien a réalisé son parcours scolaire en anglais au milieu des années 1990. Il a un coup de cœur pour la francophonie lors d’un séjour à Trois-Rivières dans le cadre d’un programme d’immersion française. À partir de cet instant, et ce, chaque fois qu’il en a l’occasion, Rodney Al pratique la langue de Molière. «Je crée mes occasions pour parler français.»

Puis, lorsque sa femme Meghan et lui-même deviennent parents, ils décident d’offrir une expérience linguistique à leurs enfants en les éduquant dans les deux langues officielles. Il leur parle en français et sa femme en anglais. Leur objectif est de leur permettre de prendre conscience «qu’il y a plein de personnes dans le monde qui comprennent la vie avec une autre langue que l’anglais».

«Il y a plein de personnes dans le monde qui comprennent la vie avec une autre langue que l’anglais». Rodney Al

À la naissance de sa fille, Rodney se rappelle que c’était difficile pour lui de s’exprimer en français. Il se met alors au travail pour l’améliorer. Il apprend des berceuses, des contes, des histoires et des blagues dans la langue de Molière. Il s’implique à l’Institut Guy-Lacombe de la famille (IGLF). Ils décident d’emménager à Bonnie Doon, le quartier francophone d’Edmonton, afin que leurs enfants grandissent dans un environnement en français.

D’autre part, même si le couple n’est pas francophone, ils ont fait la demande au Conseil scolaire Centre-Nord (CSCN) pour y inscrire leurs enfants. C’est d’ailleurs avec satisfaction que cette requête a été acceptée à l’époque grâce au «fait qu’on leur parle en français depuis leur naissance et que la grand-mère de ma femme était fransaskoise».

Aujourd’hui, la fille de Rodney Al est en troisième année à l’école publique Gabrielle-Roy et son frère, en maternelle. Ses deux enfants y ont aussi fait leur prématernelle. Rodney est très enthousiaste de dire que son français s’améliore de plus en plus et que ses enfants sont, eux aussi, capables de s’exprimer en français.

Canadien Parents for French est un organisme national anglophone qui fait la promotion du français langue seconde et soutient le bilinguisme.

Pour plus d’information : cpf.ca/fr

Pour sa 11e édition, le Parlement jeunesse pancanadien (PJP), tenu tous les deux ans, s’est déroulé virtuellement du 11 au 13 février dernier. Il a permis à 54 jeunes canadiens d’expression française de participer à une simulation de travaux parlementaires à la Chambre des communes du Canada. 

Gabrielle Beaupré
IJL – Réseau-Presse – Le Franco

Portant le chapeau de députés, de ministres ou de journalistes, les participants débattent et votent des projets de loi, procèdent à des périodes de questions et assistent à des conférences de presse. «On suit vraiment le protocole de la Chambre des communes, même plus que les [vrais politiciens] puisqu’il n’y a pas de criages ni d’insultes», s’esclaffe la présidente de la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), Marguerite Tölgyesie.

Les projets de loi ainsi que le nom des trois partis politiques sont fictifs et créés par les membres organisateurs. «On veut se détacher de la réalité pour ne pas laisser la place à la partisanerie», indique-t-elle.

Marianne Goulet, une participante franco-albertaine ayant joué le rôle de député du deuxième parti de l’opposition, mentionne que la simulation parlementaire permet aux jeunes d’explorer un aspect théâtral. «On peut s’inventer des personnages pourvu qu’on reste polis et dans nos lignes de parties, mais certains restent sérieux.»

«On peut s’inventer des personnages pourvu qu’on reste polis et dans nos lignes de parties, mais certains restent sérieux.» Marianne Goulet

Par ailleurs, contrairement aux éditions précédentes qui ont eu lieu en personne à Ottawa, et plus précisément à la Chambre des communes du Canada, la FJCF a décidé de tenir son PJP en ligne en raison de la crise sanitaire.

Marianne Goulet pendant l’édition virtuelle du Parlement jeunesse pancanadien.

Marianne Goulet pendant l’édition virtuelle du Parlement jeunesse pancanadien. Crédit : Courtoisie

Néanmoins, sa présidente souligne que l’événement a été très interactif. «Le volet média a contribué à rendre l’événement plus dynamique.» Chaque seconde, sur Slack, une application de messagerie instantanée, il y avait un gazouillis ou une création de mèmes d’un journaliste.

Une belle rencontre  

Lors du Parlement jeunesse pancanadien, les participants ont eu l’occasion de s’entretenir de façon informelle avec les sénatrices Bernadette Clément et Julie Miville-Dechêne. Cette rencontre a permis à la jeunesse francophone canadienne d’en apprendre davantage sur leurs parcours politiques.

Julie Miville-Dechêne a, entre autres, abordé son projet de loi contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. «C’était une excellente occasion de parler aux jeunes sur des sujets auxquels ils sont sensibilisés. Ils étaient allumés et engagés.»

«C’était une excellente occasion de parler aux jeunes sur des sujets auxquels ils sont sensibilisés. Ils étaient allumés et engagés.» Julie Miville-Dechêne

D’ailleurs, par le biais de cet échange, les participants ont pris conscience que les politiciens sont plus accessibles qu’ils le croyaient. «Il y en a tellement qui veulent connaître nos opinions, nos besoins et nos réalités, alors il ne faut pas avoir peur de les approcher», note Marguerite Tölgyesie.

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«Il ne faut pas oublier que ce sont des gens comme nous qui sont passionnés par notre pays et qui veulent améliorer les choses pour leurs communautés ou leurs territoires», ajoute la présidente de la FJCF.

Apprendre dans le plaisir

Les deux habituées du PJP, Marianne Goulet et Marguerite Tölgysei, s’accordent pour dire que l’événement permet d’apprendre le système politique fédéral dans le plaisir et les différentes réalités des francophonies canadiennes.

De plus, l’événement donne lieu à la création d’amitiés entre jeunes francophones résidant aux quatre coins du pays. «Je me suis fait des amis pour la vie!», s’exclame Marguerite Tölgyesie.

«Je me suis fait des amis pour la vie !» Marguerite Tölgyesie

Le moment le plus marquant pour les deux jeunes femmes lors du PJP 2022 a été l’élection du nouveau cabinet à la fin de l’événement. Celui-ci organisera la prochaine édition qui aura lieu dans deux ans. Marianne Goulet se dit très enthousiaste d’avoir été élue par ses pairs. Et la présidente de la FJCF a été très touchée de voir le nombre de jeunes qui veulent s’y impliquer et «prendre le flambeau» de la coordination de l’événement.

La Chambre des communes est l’organe législatif élu du Parlement. C’est là que les 338 députés élus débattent des questions nationales, votent les projets de loi et expriment les idées et préoccupations de leurs électeurs. (Source : Parlement du Canada)

Pour plus d’information : parl.ca